Quel avenir attend les quelque 3 000 conseillers qui ont tiré des revenus de cette activité ? L’Avenir a rencontré Marie-Aurore Charloteaux, responsable des concessions de Gembloux et Lillois, ainsi que des magasins de Namur, Wavre, Waterloo et du Woluwe Shopping Center. Un indépendant dont la concession termine à la première place des ventes belges de la marque depuis plusieurs années.
Marie-Aurore, comment avez-vous appris la nouvelle ?
Via une visioconférence avec notre direction belge qui, je dois le dire, s’est battue bec et ongles pour que nous puissions continuer… Mais voilà, après 35 ans, tout ce en quoi nous croyions s’effondre. Il y a quelques mois, je n’aurais jamais pensé que Tupperware avait autant de dettes. De mauvais choix ont été faits au sommet…
« J’ai reçu des dizaines de témoignages de personnes qui m’ont confié tout ce que cette expérience leur a apporté… »
Comment interprétez-vous cette décision de quitter l’Europe ?
Difficile à dire. Je pense que les acheteurs veulent arranger les choses. En Europe, tout ce que nous avons en commun, c’est l’euro. Pour le reste, le territoire est grand comme une poignée d’États américains, mais chaque pays a ses spécificités. Je pense qu’ils veulent, dans un premier temps, se concentrer sur les marchés à potentiel et où les choses seront plus simples.
Avant cette annonce, vous avez bénéficié d’un sursis de 45 jours, dans quelle ambiance ?
Durant cette période, nous avons voulu démontrer l’intérêt du marché belge. Nous avons continué à travailler normalement, voire plus. À la fin de l’année, nous avions des chiffres comme jamais auparavant. Nous avons senti un vent de bonne volonté. Les gens sont venus s’équiper. Nous avons vu des grands-mères faire des provisions pour leurs petits-enfants. D’une manière ou d’une autre, cela ne me surprend pas. Tout le monde a une histoire Tupperware.
Depuis 2013, la concession de Gembloux se mobilise pour le Télévie
Comment a commencé votre propre histoire avec la marque ?
Je pense que je suis né pour vendre. Ma mère tenait une boulangerie. Dès l’âge de 6 ans, j’ai vendu avec elle. Chez les Guides, à l’école, j’ai toujours voulu être le champion des ventes. Je suis même devenu professeur de vente. Un jour, j’ai été invité à une manifestation à Braine-le-Comte. J’habitais à Bruxelles, j’y allais en transports en commun car je n’avais jamais eu de permis de conduire. À la fin de l’atelier, la conseillère a demandé si quelqu’un voulait travailler avec elle, j’ai répondu oui.
Avez-vous fait carrière dans la vente directe sans permis ?
Oui! il y avait toujours quelqu’un pour me ramener. En arrivant à la maison, j’ai ouvert le garage et offert un petit cadeau… Je n’ai jamais été laissée sur le bord de la route.
Connaissiez-vous Tupperware lorsque vous avez débuté ?
Certainement pas! Je ne viens pas d’une famille qui utilisait ces produits. Je me souviens qu’à mes débuts, dans les années 80, les gens restaient bouche bée quand on vidait l’air… On entendait un bruissement ! C’était révolutionnaire. Depuis l’avènement des micro-ondes, les produits ont évolué. Quand on utilise ces produits, on ne peut plus s’en passer. C’est fou.
Il y a 20 ans, vous deveniez dealer…
Efficacement. Nous avons fêté cet anniversaire en décembre… Cela fait des souvenirs. D’ailleurs, c’est à ma force de vente (les conseillers, NDLR) que j’ai pensé en premier en faisant l’annonce. Depuis des années, je construis un univers autour d’eux. Tout cela n’était qu’un prétexte pour que les gens se voient, pour que des amitiés se nouent. C’est une grande famille.
Combien de personnes composent votre force de vente ?
Avant Covid, nous étions passés à 500 personnes. Nous sommes ensuite redescendus, mais il restait encore plusieurs centaines de dames.
Que vont-ils devenir ?
Ce lundi, malgré l’annonce, nous avons quand même organisé une grande assemblée avec des spots et des ateliers recettes diffusés en ligne pour montrer aux gens comment utiliser leur matériel. Ce n’est pas parce que Tupperware retire notre licence que nous ne pouvons plus parler de nos produits. Et à la fin, après le pot amical, ils m’ont dit « à lundi prochain » et j’ai répondu « à lundi ».
C’est à dire ?
J’ai deux options. Soit tout arrêter, soit le revendre… Soit me dire que je n’ai que 59 ans. Je ne me vois pas m’arrêter et rester seule à la maison. De plus, depuis l’annonce, j’ai reçu tellement de témoignages de personnes qui m’ont confié tout ce que cette expérience leur avait apporté. Je ne peux pas laisser tomber.
Mais Tupperware, c’est fini. Envisagez-vous de poursuivre avec une autre vente directe ?
Exactement. Cela m’intéresse beaucoup. Nous avons une expertise, une façon de faire et un réseau à préserver. J’en ai parlé à ma force commerciale et en une demi-heure j’ai eu 200 personnes qui m’ont répondu : “On t’attend.” Les magasins fermeront. D’autres pourraient rouvrir. Nous partirons d’une page blanche. Nous rebondirons. Je ne peux pas imaginer ne plus les voir.