Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) courent un risque plus élevé de cancer que la population générale. Un risque supplémentaire bien décrit depuis plusieurs décennies : dès le début des années 1990, trois cancers, associés à des infections opportunistes par des virus oncogènes (HHV8, EBV et papillomavirus), avaient déjà été identifiés comme « classifiant le SIDA », c’est-à-dire définissant la passage à cette étape : “Syndrome de Kaposi, lymphome malin non hodgkinien et cancer du col de l’utérus”rappelle le professeur Sophie Grabar, médecin de santé publique à l’Inserm et à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP). Et une susceptibilité à d’autres cancers induits par des virus, tels que le lymphome de Hodgkin, le cancer du foie et le cancer anal, est bien mise en évidence chez ce public. En cause : immunosuppression, comorbidités, mode de vie, etc.
Une épidémiologie en évolution
Cependant, l’épidémiologie des cancers évolue chez les personnes infectées par le VIH. Premièrement, les taux d’incidence des cancers classés dans la catégorie du SIDA et de certains cancers d’origine virale sont en baisse. Un phénomène sans doute imputable, comme le suggère le professeur Grabar, aux progrès de la restauration immunitaire et à la mise en place précoce des traitements. Pour rappel, les personnes ayant un taux de LT CD4 > 500 /mm3 et une charge virale indétectable semblent cinq fois moins à risque de développer des cancers de ce type, voire, pour certains cancers, comme le cancer du col de l’utérus, ont un risque similaire à la population générale.
De plus en plus de cancers du SIDA non classifiables
Néanmoins, « la part des cancers non classifiés sida devient de plus en plus importante chez les PVVIH »rapporte le professeur Grabar. Ainsi, dans la cohorte FHDH, entre la fin des années 2000 et la fin des années 2010, une diminution des sarcomes de Kaposi et des lymphomes non hodgkiniens a été observée, avec le bénéfice, chez l’homme, d’une augmentation de l’incidence des cancers du foie et colorectal. , et chez les femmes, une augmentation marquée du cancer du sein et du cancer colorectal.
La cause : le vieillissement de la population touchée par le VIH. « La part des PVVIH les plus de 60 à 70 ans devraient doubler entre 2018 et 2028″, estime le professeur Grabar. Par ailleurs, les facteurs de risque de cancer du VIH restent particulièrement répandus chez les PVVIH, comme le tabagisme, rappelle le spécialiste de santé publique.
Dans ce contexte, les recommandations en matière de prévention, de dépistage et de traitement des cancers chez les PVVIH ont été revues.
Cancer du col de l’utérus : un dépistage simplifié
En matière de dépistage, des changements importants concernent la détection du cancer du col de l’utérus, désormais simplifiée chez les femmes vivant avec le VIH. En effet, dès l’âge de 30 ans, en l’absence d’antécédents de lésions suspectes, le dépistage peut désormais se faire de la même manière que dans la population générale, c’est-à-dire tous les cinq ans, au moyen d’un frottis et d’une recherche. de portage du VPH à haut risque.
De même, comme chez les femmes non infectées par le VIH, entre 25 et 30 ans, un dépistage par frottis cytologique est indiqué. Seule différence avec la population générale dans cette tranche d’âge : la fréquence des examens, qui est la même qu’en population générale (deux frottis annuels, puis, en cas de résultat normal, tous les trois ans jusqu’à trente ans) uniquement. chez les jeunes femmes ayant un taux de CD4 > 350/mm3 sans antécédent de nadir CD4 3. « En cas d’antécédents d’immunosuppression plus importante, un frottis annuel par cytologie reste indiqué chaque année jusqu’à trente ans », souligne le Pr Alain Makinson (CHU de Montpellier).
Cancer anal : ciblage élargi
Une autre nouveauté importante en matière de dépistage concerne la détection du cancer anal. Alors que jusqu’à présent le dépistage n’était indiqué que chez les hommes de plus de 30 ans ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) vivant avec le VIH, de nouvelles populations sont désormais concernées : les femmes vivant avec le VIH de plus de 30 ans ayant des antécédents de lésion cervicale précancéreuse (CIN2+), ainsi que les femmes vivant avec le VIH qui ont reçu une greffe d’organe solide et qui ont des antécédents de cancer de la vulve.
En pratique, un test HPV-16 est indiqué tous les cinq ans en cas de résultat négatif.
Par ailleurs, les nouvelles recommandations précisent la possibilité de proposer individuellement un dépistage tomodensitométrique du cancer broncho-pulmonaire aux PVVIH âgées de 50 à 74 ans déclarant une consommation importante de tabac. Toutefois, une telle proposition nécessite « des informations vraiment éclairées du médecin »ainsi qu’un ” entrée dans une stratégie de sevrage tabagique »précise le professeur Makinson.
Cancer du foie, du poumon
Par ailleurs, si les données épidémiologiques confirment le risque accru de cancer du foie en cas d’infection par le VIH et de co-infection par le VHB ou le VHC, chez les PVVIH, le carcinome hépatocellulaire doit être recherché en cas de fibrose. F3 ou F4 par échographie Doppler hépatique tous les six mois. Ce dépistage est également recommandé chez certains sujets VHB à risque, même en l’absence de fibrose F3 ou F4.
Le document rappelle également les dépistages en population générale, qui concernent également les PVVIH : dépistage du cancer colorectal, du cancer du sein, etc.
Principe d’équité
En matière de traitement du cancer, l’accent est mis sur un principe d’équité : les PVVIH doivent pouvoir accéder aux traitements ainsi qu’aux réunions de concertation multidisciplinaire (RCP) comme le RCP OncoVIH. Car s’il y a quelques années, certains traitements oncologiques étaient en pratique contre-indiqués chez les PVVIH, en raison des craintes d’une potentielle accumulation d’immunosuppression, l’infection par le VIH est désormais considérée comme une comorbidité classique. , ce qui ne doit pas empêcher le traitement des cancers selon les normes oncologiques (y compris les immunothérapies).
Surveillance allégée des infections opportunistes
Par ailleurs, le contrôle virologique et la surveillance des infections opportunistes tendent à s’alléger : surveillance de la charge virale et du taux de lymphocytes T CD4+ seulement tous les trois mois, prophylaxie des pneumocystoses et de la toxoplasmose seulement dans deux situations (déficit immunitaire important, risque accru de pneumocystose lié à la type de cancer), surveillance de la virémie CMV uniquement chez les patients avec un taux de CD4+ LT 3 ou en cas d’allogreffe, etc.