de Steve Jobs à Bernard Lachance, les drames de la désinformation médicale

de Steve Jobs à Bernard Lachance, les drames de la désinformation médicale
de Steve Jobs à Bernard Lachance, les drames de la désinformation médicale

Les fausses nouvelles médicales, si elles peuvent être le terreau de bonnes blagues lors de dîners conviviaux, elles s’avèrent parfois plus tragiques, allant parfois jusqu’à coûter la vie à ceux qui y ont souscrit. En niant Médecine basée sur des preuves (EBM) pour s’adonner à des thérapies non prouvées par la science, qu’elles soient actuelles et populaires sur les réseaux ou laïques et spiritualistes, des centaines de personnes prennent des risques avec leur santé. Et ces risques sont loin d’être » faux »…

Quand les fake news se veulent les sirènes des médecines alternatives

Steve Jobs, après avoir appris son cancer précoce du pancréas, a d’abord refusé l’intervention chirurgicale. Selon son biographe, il ne souhaitait pas « que son corps soit ouvert, violé de cette façon « . Il croyait alors en « pensée magique »l’acte d’obtenir quelque chose par la force de l’esprit.1Il se tourne alors vers l’acupuncture et le spiritualisme, s’essaye à la macrobiotique, un régime restrictif non conventionnel tiré du bouddhisme zen.. Au bout de neuf mois, poussé par son entourage, il accepte finalement l’intervention chirurgicale. Les opérateurs constatent que la tumeur s’est propagée aux tissus environnants, scellant ainsi le pronostic. Il meurt DONC rapidement à l’âge de 56 ans.

Sur la même thématique oncologique, on peut également citer le célèbre Bob Marley. En 1977, on lui diagnostique un mélanome localisé au gros orteil droit, initialement localisé et potentiellement curable par excision de l’orteil. Sa croyance religieuse rastafari ne lui permet pas d’être amputé. Il a ensuite suivi des thérapies alternatives jusqu’à ce que son cancer se métastase au cerveau, aux poumons et à l’estomac. Il décède en 1981, à l’âge de 36 ans.2

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Le chanteur québécois Bernard Lachance, pour sa part, n’est pas seulement connu pour avoir participé au Spectacle d’Oprah Winfrey. Il est également présent sur les réseaux sociaux en tant qu’adepte des théories complotistes contre l’industrie pharmaceutique. Séropositif, il a arrêté brutalement sa trithérapie pour la remplacer par trois litres d’eau salée quotidiennement, suivant les recommandations d’Hugues Holleville, ostéopathe » psycho-énergétique « . Selon lui, cela « plasma marin », pourrait être utilisé pour traiter toutes les guérisons immunitaires, y compris les tumeurs. Il est décédé en 2021 des suites d’une grave bactériémie liée au VIH, dans un état avancé de cachexie, à l’âge de 46 ans.3

Pierre Brémond d’Ars est médecin généraliste à Malakoff et président depuis 2021 du collectif No Fake Med, qui milite contre les fake news en santé. Une grande partie des acteurs du collectif, qui ne sont pas que des soignants, décident de s’impliquer après que leurs proches ou leurs patients ont perdu la vie après avoir suivi les conseils des médecines douces. Le Dr Brémond d’Ars tente de comprendre ce phénomène : « Quand on annonce qu’on a un cancer, il n’est pas forcément évident d’accepter la chimiothérapie avec tous les risques qu’elle comporte. Et s’il y a à proximité quelqu’un qui est sympathique et disponible, avec une histoire qui vous séduit car elle renforce vos convictions personnelles, vous disant qu’il existe un autre espoir que la médecine traditionnelle ne reconnaît pas, la tentation peut être grande. Il existe une asymétrie tant au niveau de la disponibilité de l’aidant que de la pénibilité des soins. Le plus énervant, c’est lorsque cela conduit à arrêter les médicaments, à retarder un diagnostic ou parfois même à mourir d’une maladie qui aurait pu être soignée bien plus tôt, mais aussi lorsque la relation de soin est assimilée à une influence relationnelle pouvant conduire à des dérives sectaires. . »

Urgences de santé publique : terreau des théories du complot

L’histoire nous montre que les épidémies ont été un terrain fertile pour les fausses nouvelles les plus absurdes de ces dernières décennies.

C’est lors de la pandémie de Covid 19 que Bernard Lachance s’est radicalisé, liant les deux maladies comme « des pandémies frauduleuses et criminelles scénarisées par les mêmes acteurs, les mêmes institutions »… Mais ça » histoire » n’est pas isolé : en août 2020, douze chercheurs publiaient dans la revue scientifique Journal américain de médecine tropicale et d’hygiène une tâche titanesque : l’identification de 2.311 fausses nouvelles liées au coronavirus publiées en 25 langues et dans 87 pays, dont 89% n’étaient que des rumeurs, 7,8% des théories considérées comme du complot et 3,5% un rejet pur et simple de la réalité.4 Si vous pouvez y trouver des informations ridicules, voire comiques, comme « la laitue de mer peut prévenir l’infection par le coronavirus » ou encore « boire de l’urine et de la bouse de vache peut guérir le coronavirus », d’autres le sont beaucoup moins.

Une seule de ces fausses informations, l’incitation à la consommation de méthanol pour désinfecter le corps et tuer le virus, fut notamment l’une des plus meurtrières. Elle a causé la mort de 800 personnes et l’hospitalisation de 5 876 ​​autres, tandis que 60 personnes sont devenues complètement aveugles !5

Avant le Covid, l’épidémie de sida a révélé les mêmes dérives. Lorsqu’il a été découvert en 1983, pendant la guerre froide, le virus est devenu une arme de propagande du KGB qui a laissé croire que le VIH avait été créé en laboratoire, par un programme militaire américain. Une vaste campagne de désinformation est menée jusqu’en Afrique du Sud. Le gouvernement encourage les médecines alternatives, alimentant la transmission verticale du VIH dans les communautés : le coût est estimé à plus de 300 000 vies.6

De la réticence à vacciner au rejet par les institutions de santé ; l’explication et la compréhension comme clés de résolution

Les fausses nouvelles vont donc remettre en cause à la fois les traitements et la recherche mais aussi le rôle des institutions publiques de santé.

Ainsi, en 1998, le chercheur anglais Andrew Wakefield publiait dans « La Lancette » une étude tronquée, révélant un lien de causalité entre le vaccin ROR et le syndrome autistique. Malgré sa dénonciation et la publication immédiate de nombreux résultats contraires, l’étude a été reprise dans les médias du monde entier : un mouvement de défiance face à ce vaccin est apparu, entraînant une baisse significative de la couverture vaccinale. La connaît alors une épidémie de rougeole qui touche plus de 25 000 personnes entre 2008 et 2015, provoquant plus de 5 000 hospitalisations et une vingtaine de décès, alors même que la maladie a quasiment disparu.7

Et si les groupes anti-vax » (pour anti-vaccination), ne sont pas nouveaux, la pandémie de Covid les a vu nettement se renforcer. Selon le Dr Brémond d’Ars : « Le mouvement traditionnel anti-vax s’est emparé du vaccin Covid, pour s’appuyer sur une remise en question de la vaccination en général, mais aussi une remise en question globale de l’État et de la société, en usant de la peur face à une technologie nouvelle ou récente et une fois que les gens ont peur, c’est extrêmement difficile de regagner leur confiance. »

En fait, les prestataires de soins de santé ont jugé urgent de réagir par différents moyens et réseaux. La cellule RIPOSTE (acronyme) de l’INSERM publie fréquemment sur sa Chaîne Détox, et résiste aux fausses informations, on constate notamment que « Non, le jeûne n’aide pas à combattre le cancer ».8

C’est également le cas du collectif NonFakeMedet le Dr Brémond d’Ars nous explique : « Il s’agit de reprendre confiance par un travail en profondeur et dans la durée, en travaillant l’enseignement de l’esprit collectif. Nous, acteurs de la médecine scientifique, ne manipulons pas les croyances mais les connaissances, et vouloir effacer les croyances par la science est une bataille perdue d’avance. La solution est de désamorcer certains mécanismes où la croyance devient totalitaire, en continuant à écouter le patient, à comprendre pourquoi il s’y intéresse, et à mettre en place ensemble des signaux d’alarme. »

Pour que plus jamais la croyance contre la science ne soit synonyme d’un destin funeste.

 
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