Lauréat de la recherche hospitalo-universitaire en santé (RHU) en 2023, le projet Bioface porté par le professeur Agnès Dupret-Bories, ORL et chirurgienne de la tête et du cou au CHU de Toulouse, a été sélectionné par l’Agence nationale de la recherche (ANR). Ce programme vise à développer des biomatériaux pour la reconstruction faciale en oncologie.
Les cancers de la tête et du cou sont les 5es cancers les plus répandus en Europe et dans un quart des cas, ils concernent la cavité buccale. Pour ces patients, le traitement standard est une intervention chirurgicale lourde qui consiste à retirer une grande partie du cancer et qui s’accompagne fréquemment d’une ablation osseuse. “Actuellement, la reconstruction faciale se fait par prélèvement osseux sur un site donneur du même patient, le plus souvent le péroné, explains Professor Agnès Dupret-Bories. Malheureusement cette technique, qui nécessite une intervention chirurgicale d’une durée de 8 à 10 heures, suivie d’une radiothérapie, entraîne des complications chez un patient sur deux. »
L’espoir des biomatériaux
Dans 30 % des cas, il s’agit de complications sévères, notamment des infections hémorragiques et des rejets de greffons. Et 10 % des patients, trop âgés ou souffrant de pathologies associées, ne sont même pas éligibles à la reconstruction. « Grâce à la synergie de plusieurs biomatériaux fabriqués sur mesure et imprimés en 3D, Bioface pourrait changer radicalement la prise en charge de ces patients. » avance le spécialiste.
Ce programme d’un budget total de 13,4 millions d’euros, retenu par l’ANR comme RHU dans le cadre de France 2030, bénéficie d’un financement de l’État de 4,3 millions d’euros.
Il fédère aux côtés du CHU de Toulouse un consortium* d’industriels, de laboratoires académiques, une association de patients et s’appuie sur la combinaison de plusieurs technologies innovantes de conception d’implants.
Les fabricants travaillent sur la conception d’un substitut osseux biocéramique et d’un implant support en titane, adaptés à la morphologie du patient. Une membrane d’albumine, matériau 100% naturel et pro-cicatrisant, favorisera alors la vascularisation et la régénération tissulaire, puis un spray antimicrobien, appliqué sur les implants, permettra de prévenir les infections.
Comprendre la prévalence de ces cancers
« Le projet qui a débuté en juin 2024 se poursuivra pendant cinq ans ; et notre objectif, à terme, est d’éviter le prélèvement d’os chez les patients »indique le chirurgien. Dès janvier 2025, des études médico-économiques seront également réalisées dans neuf centres partenaires, auprès de 200 patients opérés avec les technologies actuelles. Objectif ? Mesurer le coût et le taux d’échec de la technique actuelle. En 2028, des essais précliniques seront menés sur des chiens et des chats, également fréquemment touchés par des cancers de la cavité buccale, afin de réduire le recours à des modèles de laboratoire.
« Toutes ces étapes permettront également de mieux comprendre la prévalence de ces cancers qui ont augmenté significativement en une décennie : +72 % chez les femmes de plus de 70 ans, y compris chez les sujets n’ayant pas été exposés à l’alcool. ni des cigarettes »specifies Professor Dupret-Bories.
Enfin, c’est en 2029 qu’est annoncée la première phase de tests d’implantation du futur dispositif conçu en biomatériaux. Elle sera réalisée sur douze patients, six nécessitant une reconstruction des mandibules et six autres des maxillaires.
*Le consortium Bioface : CHU de Toulouse, Materialise, Cerhum, Spartha Medical, Biomatériaux et Bioingénierie (Inserm), INPT Cirimat, OCRvet, Corasso