pourquoi certains patients parviennent-ils à compenser la maladie ? – .

pourquoi certains patients parviennent-ils à compenser la maladie ? – .
pourquoi certains patients parviennent-ils à compenser la maladie ? – .

Dans de nombreuses maladies d’origine génétique, tous les patients porteurs de la même mutation dans leur ADN ne développent pas les mêmes symptômes. C’est notamment le cas de la myopathie des ceintures de type R2.

Cette maladie, qui touche les muscles des épaules et du bassin, débute chez certains patients à un très jeune âge, tandis que d’autres ne présenteront des symptômes que très tard. Si la plupart des personnes perdent la capacité de marcher, dans de rares cas, la maladie n’atteindra jamais ce stade.

Pour développer un traitement contre cette pathologie encore incurable, dont je souffre moi-même, il est important de comprendre les mécanismes développés par ces patients « atypiques ». C’est l’objectif de ma thèse, réalisée au sein de l’équipe de recherche du chercheur Xavier Nissan, spécialiste des maladies neuromusculaires. Nos résultats ont permis d’identifier une possible explication.

Qu’est-ce que la dystrophie musculaire des ceintures de type R2 ?

Les myopathies sont des affections qui entraînent une mauvaise fonction musculaire. Les symptômes sont une faiblesse musculaire, des douleurs, des crampes et une mobilité réduite. Il existe différentes formes de myopathie : si la majorité provient d’anomalies génétiques transmises par les parents, d’autres peuvent être provoquées par un dysfonctionnement du système immunitaire, des infections, ou encore par certains médicaments.

A ce jour, plus de 200 myopathies ont été recensées dont les conséquences sont plus ou moins sévères. La dystrophie musculaire de Duchenne est la plus connue et la plus répandue chez l’enfant. Elle touche tous les muscles du corps, y compris ceux des bras et des jambes, ainsi que le cœur et le diaphragme, indispensables à la respiration.

La myopathie des ceintures de type R2 est une maladie musculaire provoquant un affaiblissement des muscles dits « des ceintures », c’est-à-dire les muscles de la ceinture scapulaire (muscles des épaules) et de la ceinture pelvienne (muscles pelviens). Cette maladie rare d’origine génétique touche environ 1,63 personne sur 100 000. Dans la majorité des cas, les muscles cardiaques et respiratoires ne sont pas touchés et l’espérance de vie n’est pas réduite.

La plupart des patients atteints de myopathie des ceintures de type R2 ne présentent les premiers symptômes qu’au début de l’âge adulte, après une phase dite « silencieuse ». Les premiers symptômes sont une faiblesse musculaire, des difficultés à courir ou à monter les escaliers. La progression de la maladie est généralement lente, avec un affaiblissement progressif des muscles, jusqu’à ce que le patient soit obligé de se déplacer en fauteuil roulant.

Étonnamment, certains patients ne développent les premiers symptômes qu’à partir de 60 ans environ. Chez ces patients, certains muscles et certaines cellules vont pouvoir se protéger de la maladie.

Pour comprendre pourquoi, il faut pouvoir étudier la maladie en laboratoire. Pour cela, nous utilisons des cellules souches.

Les cellules souches, un outil essentiel

Les cellules souches sont des cellules très spéciales : elles sont non seulement capables de se multiplier à l’infini, mais aussi de se transformer en n’importe quel type de cellules spécialisées qui existent dans le corps humain. Ces capacités sont très importantes pour l’étude des maladies génétiques et le développement de traitements.

L’Institut de cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem), où je fais ma thèse, se concentre sur l’utilisation de cellules souches pluripotentes induites (ips) pour comprendre et traiter les maladies génétiques rares. Ces cellules ips sont créées en reprogrammant des cellules adultes différenciées, telles que les cellules de la peau, pour les ramener à leur état de cellule souche.

En utilisant des cellules souches dérivées de patients atteints de myopathie, nous sommes désormais en mesure de reproduire les caractéristiques de la maladie en laboratoire, fournissant ainsi un modèle de maladie hautement personnalisé.

Une question de gène ?

Récemment, une équipe de cliniciens de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière a mené une étude rétrospective sur une cohorte de patients atteints tardivement par la maladie. L’une des questions qui se pose est : comment l’organisme de ces patients a-t-il réussi à lutter contre la maladie pendant toutes ces années ?

Pour tenter de répondre à cette question, notre équipe a décidé de comparer le niveau d’expression génique chez les patients à apparition tardive au niveau d’expression génique chez les patients à apparition plus précoce. Cette étude a été réalisée sur 15 biopsies musculaires de patients. Les résultats que nous avons obtenus ont révélé que plusieurs gènes sont exprimés différemment entre ces deux catégories de patients.

Grâce à nos cellules souches pluripotentes induites issues de patients, nous évaluons actuellement l’impact de ces gènes sur la maladie : ils permettent d’étudier les effets de la dérégulation des gènes. L’idée est d’observer si l’on améliore ou aggrave la pathologie en supprimant ou en surexprimant l’un de ces gènes directement sur nos cellules « malades ».

Grâce à cette approche, mes deux ans et demi de recherche m’ont permis d’identifier un potentiel mécanisme de compensation chez les patients qui développent tardivement la maladie.

Une question d’autophagie ?

Tous les patients chez lesquels la maladie s’est développée tardivement présentaient des niveaux d’autophagie plus élevés. C’est le mécanisme par lequel les cellules éliminent les déchets et les toxines, tout en contribuant à leur propre réparation.

Concrètement, les déchets présents dans la cellule sont rassemblés dans une vésicule, l’autophagosome. Celle-ci fusionne avec une autre vésicule contenant des enzymes capables de digérer le contenu de l’autophagosome. Les débris peuvent ensuite être utilisés pour fabriquer de nouvelles molécules ou de l’énergie, aidant ainsi la cellule à rester en bonne santé.

L’autophagie joue un rôle essentiel dans l’adaptation de l’organisme à des conditions difficiles. En cas de stress ou de restriction calorique, il s’adapte pour réguler la disponibilité des glucides, des lipides et des acides nucléiques, et renforce notre système immunitaire. L’autophagie peut également améliorer la dégradation de diverses bactéries et virus et jouer un rôle protecteur dans de nombreuses maladies infectieuses.

Avec l’âge, l’efficacité du processus d’autophagie diminue, contribuant à l’accumulation de protéines endommagées dans les cellules et à une augmentation de la susceptibilité aux maladies liées à l’âge, telles que les maladies dégénératives (comme les maladies cardiaques, la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson), les maladies cardiovasculaires, ou encore la dégénérescence musculaire. À l’inverse, l’induction de l’autophagie favorise la longévité chez la drosophile, le nématode Caenorhabditis elegans ou même la souris.

En plus de nettoyer les débris, l’autophagie aide également à réparer les membranes cellulaires endommagées. Toutes ces vésicules apportent de nouvelles parties saines des membranes et aident les cellules à se réparer. Et cela tombe bien, car dans la myopathie des ceintures de type R2, les muscles ne sont plus capables de se réparer, ce qui impacte leur fonction. C’est à la suite de ces observations qu’est née l’hypothèse selon laquelle des niveaux plus élevés d’autophagie pourraient contribuer à compenser la maladie et retarder l’apparition des premiers symptômes.

Finaliste du concours « Ma thèse en 180 secondes », Noëlla Grossi explique en quoi consiste son travail.

De nouvelles options de traitement ?

Comment l’autophagie peut-elle aider les scientifiques dans leur quête de traitements efficaces contre les maladies musculaires incurables ? La réponse réside dans des molécules capables de stimuler l’autophagie. Ces « inducteurs d’autophagie » peuvent aider les cellules musculaires à éliminer les protéines endommagées, les agrégats toxiques et autres déchets cellulaires qui contribuent à la progression de la maladie. Et ainsi, les aider à mieux se réparer.

Ce constat s’applique à plusieurs maladies musculaires incurables. Par exemple, l’urolithine A et la rapamycine, toutes deux inductrices de l’autophagie, améliorent la fonction musculaire dans la dystrophie musculaire de Duchenne. L’activation de l’autophagie favorise la régénération musculaire et agit sur la sarcopénie, responsable du déclin progressif et généralisé de la masse musculaire au cours du vieillissement.

De plus, certaines substances naturelles peuvent booster l’autophagie. C’est par exemple le cas du resvératrol, présent dans le raisin, de la curcumine issue du curcuma, de la tomatidine présente dans la tomate ou encore de la cucurbitacine issue du concombre…

Forte de ces différentes observations, notre équipe a décidé de tester en laboratoire un panel de molécules connues pour activer l’autophagie sur nos modèles cellulaires. Certains d’entre eux se sont révélés très efficaces en laboratoire, et ont notamment contribué à protéger la membrane des cellules musculaires malades.

Un petit bémol cependant : toutes ces molécules ont été testées à des concentrations bien supérieures à celles que l’on retrouve naturellement dans les produits cités ci-dessus. Mais c’est une première étape. Des recherches complémentaires sont en cours pour bien comprendre le mécanisme d’action de ces molécules dans cette pathologie et identifier le composé le plus efficace afin de le tester ensuite in vivo.

 
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