Tout a commencé en 1990, lorsque 100 000 femmes, nées entre 1925 et 1950 et adhérentes de la Caisse Mutuelle de l’Éducation Nationale (MGEN), ont accepté de participer à une étude sur leur santé, à l’initiative d’une chercheuse de l’Inserm, Françoise Clavel- Chapelon. « L’objectif initial était d’étudier les liens entre les facteurs reproductifs et hormonaux, le mode de vie, notamment l’alimentation, et la survenue de maladies, notamment de cancers », a rappelé Gianluca Severi, actuel coordinateur de la cohorte E3N-Générations, lors d’une récente journée scientifique.
Là où les cohortes de patients se concentrent sur une pathologie, les cohortes prospectives de population fournissent des informations sur la santé en général.
Cancers, maladies cardiovasculaires, diabète, obésité, maladie de Parkinson, asthme, maladies inflammatoires de l’intestin, dépression ou endométriose, cette cohorte – coordonnée par l’Inserm, l’Université Paris-Saclay et l’Institut Gustave – Roussy – explore de nombreuses pathologies chroniques.
Au fil des années, les scientifiques ont « élargi leurs recherches à d’autres pathologies que le cancer et développé l’aspect familial, sur trois générations, pour étudier le mode de vie contemporain et la transmission des expositions et des événements de santé », selon Gianluca Severi.
Liens entre alimentation et cancer
Les membres d’une famille partagent des gènes, des habitudes et des espaces de vie. Les pères des enfants des premières femmes ont rejoint l’expérimentation en 2014, les enfants depuis 2018, les petits-enfants seront invités à partir de 2026. L’espoir est de réunir à terme 20 000 familles et 200 000 personnes. sur trois générations.
Des questionnaires réguliers, des prélèvements biologiques (salive, sang aujourd’hui, urines, cheveux et ongles demain), des outils technologiques (bracelets connectés, capteurs de pollution…) alimentent la collecte d’informations. A cela s’ajoutent les données d’assurance maladie et de remboursement des médicaments de la mutuelle. E3N-Generations est l’une des rares études épidémiologiques générationnelles d’une telle ampleur dans le monde, se vantent ses créateurs. C’est le volet français d’une vaste étude européenne sur les liens entre alimentation et cancer.
Cette exploration scientifique se double d’une aventure familiale. Pour « faire avancer le Schmilblick », Jean-Claude a suivi les traces de son épouse Mireille. “Les avancées médicales ne se font pas sans les gens qui ont contribué”, et “depuis notre jeunesse, nous en bénéficions”, explique cet homme de 78 ans, qui s’est “bien sorti” de trois cancers “attrapés à temps”. De l’expérience E3N-Générations, cet Alsacien a également retenu, comme son épouse, le sentiment d’être « dans le mille en matière d’alimentation ou d’activité physique ».
“Aidez les autres pour qu’ils ne vivent pas ce que nous avons vécu”
Mireille, 77 ans, « s’amuse de voir ce qui a évolué avec l’âge : avant, je n’avais pas d’inquiétude quand on me demandait si je courais ou si je montais les escaliers », raconte-t-elle. Une de leurs filles, infirmière, a rejoint la cohorte, l’autre n’est « pas encore convaincue ». Marie-Hélène a suivi les traces de sa mère Marie, « impliquée depuis le début pour quelque chose qui puisse servir aux générations futures ». « Papa avait un cancer, peut-être que ça lui a fait prendre conscience », confie-t-elle.
« Aider les autres pour qu’ils ne vivent pas ce que nous avons vécu », c’est aussi ce qui motive ce Francilien de 62 ans. « La maladie m’est tombée dessus : un asthme sévère et une BPCO (bronchite du fumeur) – effet du tabagisme passif parce que mon père était fumeur. Mais ma santé et ma qualité de vie seraient probablement pires sans mon mode de vie : ce que je mets dans mon assiette et mon activité physique.