Alain Simard | Le rêveur qui a transformé une ville

Alain Simard remet en cause la croyance selon laquelle pour réussir en affaires, il faut faire preuve d’une attitude rigide et belliqueuse. Celui qui a façonné l’empire Spectra avec ses petits groupes et ses festivals a fait son chemin avec une attitude chat cool ce qui m’a toujours fasciné.


Publié à 00h58

Mis à jour à 7h15

C’est pourquoi je me suis plongé avec un plaisir non dissimulé dans la lecture J’ai rêvé d’un festival, un ouvrage autobiographique qui retrace son impressionnant parcours. Il se permet même de remonter à ses sources, celles de son arrière-grand-père et de son grand-père, Philorum et Omer, très impliqués dans la vie culturelle montréalaise au cours du XXe siècle.e siècle.

C’est ce même sang qui coule dans les veines du jeune Alain, passionné de musique et de spectacles, qui, après un voyage mémorable à Vancouver, quitte l’adolescence. Ensuite, il y aura les premiers chocs formateurs : Grateful Dead, Dylan, Kerouac et l’inévitable premier joint. Expo 67, les manifestations étudiantes de 1968 et les festivals paix et amour de 1969 achèvera l’ouvrage.

Nourri de tous ces fruits, Alain Simard, qui n’a pas encore atteint la vingtaine, entreprend de faire découvrir la musique. souterrain au public montréalais. C’est en voulant sortir des sentiers battus que ce futur grand producteur s’est fait un nom. “J’avoue que j’étais prétentieux en pensant que la musique que j’aimais était plus valable que celle que les autres aimaient”, a-t-il déclaré dans une interview.

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ DE MONTRÉAL, TIRÉ DU LIVRE J’AI RÊVÉ D’UN FESTIVAL

Alain Simard avec Oscar Peterson

Avec des amis, dont Pierre Huet, ce sera l’aventure du café-spectacle La Clef. Les clients entraient par une entrée en forme de trou de serrure, puis traversaient un tunnel recouvert de papier d’aluminium éclairé par un lumière noire. Ce lieu, situé sur le boulevard Henri-Bourassa (avant de déménager rue Saint-Paul et Terrebonne), est rapidement devenu le repaire des artistes de gauche.

Début 1971, La Clef fusionne avec l’Organisation, une coopérative de jeunes producteurs idéalistes dirigée par André Di Cesare. Ensuite, ce sera la création de La Maison et Productions Campus qui, en compagnie des Productions Kosmos, programmeront la crème de la musique. souterrain. Quelques exemples ? Pink Floyd, Gentle Giant et Genesis, rien de moins.

Après la fin de Kosmos, Alain Simard se joint officiellement à Paul Dupont-Hébert et aux Productions Beaubec en 1977. Il y retrouve André Ménard, qu’il a connu plus tôt et qui deviendra un fidèle allié. C’est une période passionnante pour la musique québécoise. Harmonium, Raôul Duguay, Octobre, Beau Dommage… Alain Simard travaille avec tout le monde. Ou presque.

C’est en 1978 qu’Alain Simard dépose légalement le nom de Festival International de Jazz de Montréal. Il rêve de ce projet depuis des années. Pour lui, c’était l’objectif à atteindre. En 1980, une première édition a lieu. « Un festival était pour moi la nouvelle messe », dit-il. Cette idée que les gens communieraient sur l’autel de la musique m’a enchanté. J’étais idéaliste et naïf, mais c’est ce que je croyais. Cela dit, le Festival international de jazz a transformé le visage de Montréal. »

  • PHOTOS ARCHIVES LA PRESSE, TIRÉES DU LIVRE J’AI RÊVÉ D’UN FESTIVAL

    Alain Simard et André Ménard dans leurs jeunes années

  • Oscar Peterson et Oliver Jones avec Alain Simard

    PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ DE MONTRÉAL, TIRÉ DU LIVRE J’AI RÊVÉ D’UN FESTIVAL

    Oscar Peterson et Oliver Jones avec Alain Simard

  • Place des Fêtes

    PHOTO JEAN-FRANÇOIS LEBLANC, FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ DE MONTRÉAL, TIRÉ DU LIVRE J’AI RÊVÉ D’UN FESTIVAL

    Place des Fêtes

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Alain Simard continue de voir grand et crée Spectra et ses nombreuses activités avec Spectel Vidéo, le Spectrum, Audiogram (avec Michel Bélanger et Rosaire Archambault), les Francos et, plus tard, Montréal en Lumière.

Quant aux artistes dont il s’occupe, ils s’appellent Paul Piché, Claude Dubois, Zachary Richard, Michel Rivard, Offenbach, Carole Laure, Jean Leloup et Louise Forestier. « Ce qui m’a motivé, c’est de faire connaître les artistes que j’aimais. C’était ma première motivation », confie-t-il.

On voit bien que si Alain Simard a poursuivi cette carrière, c’est principalement pour les rencontres qu’elle lui a permis de faire. D’ailleurs, tout au long du livre, il s’intéresse aux personnages qui l’ont marqué : Dave Brubeck, Oscar Peterson, Michel Legrand, Oliver Jones, Miles Davis et plusieurs autres.

Concilier amitié et affaires n’a jamais été un problème pour lui. ” C’était facile. Je n’ai jamais eu de difficulté à négocier. Paul Piché, qui est contestataire comme tout le monde le sait, m’a dit que c’est grâce à lui que ma maison de disques est devenue Audiogram. Il voulait un accord spécial car il était le parrain d’Audiogram. J’ai compris cela et j’ai accepté. Même chose avec Jean Leloup, qui me trouvait trop paternaliste. Nous avons parlé. »

PHOTO DU LIVRE J’AI RÊVÉ D’UN FESTIVAL

Alain Simard dans son bureau

Des problèmes d’argent mettent cependant un terme à sa relation avec Gerry Boulet. Ça et une histoire avec les membres de Corbeau.

Pour le reste, Alain Simard a parcouru tous ces projets et ces artistes avec le sourire qui est éternellement placardé sur son visage. Même le tour de suspension de Plume Latraverse n’a pas pu le faire sortir de ses gonds. Prévu à la Place des Nations, Plume a demandé que 2 500 $ s’ajoutent à ses 10 000 $ d’honoraires. Il a toutefois promis d’offrir un « élément de surprise » à ce spectacle intitulé Plume et ses Pastèques.

Alain Simard imagine alors que l’artiste iconoclaste ajouterait un chœur ou un ensemble de cuivres. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir le soir du spectacle que Plume avait placé sur le devant de la scène… 12 pastèques. “Je n’aurais probablement pas trouvé ça drôle si j’avais perdu de l’argent”, déclare le producteur. Mais la salle était pleine. Il méritait de gagner plus d’argent. »

Alain Simard a toujours dit qu’il n’écrirait pas sa biographie. Elle offre cependant un riche témoignage qui nous en apprend beaucoup sur l’homme, mais aussi sur la période abondante qu’il a traversée.

« Depuis des années, des amis me disent que je devrais partager le point de vue privilégié que j’avais sur la musique. Écrire le livre a été une expérience merveilleuse. Sans vraiment m’en rendre compte, j’ai enfoncé plusieurs portes. Cela dit, je crois que j’ai toujours été au bon endroit au bon moment. »

Alain Simard résume trop simplement le succès de sa carrière. Naïf ? C’était probablement le cas. Rêveur? Résolument. Mais il fut surtout un grand visionnaire et bâtisseur. Et nous le devons à sa « tête dure » et à son incroyable détermination.

En librairie le 20 juin

Des affiches, des photos et des souvenirs retraçant la riche carrière d’Alain Simard seront présentés à la salle d’exposition de la Place des Arts lors de la prochaine édition du Festival international de jazz de Montréal, du 27 juin au 6 juillet. L’auteur sera présent tous les soirs, à partir de 17h30. de 19h à 19h30, pour des séances de dédicaces. Un encan aura lieu au profit de la Fondation de la Place des Arts.

J'ai rêvé d'un festival

J’ai rêvé d’un festival

Alain Simard

Éditions La Presse

288 pages

 
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