SPONTINI, La Vestale – Paris (Bastille) – .

SPONTINI, La Vestale – Paris (Bastille) – .
SPONTINI, La Vestale – Paris (Bastille) – .

Créé en 1807 à l’Académie Impériale de Musique, La Vierge Vestale, dédiée à l’impératrice Joséphine, protectrice du compositeur, aura eu plus de deux cents représentations jusqu’en 1854 avant de disparaître de notre première scène nationale, à l’exception d’une seule représentation en 1909 offerte en italien par les forces de la Scala. Dans la première moitié du XXe siècle, Rosa Ponselle l’interprète en italien au Met mais ce sont surtout les performances scaliger de 1954 avec Maria Callas qui sont à l’origine du retour progressif de l’œuvre sur les scènes internationales, en italien dès d’abord, puis progressivement dans la version originale française. À Paris, La Vierge Vestale a été donné au Théâtre des Champs-Élysées en 2013 en version scénique avec Ermonela Jaho puis en 2022 en version concert avec Marina Rebeka sous la houlette du Palazetto Bru Zane qui a par la suite publié un enregistrement commercial. Il était temps que l’œuvre retrouve l’institution qui l’a vue naître, ou du moins son avatar actuel. Pour l’occasion, l’OnP a fait appel à Lydia Steier qui a déjà engagé en 2022 une production de Salomé controversé, c’est le moins qu’on puisse dire. Cette fois, la réalisatrice américaine propose un spectacle dramatiquement cohérent et dans l’air du temps, où l’on retrouve son goût pour les images violentes, comme ce défilé de chars sur lesquels gisent des corps ensanglantés à moitié nus. , les scènes de torture, les humiliations infligées aux femmes, comme le crachat avec lequel les vestales couvrent Julia et le sang, présents dès la première scène où Cinna et Licinius se coupent les mains en échangeant leurs serments d’amitié. C’est pourtant un plaidoyer contre la guerre et le fanatisme religieux que Steier a voulu proposer, en s’inspirant du roman de Margareth Atwood La servante écarlate dont l’action se déroule dans un univers dystopique qu’il tente, le plus souvent avec bonheur, de faire coïncider avec celui de La Vierge Vestale dont les personnages sont victimes d’un totalitarisme religieux qui conditionne leur existence. C’est pourquoi dès la première scène où les condamnés à mort sont pendus par les pieds, on voit Licinius, dévasté par la guerre, vider une bouteille d’alcool, assis par terre. Le décor principal est une réplique remarquablement réalisée par Etienne Pluss du Grand amphithéâtre de la Sorbonne, symbole de culture et d’érudition, en décrépitude, au centre duquel brûle un autodafé alimenté par des livres lancés à intervalles réguliers.

Des images fortes qui marquent durablement le spectateur. C’est dommage que l’apparition de Vesta au dernier acte, telle une statue dorée et kitsch de la vierge, posée sur un brancard qu’on transporte sur scène, frise le ridicule. Il est également dommage que Steier ait jugé bon de faire de Cinna l’ami fidèle de Licinius, un traître qui se retourne pour se faire couronner empereur après la fuite du Grand Pontife, ce qui n’ajoute rien à l’intrigue. Enfin, on se demande à qui sont destinés ces éclats de mitrailleuses qu’on entend en coulisses lors de la musique du ballet qui conclut l’œuvre. Est-ce la Grande Vestale ou le Pontife qui sont abattus ou le couple d’amoureux qui finalement Lito va bien serait refusé ? Bizarre. Mentionnons également les judicieuses réflexions de Valério Tiberi et les vidéos discrètes mais pertinentes deÉtienne Guiolcomme celui qui montre des défilés militaires tels qu’on en voit dans les dictatures contemporaines.

La Vierge Vestale 23-24 © Guergana Damianova-OnP

La distribution ne souffre d’aucun point faible. Tous les protagonistes se révèlent être d’excellents comédiens et possèdent une diction française qui va de correcte à très bonne. Membre de la troupe d’opéra OnP, Florent Mbia est un leader sobre et efficace des Aruspices au ton cuivré sonore et homogène. Jean Teigen a une voix sombre et un registre grave profond qui lui permettent d’interpréter avec toute l’autorité requise le Souverain Pontife dont il excelle à souligner le caractère cruel et obtus. La Grande Vierge Vestale est une sorte de pendant féminin du Souverain Pontife avec lequel elle semble entretenir une relation teintée de sadomasochisme. D’une voix claire et bien projetée, Ève-Maud Hubeaux dépeint ce personnage avec une sorte de présence maléfique sur scène et une grande sévérité dans les intonations de la voix, notamment dans l’air « L’amour est un monstre barbare ». Une belle incarnation qu’un peu plus de noirceur dans le registre grave aurait rendu encore plus convaincante. Julien Behr a fière allure sur le plateau en tant que jeune officier peroxydé. Il incarne avec ardeur le compagnon fidèle et dévoué de Licinius, du moins jusqu’à son revirement définitif. Ce personnage, dont la tessiture est plutôt centrale, est parfois confié à un baryton, contrairement au souhait de Spontini. Ici, la voix claire du ténor français se marie idéalement à la voix plus sombre du ténor américain et leur tessiture commune exalte le lien fraternel qui les unit. Ses deux morceaux sont interprétés avec goût. Chez Licinius, Michael Spyres réalise une étonnante composition, Soldat traumatisé par la guerre, fou amoureux de Julia au point de sacrifier sa vie pour elle, tous les affects du personnage imaginé par Étienne de Jouy et revu par Lydia Staier sont assumés avec conviction et une attitude saine et voix solide qui répond aux intentions de l’interprète. La diction est superlative, le style impeccable. Au troisième acte, son air « Julia will die » est particulièrement poignant. Remplaçant au pied levé Elza van den Heever, malade, Élodie Hachéqui a récemment triomphé à Saint-Étienne en L’hommage de Zamora, parvient à bien jouer dans le rôle écrasant de Julia. Son timbre clair et juvénile, couronné d’aigus lumineux, fait des merveilles dans son air « Licinius, je te reverrai donc » qu’elle chante avec ferveur. La soprano parvient à bouleverser le public au troisième acte avec son interprétation de « Toi que je laisse sur la terre ». En revanche, sa grande scène des deux « Toi que j’implore avec crainte » qu’elle aborde vaillamment, la pousse aux limites de son champ d’action et, si elle s’en sort avec brio, reconnaissons qu’on attend dans ce crucifix. morceau, plus de courage et d’ampleur vocale. Au salut final, elle obtient un succès bien mérité. Il convient également de souligner les interventions remarquables des Chœurs, si importantes dans cette œuvre, admirablement préparée par Ching-Lien Wu.

Au bureau, Bertrand de Billy propose une direction nuancée et théâtrale aux tempos alertes qui tire l’œuvre vers l’opéra romantique, un choix judicieux si l’on considère que cette partition pour laquelle le librettiste signera le livret de Guillaume Tellpréfigure le grand opéra français.

 
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