« Les réserves marines sont les meilleures alliées des pêcheurs »

« Les réserves marines sont les meilleures alliées des pêcheurs »
« Les réserves marines sont les meilleures alliées des pêcheurs »

François Sarano, océanographe, plongeur, ancien conseiller scientifique du commandant Cousteau, est l’invité du festival Confrontation, à Perpignan, ce lundi 17 juin pour présenter le film « Océans ».

François Sarano, depuis quand la mer est dans votre vie ?

Mes parents m’ont donné très tôt un masque de plongée. Je nageais pour voir les poissons et les poules de la Méditerranée. A partir de ce moment, j’ai toujours plongé et petit à petit cela m’a amené au métier d’océanographe.

Vous avez travaillé avec le commandant Cousteau pendant treize ans. Qu’avez-vous vécu et appris à ses côtés ?

Au départ, c’était mon héros d’enfance ! J’ai suivi avec passion sa série documentaire télévisée. Avec le Commandant Cousteau, nous avons exploré, pour le plaisir de découvrir, des lieux cachés aux yeux des hommes. A l’époque, la faune y était encore exubérante. Cela m’a appris que la mer peut être extrêmement riche lorsqu’elle n’est pas exploitée.

Quel est l’état des fonds marins aujourd’hui ?

Les conclusions sont élémentaires. Le rythme de l’exploitation est tel que les jeunes n’ont plus le temps de vieillir. En revanche, lorsque nous chalutons, nous raclons le fond et empêchons les espèces à longue durée de vie de se développer. En rajeunissant l’écosystème, on le rend extrêmement fragile à tout changement, notamment à l’arrivée de nouvelles espèces. Lorsque les écosystèmes sont résilients, ils les acceptent et les intègrent. Lorsqu’ils sont affaiblis, ils deviennent envahissants. Par exemple, dans la réserve marine de Cerbère-Banyuls, il existe différentes zones : certaines strictement protégées, d’autres avec des prélèvements restreints et enfin d’autres où la pêche est tout à fait possible. Les scientifiques sont clairs : dans les zones où il n’y a pas de pêche, il y a beaucoup de poissons. Si nous voulons voir la vie marine revenir, nous devons cesser de la détruire.

Quelles techniques de pêche sont impliquées dans le déclin de cette biodiversité ?

Tous! La pêche industrielle comme la pêche artisanale, la pêche récréative ou la chasse sous-marine. La somme de ces déductions est catastrophique !

Quelles solutions pour restaurer cet écosystème ?

Il ne s’agit pas d’interdire la pêche partout mais d’étendre les réserves marines. D’abord parce que dans les réserves marines sans prélèvement, les écosystèmes s’adaptent en permanence aux changements. Aujourd’hui, face à l’immense changement climatique, seuls des écosystèmes sains pourront en absorber les effets et se développer. Ces réserves élargies nous montreront l’avenir. Ensuite, dans ces réserves, les poissons se reproduisent beaucoup et ils exportent des œufs, des larves et de gros individus hors du périmètre. Ils repeupleront donc les zones exploitées. Les réserves marines sont les meilleures alliées des pêcheurs. Enfin, ces réserves marines doivent être reliées entre elles par des corridors afin que les poissons et autres espèces puissent se déplacer le long des grands courants.

Dans le même temps, faut-il introduire de nouvelles réglementations en matière de pêche ?

Je suis moi-même en partie issu du monde de la pêche pour lequel j’ai un grand respect. Pourtant, à un moment donné, on ne peut pas prendre plus que plus ! Je pense d’une part qu’il faut limiter considérablement la pêche récréative intempestive et la chasse sous-marine. En revanche, le chalutage de fond ne peut être pratiqué dans les réserves. Au-delà, il vaut évidemment mieux privilégier la pêche artisanale, respectueuse du vivant. Car c’est un fait : aujourd’hui, avec des efforts considérables, la pêche rapporte beaucoup moins de poissons qu’avant, et beaucoup plus petits ! Les professionnels le savent. En Méditerranée, il existe cependant une formidable opportunité : les prud’hommes de la pêche, un outil de gestion efficace. Mais malgré cela, il y a des excès.

En 2002, vous avez cofondé l’association Longitude 181 pour la protection du milieu marin. Quelle est sa mission ?

Il s’agit avant tout d’alerter sur les attaques qui détruisent cette richesse marine et de proposer un certain nombre de solutions, dont celles que je viens de vous présenter. Nous menons également des recherches sur les cachalots pour apporter des éléments scientifiquement prouvés et proposer des mesures de préservation.

Au Festival Confrontation, vous présenterez « Océans », le film de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud. Quel était le but de ce projet ?

Le film s’adressait aux personnes ne pouvant mettre la tête sous l’eau pour s’immerger au cœur du monde marin. L’essentiel était d’être pleinement parmi ces animaux et de partager une partie de leur vie avec eux. Découvrir cette richesse que recèlent les océans, précisément là où il n’y a pas d’échantillons, mais aussi découvrir les terribles dégâts que notre pression d’échantillons et de pollution inflige à cet environnement.

Quel a été votre rôle dans ce tournage hors du commun ?

Océans a réuni une équipe de 450 personnes, sur plus de cinq années de tournage, dans une cinquantaine de lieux à travers le monde, de l’Arctique à l’Antarctique. Olli Barbé, le producteur exécutif du film, en était le principal coordinateur. Même s’il y avait une dizaine de caméramans sous-marins, dans des eaux de couleurs très différentes, sur des sujets très divers, nous avons réussi à réaliser une œuvre d’une grande unité. Personnellement, j’ai été co-scénariste, conseiller scientifique, plongeur, photographe. C’est moi que l’on voit nager aux côtés du grand requin blanc !

Sortons-nous indemnes d’une telle aventure ?

Nous repartons émerveillés, grandis, pleins d’espoir, en nous disant que si nous, les humains, étions plus sages, nous pourrions alors offrir à nos enfants un océan de bonheur. Alors à votre tour, enfilez un masque, prenez un tuba et plongez ! Allez voir par vous-même, mais dans le respect et la considération des animaux marins : ce ne sont pas des ressources, ce sont des êtres vivants qui ont une autre conscience et une autre intelligence du monde. Il vous apprend à respecter toutes les autres espèces, y compris les humains. En particulier ceux qui meurent en Méditerranée. S’il y a des associations à soutenir, ce n’est pas seulement Longitude 181 mais SOS Méditerranée qui vient en aide aux personnes qui se noient en venant tenter de trouver ici plus de paix et de justice.

L’impact négatif des « Jaws »… sur les requins

Samedi 15 juin au soir, le festival Confrontation a projeté le film culte de Steven Spielberg, l’un des plus grands succès du cinéma. « Sur le plan cinématographique et artistique, ce film est remarquablesouligne François Sarano. Mais c’est nous, les humains, qui sommes stupides d’assimiler une histoire à la réalité. Ce n’est pas tellement Spielberg qui est à blâmer mais notre manque d’esprit critique. C’est pour cela que ce film a causé des dégâts considérables : d’une part certains chasseurs ou pêcheurs sous-marins voulaient éliminer des requins présentés comme dangereux ou agressifs. Et surtout, cela a fait naître dans les esprits l’idée que ces animaux pouvaient être éliminés sans perturber la vie marine.»
800 000 tonnes de requins sont officiellement pêchées chaque année dans le monde, selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Mais, en prenant en compte les captures non déclarées, la quantité réelle serait de 1,6 million de tonnes, peut-être plus. Toutes les populations de requins sont touchées dans le monde. Certains sont décimés à plus de 90 %, notamment en Méditerranée. La France consomme tellement de requins qu’elle doit en importer 4 000 tonnes par an en plus de sa propre pêche. Les pays qui pêchent le plus les requins sont : l’Indonésie, l’Espagne, l’Inde, les États-Unis et Taiwan. Viennent ensuite, en Europe, la France et le Portugal (source Longitude 181).

Lundi 17 juin, à l’Arsenal, rue Vielledent, à Perpignan : 18h rendez-vous avec François Sarano ; 22h, église des Carmes, projection du film « Océans ». Infos : inst-jeanvigo.eu
 
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