Conserves de thon contaminées au mercure : le cadre réglementaire est-il vraiment « laxiste » ?

Conserves de thon contaminées au mercure : le cadre réglementaire est-il vraiment « laxiste » ?
Conserves de thon contaminées au mercure : le cadre réglementaire est-il vraiment « laxiste » ?

Par Marine Friant-Perrot, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes

Quelle est la réglementation sur la teneur en mercure du thon ?

Le mercure présente un risque majeur pour la santé. Considéré par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme l’une des dix substances chimiques les plus préoccupantes pour la santé publique mondiale, ce neurotoxique présente des risques sérieux pour le corps humain et plus particulièrement pour le développement cérébral des fœtus et des jeunes enfants. Résultat de la pollution chimique des eaux due à la combustion du charbon, à l’exploitation minière et à certaines activités industrielles comme la fabrication du ciment, ce métal lourd se retrouve dans le thon, qui est l’un des principaux contributeurs à l’exposition. nourriture avec du mercure.

Pour prévenir ce risque connu, la présence de ce contaminant dans les poissons est réglementée au niveau européen par le Règlement (UE) 2023/915 de la Commission du 25 avril 2023 qui fixe des teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires. La valeur établie est de 1,0 mg/kg pour les différentes espèces de thon frais. Malgré ce texte, le rapport publié par Bloom révèle que, sur 148 boîtes de thon testées, « plus d’une boîte sur deux testée dépasse la teneur maximale en mercure la plus restrictive définie pour les produits de la mer (0,3 mg/kg) », et « plus plus d’une boîte sur dix dépasse le niveau défini pour le thon frais ».

Quelles sont les incohérences et les zones d’ombre de cette réglementation ?

Ce que souligne l’étude, ce sont les incohérences des réglementations qui appliquent des seuils de contamination différents pour une même catégorie d’aliments : ceux issus des produits de la pêche et des mollusques. La limite maximale de mercure la plus stricte fixée pour le poisson est de 0,3 mg/kg, mais elle ne s’applique pas à tous les produits de la mer. Des niveaux plus élevés peuvent s’appliquer : 0,5 mg pour les coquillages, les mollusques et 1 mg/kg pour certaines espèces de poissons comme le thon ou l’espadon. La concentration de mercure dans le thon peut donc être trois fois plus élevée que dans le maquereau ou les sardines, même si le risque sanitaire est identique. Une autre incohérence existant avant 2017 peut être notée. Jusqu’à l’adoption du règlement (UE) 2017/2229, les teneurs maximales en mercure pour les coproduits et sous-produits destinés à l’alimentation des animaux domestiques étaient inférieures à celles applicables au thon destiné à la consommation humaine. Ce seuil a été relevé en invoquant la pénurie provoquée par cette limite maximale plus exigeante. Ainsi, la nourriture au thon pour chats ou chiens aurait pu, dans le passé, être moins contaminée par le mercure que le thon que nous consommons !

Outre ces incohérences, des zones d’ombre apparaissent également. La réglementation fixe des niveaux maximaux de mercure pour le thon frais. Qu’en est-il des seuils applicables au thon en conserve cuit et déshydraté ? Pour le thon en conserve (ainsi que pour toute denrée alimentaire séchée, diluée, transformée et/ou composée), conformément à l’article 3 du Règlement (UE) 2023/915, des facteurs de transformation doivent être appliqués afin de pouvoir comparer ces valeurs ​​avec la teneur maximale qui s’applique au produit s’il avait été pris frais. Cependant, les professionnels qui transforment ces aliments sont les seuls à pouvoir indiquer ces facteurs spécifiques, liés à la recette utilisée. Si globalement, le procédé de mise en conserve du thon entraîne une augmentation de la concentration en mercure liée à la déshydratation du produit, cette augmentation varie selon les produits et les marques, ces différences étant dues à la cuisson ou à l’ajout d’ingrédients comme le sel ou le citron. En principe, les opérateurs devraient donc fournir aux pouvoirs publics des facteurs de transformation spécifiques pour permettre le contrôle des produits finis, mais en pratique, ces données ne sont pas transmises. Cette thèse est corroborée par une instruction technique de la DGAL du 10 janvier 2022 relative au Plan de surveillance des contaminants chimiques du milieu aquatique dans les produits de la pêche qui précise qu’il est préférable que l’opérateur procède à des autocontrôles sur la chair des poissons. du poisson plutôt que des aliments en conserve. Ainsi, du côté des opérateurs soumis à une obligation d’autocontrôle, comme du côté de la DGAL lors des contrôles officiels, le respect des limites maximales de contaminants n’est pas garanti pour le thon en conserve, puisque le passage du frais à la conserve constitue un boîte en termes de son effet sur la concentration de mercure.

Mêmes risques sanitaires et règles différentes : quelles perspectives pour abaisser les seuils de contamination au mercure ?

La variabilité des mesures de gestion des risques selon les espèces de poissons et le procédé de transformation constitue une incohérence à laquelle il convient de remédier. Quels sont les obstacles à l’alignement des limites maximales de mercure pour le thon avec d’autres poissons comme le lieu jaune, le cabillaud ou le maquereau ? Le thon est le poisson le plus consommé en Europe et si l’on renforce les normes sanitaires applicables à la pollution au mercure, la ressource sera impactée. Cela implique une transition vers des modes de consommation alimentaire plus respectueux de la santé et de l’environnement, conformément à l’ambition affichée par la Commission européenne dans sa stratégie de la ferme à la table en 2020. En cela, une « One Health » est essentielle : protéger le public. la santé passe par la protection de nos océans et de nos poissons contre la pollution par le mercure.

 
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