Le cancer, sois toi
Publié le 7 octobre 2024 par Mary Radermaker
Sylvie-Anne Pelletier est une survivante et tatoueuse spécialisée dans le recouvrement de cicatrices de toutes sortes. Entretien avec une artiste et une femme d’affaires fonceuse qui a su réussir face à l’adversité.
Sylvie-Anne Pelletier, propriétaire du studio de tatouage Mythique SA.
Sylvie-Anne Pelletier est propriétaire du studio de tatouage Mythique SA à Saint-Sauveur. Avant de se consacrer à sa passion, la native de l’Abitibi était assistante optométriste. « J’avais une base en arts, mais je n’avais pas encore la confiance nécessaire pour me lancer dans ce domaine », explique-t-elle.
C’était il y a 8 ans que tout a changé. « Lorsque ma sœur a reçu un diagnostic de cancer du sein, j’ai remis toute ma vie en question. Après quelques années en optométrie, je me suis demandé si j’étais vraiment heureux, si c’était vraiment ce que je voulais faire s’il ne me restait que 3 ou 4 ans à vivre. La réponse était non. »
Lors d’une séance de tatouage dans un studio de Val-d’Or, Sylvie-Anne a décidé de tenter le coup : « J’ai demandé au patron où il serait possible de me former. Finalement, c’est elle qui m’a pris sous son aile. Dès qu’elle m’a pris comme apprenti, j’ai tout laissé tomber. Il m’a fallu un an avant d’être indépendant. Depuis, c’est tout ce que j’ai fait. »
Malheureusement, ce qui était censé être le début d’une belle histoire d’amour s’est vite transformé en une succession d’épreuves, raconte le tatoueur. « Mon diagnostic est tombé juste après. Ma sœur est décédée le 25 août, j’ai commencé à travailler comme apprenti en septembre et j’ai reçu mon propre diagnostic de cancer le 18 décembre. Déjà, le 9 janvier, j’avais perdu mon premier sein. »
Après avoir subi une batterie de tests, on lui a appris qu’elle souffrait d’une souche hormonale de cancer triple négatif BRCA1, une maladie transmise par la génétique. « On m’a donné trois ans avant d’avoir un autre cancer. En prévention, on m’a conseillé de retirer l’autre sein et les trompes de Fallope. J’ai été opéré en septembre. »
Malgré les traitements et les nombreux déplacements dans les hôpitaux, la combattante a poursuivi sa formation en tatouage. «Pendant 8 mois, j’ai été plus lent, mais j’ai quand même continué. » Tout ça avec une petite fille de 8 ans à la maison.
« Durant les 8 mois qu’ont duré mes traitements, j’ai subi 6 opérations, 16 traitements de chimiothérapie, 16 prises de sang, plusieurs examens comme des IRM et des scanners… J’ai découvert qu’il fallait être en forme pour être malade.
Elle poursuit : « En Abitibi, d’où je viens, c’est assez petit donc ce sont les mêmes médecins oncologues qui avaient suivi ma sœur qui sont tombés sur mon dossier. Grâce à son voyage, elle a sauvé le reste de la famille. »
En effet, à peine un an après le diagnostic de Sylvie-Anne et deux ans après le décès de la plus jeune, l’aînée de la famille était à son tour la cible du même cancer. Heureusement, ses antécédents familiaux lui ont permis d’être étroitement surveillée par une équipe médicale, et la masse était encore petite lorsqu’elle a été détectée lors du deuxième ou du troisième rendez-vous de contrôle. « Aujourd’hui, nous allons tous les deux très bien. Selon les médecins, mon risque de développer un cancer est désormais égal ou inférieur à celui d’une femme qui n’en a jamais eu », ajoute-t-elle.
Sept ans après sa rémission, Sylvie-Anne peut enfin se considérer officiellement guérie. «Maintenant, ce sont nos enfants qui font des suivis, puisque la Source du cancer est génétique. Les deux aînées de ma sœur ont des implants mammaires car elles ont déjà été testées positives pour le gène à 21 et 23 ans. »
« Nous aimons dire que la mission de la vie de notre sœur était de nous sauver tous. »
Spécialisé dans le département des miracles
Durant la pandémie, Sylvie-Anne a fait un grand pas pour réaliser un autre de ses souhaits chers à son cœur : celui de déménager dans les Laurentides. « Depuis que je suis tout petit, c’était un rêve de venir vivre ici ! »
Dès son arrivée dans les Laurentides, elle commence à se spécialiser dans l’art du camouflage. D’abord sur de vieux tatouages, puis sur des cicatrices de blessures, de cancers, de brûlures et de maladies comme le vitiligo. « Je fais cela pour aider certaines personnes à retrouver, même temporairement, un peu de confiance. C’est pour leur permettre d’être eux-mêmes, d’avoir moins de regards de pitié sur leurs cicatrices, de se sentir à l’aise à l’idée de se mettre dans un carcan. » Pour elle, ces tatouages offrent une sorte de seconde vie à ces zones mal-aimées : « Ça permet de se réapproprier son corps. J’ai moi-même mes cicatrices de cancer qui ont été tatouées. Je sais ce que ça fait de réapprendre à aimer ces parties du corps qui ont drastiquement changé. Ce n’est pas pour se cacher, c’est pour donner envie de s’aimer et d’être fier, de faire quelque chose de beau et d’artistique. »
Rapidement, le camouflage et le recouvrement des cicatrices de toutes sortes deviennent sa spécialité. Selon la tatoueuse, environ 85 % de sa clientèle se tourne vers elle pour ce type de projet précis. “C’est vraiment comme ça que je me suis fait un nom.” Chaque tatouage est comme une carte de visite, c’est donc une arme à double tranchant. Il n’y a pas beaucoup de tatoueurs qui osent se lancer dans ce métier, et pourtant c’est très gratifiant », dit-elle. « Plusieurs de mes clients en Abitibi m’ont suivi ici. J’ai également des clients d’Ottawa, de Québec, de Lavaltrie et ailleurs au Canada. Dernièrement, j’ai aussi tatoué des femmes des États-Unis ! »
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