L’histoire vraie des « Monuments Men »

L’histoire vraie des « Monuments Men »
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Le fantasme d’un « Führermuseum »

Pour le découvrir, il faut se rendre à la mine de sel d’Altaussee, où des visites sur ce thème sont organisées. « Approchez-vous, s’il vous plaît », dit le guide Harald Pernkopf à un groupe de neuf personnes. Mettez ce pantalon et cette veste car à l’intérieur de la mine, il ne fait pas plus de 8 degrés ! Les visiteurs le font puis s’assoient sur un banc en bois à l’entrée de la mine, où est projeté un film rappelant le contexte historique. En mars 1938, l’Autriche est annexée au Troisième Reich, décision accueillie avec enthousiasme par une grande partie de la population. Autrichien de naissance, Adolf Hitler envisage d’installer dans la ville où il a grandi, Linz, un gigantesque musée qui rassemblera les chefs-d’œuvre de l’art européen.

Un véritable « homme des monuments » au travail dans la mine de sel d’Altaussee en 1945. — © Imago/UIG/AGB Photo

Pour combler cela »Musée du Führer», les nazis pillèrent méthodiquement les collections publiques et privées des pays qu’ils occupaient. Mais à partir de 1943, les Alliés intensifièrent leurs bombardements sur le territoire du Reich, il fallut donc trouver un endroit pour protéger ces ouvrages. La mine de sel d’Altaussee, active depuis le XIIe siècle, fut alors choisie. À partir de 1943, il abritera des milliers d’objets – livres, tapisseries, armes – mais aussi 6 500 tableaux et sculptures, dont des chefs-d’œuvre absolus : le de Bruges par Michel-Ange, leAutel de Gand les frères Van Eyck, des tableaux de Vermeer, Rubens, Rembrandt, Brueghel ou encore Dürer.

Sauvetage en pleine nuit

«Nous sommes ici dans l’un des espaces où étaient entreposées les œuvres», explique Harald Pernkopf aux visiteurs, après avoir parcouru 700 mètres dans les tunnels étroits de la mine. « Ce lieu était parfaitement adapté : il fait constamment 8 degrés, 75 % d’humidité et pas de lumière naturelle. Il y a 130 mètres de terrain au-dessus de nos têtes, donc les bombes ne pourraient pas faire beaucoup de dégâts. Nous avons donc construit des entrepôts en bois ici et dans sept autres endroits pour abriter les travaux. Si les conditions idéales de conservation ont permis d’éviter d’endommager ces œuvres, elles ont en effet été presque entièrement détruites. En mars 1945, ne pouvant plus nier sa défaite, Hitler promulgue « l’ordre Néron » qui exige la destruction de « toutes les installations militaires liées aux transports, aux communications, à l’industrie et au ravitaillement ainsi que celles des biens matériels sur tout le territoire du Reich ». .»

Lire: En Autriche, l’immense travail de restitution des œuvres pillées par les nazis

Le gauleiter de la région d’Altaussee, August Eigruber, estime que la mine et ses œuvres d’art sont concernées par cet arrêté. Ce nazi fanatique fit alors introduire dans les tunnels de la mine huit bombes qu’il dissimula dans des caisses en bois sur lesquelles on pouvait lire : « Attention : marbre, ne laissez pas tomber ». Mais les mineurs ne sont pas dupes. Une dizaine d’entre eux décident alors d’agir, en prenant de gros risques. « Dans la nuit du 4 au 5 mai, ils ont sorti les bombes de la mine et les ont cachées dehors en les recouvrant de branches. C’était une véritable course contre la montre car ils ne savaient pas ce qui allait se passer ensuite, si l’équipe de démolition était déjà en route ou non. Après cela, ils ont commencé les travaux pour faire sauter les accès aux entrepôts à l’intérieur de la mine, afin que nous ayons plus d’accès aux travaux. Cela a pris plusieurs heures et le matin du 5 mai, c’était fait. LE monuments hommes arrivera une dizaine de jours plus tard, le processus de restitution débutera alors.

Héros ambivalents

Une exposition, installée dans la mine, termine la visite en présentant divers documents historiques et photos d’archives qui mettent en lumière le rôle de ces courageux mineurs. Des héros loin des stéréotypes hollywoodiens : « À l’époque, de nombreux mineurs étaient membres du parti nazi. On ne sait pas s’il s’agissait de nazis fanatiques, nous savons seulement qu’il s’agissait de simples ouvriers vivant depuis des générations à Altaussee. Evidemment, ils voulaient sauver les ouvrages, mais aussi la mine. Si les bombes avaient explosé à l’intérieur, il y aurait eu un effondrement et cela aurait rendu l’extraction du sel impossible pendant plusieurs générations. » C’est à ces héros ambivalents que l’on doit la capacité d’admirer, aujourd’hui encore, L’astronome de Vermeer à Paris, Lot et ses filles du Tintoret à Kassel en Allemagne et bien d’autres chefs-d’œuvre.

« C’est un sentiment particulier d’apprendre qu’un tableau que l’on a vu dans un musée, là où il appartient, se trouvait auparavant à 130 mètres sous terre, entreposé dans ces galeries avec huit bombes qui auraient dû exploser », raconte Konstantin, 14 ans, venu d’Allemagne pour participez à cette visite. “Il est difficile d’imaginer le risque pris par ces mineurs”, ajoute son père Kasten. Agir ainsi dans une telle situation… Je suis content de ne pas avoir eu à vivre ça ! Cette histoire reste cependant peu connue, même en Autriche. Christian, passionné d’histoire, l’a découvert après avoir mené ses propres recherches : « Dans les pays touchés par le nazisme, il y a eu un silence de mort pendant 80 ans. Depuis, beaucoup de choses sont tombées dans l’oubli. Ce type de visite est intéressant car il permet de reparler de cette histoire et ainsi de la transmettre. Et une fois connue, l’histoire n’est pas oubliée. A la sortie, chacun affirme qu’à l’avenir, on portera un autre regard sur les chefs-d’œuvre qui peuplent les musées européens, conscient que certains d’entre eux auraient pu disparaître dans les tunnels tortueux de la mine d’Altaussee.


Le film « Monuments Men » (2014), de George Clooney, est disponible sur la plateforme Prime.

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