Être obsédé par votre taux de sucre alors que vous êtes en bonne santé ? « Cela risque de créer des hypocondriaques »

Être obsédé par votre taux de sucre alors que vous êtes en bonne santé ? « Cela risque de créer des hypocondriaques »
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Réduire les fringales, la fatigue, les migraines, voire les inflammations… Mesurer et réduire les pics de glycémie ferait des miracles, selon les adeptes de la « révolution du glucose ». A la tête de cette théorie : Jessie Inchauspé, alias « La Déesse du Glucose ». Si l’auteur n’est pas médecin mais biologiste, une médecin sort ce mercredi un livre qui semble aller dans son sens.

Dans Le sucre : ennemi public numéro 1, Réginald Allouche souhaite, pour éviter une « épidémie de diabète qui a déjà commencé », que tous les Français, même ceux en bonne santé, se testent plus ou moins régulièrement grâce à des capteurs de glycémie. Trop? C’est ce que nous avons cherché à découvrir.

La « révolution du glucose »

Bien entendu, on ne surprendra personne en affirmant que le sucre consommé en excès a un impact sur la santé. Mais les adeptes de la « révolution du glucose » ne se contentent pas de réduire leur consommation de sucre, mais suivent un régime alimentaire beaucoup plus précis et basé sur plusieurs règles. Ne mangez jamais un produit sucré seul mais accompagnez-le de fibres et de protéines. Ingérez-les toujours dans le bon ordre : d’abord les fibres, puis les protéines, puis les graisses, les féculents et les sucres (bonjour le plaisir). Enfin : prenez des petits déjeuners et des collations salées et privilégiez un dessert en fin de repas plutôt qu’une collation sucrée. Les adeptes de cette « révolution » en font l’éloge dans les publications Instagram et les vidéos TikTok et YouTube.

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Tout dans le discours de Jessie Inchauspé ne peut pas être exclu, selon les médecins que nous avons interrogés. “Lorsqu’un produit à indice glycémique (IG) élevé est ingéré, comme les pâtes et le riz blanc [eh oui, dedans il y a plein de glucides, ce qu’on appelle les sucres lents], le corps réagit en produisant de l’insuline via le pancréas », explique la nutritionniste Corinne Chicheportiche Ayache. Puisque l’insuline a pour fonction de réduire le taux de sucre dans le sang, « plus un produit a un IG élevé, plus la réaction insulinique sera intense, conduisant par la suite à une hypoglycémie brutale. » Pour ceux qui ont un souvenir, cela faisait partie de nos cours de SVT au lycée. Et cela aurait un impact sur la survenue des fameuses envies. «Quand l’insuline diminue, on a une défervescence et ça nous donne une envie impérieuse», confirme Laurent Chevallier, nutritionniste, rattaché à la clinique et au CHU.

“Le pic de glycémie est ralenti lorsque les glucides sont mélangés aux lipides”, ajoute Jean-Pierre Riveline, endocrinologue diabétologue à l’hôpital Lariboisière à Paris.

Capteurs de glycémie chez les non diabétiques

Les médecins sont unanimes pour dire que les personnes diabétiques doivent être vigilantes face à ces courbes. Mais Réginald Allouche veut aller plus loin. « Je dis : « Testez-vous tous les cinq ans, quels que soient votre âge et votre état de santé ». » Dans son livre, il préconise de suivre un régime spécifique pendant quatorze jours, durant lesquels la personne observera ses pics grâce à un capteur de glycémie (un outil remboursé uniquement pour les diabétiques de type 1 et ceux de type 2 bénéficiant d’injections d’insuline).

“Il y a des hommes de 35 ans qui vont très bien mais qui sont trop sédentaires et qui, lorsqu’ils mangent une pizza par exemple, vont monter très haut leur glycémie”, assure le médecin. Cela signifie que le pancréas produit de plus en plus d’insuline et se fatigue, jusqu’au jour où il n’en produit plus assez. » Selon lui, lorsque ces personnes verront leurs rondeurs, elles ne se comporteront plus de la même manière « et on pourra donc éviter le diabète ».

Sur le papier, pourquoi pas ? Mais en réalité, en avons-nous des preuves ? Selon le diabétologue Jean-Pierre Riveline, les capteurs sont des outils « aux vertus pédagogiques fantastiques » pour les personnes diabétiques. Et seulement pour eux. « Aucune étude scientifique ne montre qu’elle prévient le développement du diabète. Pour le prouver, il faudrait mettre un capteur sur les sujets à risque et pas sur les autres et voir au bout de cinq ans si ceux qui en avaient un avaient moins de diabète. » Laurent Chevallier est plus cash : « Ces appareils ne sont absolument d’aucune utilité chez les personnes en bonne santé. »

« Pas de contrat » avec les fabricants de capteurs

“On ne va pas créer de psychoses avec ce genre de choses”, poursuit Laurent Chevallier. Tout le monde connaît des pics de glycémie tout au long de la journée, et le corps « sait comment les gérer ». Si ces pics restent dans les normes, « aucune étude scientifique ne montre qu’ils ont un impact clinique », soutient Jean-Pierre Riveline.

Mais Réginald Allouche insiste : « Même si on n’a pas de pic problématique, on refait le test avec les capteurs tous les cinq ans et si on a des variations importantes, tous les trois ans. » Interrogé sur ses potentiels conflits d’intérêts avec les fabricants de capteurs, il se défend : « Je n’ai ni contrat ni reçu d’argent de ces personnes. Je ne sais même pas qui ils sont. »

Les évaluations biologiques suffisent

Pour les personnes ne présentant aucun signe avant-coureur de diabète, le bénéfice des capteurs semble donc faible, voire nul. La consommation de sucre rapide augmente certes le risque de diabète, mais principalement chez les patients présentant une pathologie prédisposée, insiste l’endocrinologue Jean-Pierre Riveline. Ainsi, une personne qui n’est pas malade mais présente plusieurs facteurs de risque comme des antécédents familiaux, l’obésité, une sédentarité ou une femme qui a déjà eu du diabète pendant la grossesse sont, selon le médecin, à risque très élevé de développer un diabète. « Limiter les sucres rapides réduit ce risque. »

Pour ces patients, il existe déjà des techniques permettant de mesurer leur glycémie. « Un suivi médical régulier avec des bilans biologiques dont glycémie à jeun, HbA1c [qui donne une idée de l’équilibre glycémique sur les trois derniers mois]mais aussi les indices reflétant la résistance à l’insuline [HOMA et Test QUICKI] ça suffit», estime Corinne Chicheportiche Ayache.

Le risque de troubles de l’alimentation

Les médecins interrogés craignent également que l’utilisation régulière de ces capteurs de glycémie puisse entraîner des troubles du comportement alimentaire. “J’ai des patients qui se pèsent trois à quatre fois par jour et qui, avec ces capteurs, pourraient devenir obsédés par leur glycémie”, raconte Arnaud Cocaul. Cela risque également de créer de potentiels hypocondriaques. »

Selon Arnaud Cocaul, plutôt que de rester les yeux rivés sur ses sommets, l’intérêt est avant tout de comprendre pourquoi on mange trop richement. « Il peut s’agir de kilos émotionnels, de régimes trop restrictifs, de dépression ou d’autres paramètres extérieurs qui n’ont parfois rien à voir avec l’assiette. » Pour lui, il faut écouter le vécu de son patient plutôt que d’adhérer à des contraintes difficiles à appliquer dans la vraie vie.

 
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