Saisies records de cocaïne, règlements de comptes, fusillades, menaces contre un ministre : notre pays est-il sur le point de devenir un narco-État ? C’est le sujet du magazine « Déclic », ce lundi à 20h30 sur La Trois.
Narco-État, définition du Fonds monétaire international : « On parle de narco-État lorsque toutes les institutions légitimes ont été pénétrées par le pouvoir et la richesse provenant du trafic illicite de drogue. » À première vue, il n’est pas approprié, à proprement parler, de caractériser la Belgique comme telle. Un peu comme un patient qui présente de nombreux symptômes d’une maladie mais pas au point d’être déjà diagnostiqué. Pourtant, notre pays semble sérieusement touché. Et c’est très grave, docteur…
Saisies
« Jamais auparavant de telles quantités de précurseurs chimiques n’avaient été découvertes. » La porte-parole du parquet de Liège elle-même ne semble pas pouvoir y croire. Fin mars, les douanes ont saisi 2,5 tonnes de produits chimiques illicites à l’aéroport de Liège. Ils viennent de Chine et sont impliqués dans la fabrication de pilules médicamenteuses, d’ecstasy et d’amphétamines notamment. Une capture record qui fait suite à une longue litanie de saisies en Belgique. Le port d’Anvers est l’un des points stratégiques utilisés par les trafiquants pour acheminer de la drogue sur le Vieux Continent. L’année dernière, le deuxième port européen a dépassé tous ses records précédents : 116 tonnes de cocaïne confisquées par les autorités, soit 5% de plus qu’en 2022. La quantité de drogue interceptée sur notre territoire représenterait au moins 1/3 des saisies dans l’Union. .
Mode opératoire
Anvers et Zeebrugge sont deux portes d’entrée vers la mer et son transport de marchandises. En 2023, 12,5 millions de conteneurs ont transité par les deux ports. A peine 1 à 2 % d’entre eux ont été contrôlés. Cibles privilégiées des douaniers : les navires « à risque », provenant principalement des pays producteurs d’Amérique du Sud, de Colombie, d’Équateur et du Pérou. Il existe plusieurs méthodes utilisées pour tenter de faire passer une cargaison. Dissimulés dans des caisses de fruits, dans des torpilles sous-marines accrochées au bateau, dans des doubles fonds… : les trafiquants de drogue rivalisent d’imagination. Malgré les recherches, les plongeurs, les scanners fixes et mobiles, 90 % des livraisons passent entre les mailles du filet (selon les autorités). Pour les récupérer, les gangs s’assurent une complicité interne. Ils font pression sur les dockers, le personnel administratif, les sociétés d’import-export mais aussi sur les douaniers et les policiers. Des menaces et des moyens financiers importants sont utilisés pour les soudoyer.
Mocro-maffia
Depuis plusieurs mois, la criminalité liée aux combats de gangs a également explosé. Au sens figuré mais aussi littéral. A Anvers et à Bruxelles, les règlements de comptes et les assassinats se multiplient. La « mocro-maffia » (d’origine marocaine) serait impliquée dans plusieurs d’entre elles. Le bourgmestre d’Anvers, Bart De Weever, n’hésite pas à dire : « La mocro-mafia fait plus de dégâts que la drogue elle-même. » La réponse des autorités belges existe. À la fin de l’année dernière, 125 accusés ont comparu dans le cadre du plus grand procès pour trafic de drogue jamais organisé en Belgique. 40 autres personnes sont actuellement jugées dans une autre affaire de trafic international de drogue.
Narco-terreur
La Belgique, un narco-État ? Une étape supplémentaire a été franchie en 2022. Ministre belge de la Justice de l’époque, Vincent Van Quickenborne a dû être placé sous protection judiciaire et pratiquement disparaître de la circulation avec sa famille pendant plusieurs jours. Il a été menacé d’enlèvement par la communauté de la drogue. Interviewé, il n’hésitait pas à déclarer à l’époque : « La Belgique est entrée dans une phase de narcoterrorisme. »
Cet article est paru dans Le Télépro du 18/04/2024
