« Il a ouvert la porte à beaucoup d’artistes toulousains »

« Il a ouvert la porte à beaucoup d’artistes toulousains »
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Par Gabriel Kenedi
Publié le

21 avril 24 à 14h22

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[SÉRIE NOUGARO VU PAR… / EPISODE 2 : Mouss & Hakim].

A l’occasion des 20 ans de la disparition de l’immense Claude Nougaro, Actu Toulouse est allé à la rencontre de plusieurs artistes toulousains, afin qu’ils nous parlent de « leur Claude ». Pour ce deuxième épisode, place à Mouss & Hakim, ex-membres du groupe Zebda.

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« Là où Nougaro est le plus fondateur, c’est qu’il a ouvert la porte à beaucoup d’artistes toulousains. » Les anciens membres du groupe Zebda, Mouss & Hakim, évoquent Claude Nougaro avec tendresse et admiration. Il faut dire qu’ils ont certains points communs évidents : à commencer par les Miminesleur quartier de toujours, qui était aussi celui de Nougaro.

« Lorsque le jardin qui porte nom a été inauguré de son vivant aux Minimes (en 1992), nous commencions tout juste à faire de la musique », se souvient Hakim Amokrane. Quand, un peu plus tard, quand nous avons fait connaissance, nous lui avons parlé de son jardin, et nous lui avons dit que nous y mangions des merguez, que nous jouions au ballon ou que nous y allions le soir, il nous a dit quelque chose comme : « Oh, je pensais que c’était le jardin d’un vieil homme !‘. Il avait ce truc de vouloir toujours être dedans ! », souligne Hakim Amokrane.

« La brique rouge des Minimes »

« Dans nos souvenirs d’enfance, il y a Nougaro : quand il chante “Toulouse” et la brique rouge des Minimes, c’est quelque chose de très fort pour nous, qui renvoie directement à un sentiment d’appartenance », raconte Mustapha Amokrane. « Pour nous, Nougaro, c’était le Toulousain qui apparaissait chez Guy Lux à la télé. C’était la star ! », engage son frère, Hakim.

« Nougaro a montré la voie, poursuit Mouss. C’est un héritage vraiment très puissant parce que cela nous a donné une légitimité, ce qui est encore la question que se posent de nombreux artistes. Pour ceux qui n’étaient pas d’ici, Toulouse, c’était Nougaro. Cela aurait pu nous arriver à un moment donné avec Zebda et nous en étions très fiers, en fait.

« Il a mis Toulouse sur la carte, pour reprendre la punchline de Bigflo et Oli ! », s’amuse Hakim Amokrane.

« Il avait cette façon de faire swinguer les mots, de dire tous les mots, toutes les lettres, toutes les syllabes, avec son accent toulousain. Il a apporté cela à la table ! Un jour, les Français comprendront à quel point il a apporté de la poésie. C’était un poète, capable de tout. Il pouvait transformer une lamentation en une chanson d’amour.

Hakim AmokraneArtiste toulousain

La première réunion

Lorsque Zebda a débuté à la fin des années 80, le groupe dirigé par Magyd Cherfi et les frères Amokrane, ont rapidement fait la une des journaux. Et les premières musiques du groupe n’ont pas échappé au poète, qui gardait un œil attentif et bienveillant sur la jeune génération d’artistes.

« Nous l’avons rencontré vers la fin. Il était déjà un aîné, il avait l’âge de notre daron. Il était très gentil avec nous. La première fois, c’était au Bikini au milieu des années 90, lors d’une rencontre avec notre maison de disques de l’époque Barclay, qui était aussi celle de Nougaro”, soulignent Mouss et Hakim.

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« La première rencontre s’est faite grâce au succès de Zebda. Nous connaissions Nougaro parce qu’il était la star de notre quartier, de notre ville. On se moquait de lui ! » [ de l’occitan badar ; regarder avec curiosité ou intérêt et fascination, N.D.L.R. ]se souvient Mouss.

« Nous avons passé la soirée avec lui, et il est même monté sur scène pour jouer avec nous. Et tout de suite, l’accroche, ce sont les Minimes. À Hakim et moi, il a dit : “Vous avez une énergie fraternelle”. Nous ne faisions que prolonger l’enfance et il mettait déjà le doigt sur quelque chose qui aujourd’hui pour nous est une évidence. Cela nous a vraiment touchés ! « .

«Nous n’étions pas des Nougarologues»

Mouss & Hakim, ex-membres du groupe Zebda. (©Victor Deneumoustier)

Hakim se souvient : « C’était une rencontre forte car à Toulouse, il était le roi. Nous avons des personnalités locales importantes… et puis il y a Nougaro ! C’est un emblème, une institution, comme le Stade Toulousain, Airbus ou la Garonne.» Son frère ajoute : « Nous n’étions pas des Nougarologues (sic). Il y a plein de gens de notre génération qui connaissaient le répertoire de Nougaro comme leur poche, ce n’était pas notre cas. Nous avons adoré célébrer Nougaro à Nougayork ou à Toulouse.

Mustapha Amokrane ajoute : « Dans sa musique, il portait cette idée d’être citoyen du monde. Il y avait du jazz, du blues, de la musique brésilienne et africaine… Une chanson comme Armstrong, tous les écoliers l’ont chanté. Et cette chanson est vraiment antiraciste ! A Nougaro, chez nous, on ressentait cette énergie du vivant, cette fraîcheur permanente, cette capacité à ressentir les choses.

« Vous êtes la banlieue »

De cette rencontre est née une belle relation entre les frères Amokrane et Claude Nougaro, puis avec la famille Nougaro, par la suite.

« Quand nous avons parlé avec Nougaro des quartiers populaires et des Minimes, il nous l’a dit. “Non mais toi, c’est la banlieue !” » C’est dit de manière ludique mais à travers ces mots, il nous replonge dans l’histoire française en utilisant ce vieux mot, pur synonyme de banlieue. C’est après cette discussion qu’il a eu l’idée d’écrire ce texte, « Boots de Banlieue », qu’il nous a remis en disant : « J’ai écrit ce texte en pensant à toi ». Il racontait la banlieue sous forme de fable, et nous avons trouvé que c’était une façon très juste d’en parler.

Les Darons de la Garonne

Longtemps après sa mort, la connexion s’est poursuivie avec le projet Les Darons de la Garonneun album dans lequel Mouss & Hakim mettent en musique des textes inédits de Claude Nougaro.

«Quand Hélène Nougaro (la dernière épouse du chanteur) nous a confié ces textes inédits, nous avons tout de suite eu envie d’aller au bout. On avait un peu peur, on se posait plein de questions mais en même temps, on prenait ça comme un magnifique cadeau. Nous avons fait cette expérience de nous projeter directement sur des textes écrits sur une feuille blanche, sans mélodie. Nous ne savions pas si c’était pour faire des chansons ou juste de la poésie. Mais on sentait déjà à travers ses textes la musicalité des mots, la profondeur de l’accent, le terroir », s’exclame Mustapha.

Quelle transmission ?

« Il y a eu cette histoire de transmission à Nougaro. Ce cadeau qui nous a été offert participe à cette histoire toulousaine ! Nous sommes des enfants de travailleurs, des enfants de l’immigration algérienne. Aujourd’hui, nous sommes des darons, nous avons des enfants et plus de 50 ans. Nous avons un voyage incroyable, nous avons brisé les déterminismes. Nous n’étions pas du tout prédisposés à avoir la vie que nous avions la chance d’avoir », ajoute l’artiste.

20 ans après sa mort, la question de la transmission de l’héritage de Nougaro se pose à nouveau. Hakim Amokrane l’assure : « Sur Nougaro, à Toulouse, on pourrait aller beaucoup plus loin ! Ce serait bien si les nouvelles générations, ne serait-ce qu’à l’école, pouvaient en savoir plus sur lui. On ne veut pas que les jeunes se disent : ‘Nougaro, c’est un métro, un collège ou un jardin’ »…

Son frère poursuit : « Cécile s’est énormément investie avec beaucoup de courage et d’envie. La proposition qu’elle fait à la Maison Nougaro est hyper touchante. Mais ne pourrait-on pas aller encore plus loin ? Elle pourrait avoir encore plus de soutien. Parce que Nougaro est véritablement fédérateur ! D’ailleurs, les artistes toulousains le font car il y a plein de projets autour de Nougaro ! A partir de la Maison Nougaro, nous pourrions nous déployer dans toute la ville, notamment dans la dimension pédagogique. Le Nougaro est une incroyable matière pour créer du lien.

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