Des centaines d’artistes et d’artisans, issus majoritairement des métiers des arts de la scène, ont manifesté jeudi devant les bureaux montréalais du ministre de la Culture, rue De Bleury, pour exiger un refinancement majeur du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et exprimer leur marre des conditions de vie des travailleurs culturels de la province.
Si les organisateurs de la Grande Mobilisation des artistes québécois ont invité les participants à s’habiller en noir pour souligner le deuil de projets artistiques qui ne verront pas le jour, c’est dans une ambiance joyeuse et créative que s’est déroulé l’événement. Sous une pluie froide et battante, la foule compacte s’est réchauffée au son de slogans tels que « Mon royaume contre une subvention », « Il n’y aura PAS toujours de culture », « Les artistes ne sont pas libres » et « Pas d’avenir sans culture ».
« Plus les choses vont mal, plus les conditions et les budgets diminuent. Les cachets n’augmentent pas, on a de la difficulté à joindre les deux bouts», a déploré en entrevue Jacinthe Racine, qui occupe les postes de conceptrice d’éclairage, de régisseuse et de coordonnatrice de tournées dans les secteurs du cirque et de la danse. et le théâtre.
« Nous avons besoin que les gouvernements subventionnent davantage les conseils des arts : ce sont eux qui sont au niveau local et qui peuvent canaliser les fonds vers les artistes », a poursuivi la jeune femme.
Les organisateurs de l’événement ont notamment dénoncé la réduction du financement du CALQ, qui finance la recherche, la création, la production et la diffusion artistiques. L’organisation dispose d’un budget de 160,5 millions de dollars pour 2024-2025. Au cours du dernier exercice, avant inflation, la somme allouée était de 161,2 millions.
«Aujourd’hui, nous pleurons des projets qui ne seront jamais mis de l’avant», a mentionné Samuel Létourneau, artiste de cirque affilié à la compagnie M.Trenka Productions, qui a récemment vu ses dernières demandes de subventions refusées.
Selon lui, l’après-pandémie a frappé très durement les arts du spectacle. « On nous a dit de nous réinventer, mais nous le faisons déjà tous les jours. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas seulement de nous réinventer, mais de mettre en place un système qui nous permette de vivre au lieu de simplement survivre. »
Plusieurs manifestants craignaient également l’effet des récentes coupes budgétaires sur l’accessibilité de la culture scénique au grand public. « Je vois les impacts du sous-financement, notamment sur le prix des billets. C’est rendu très difficile d’accès», a déploré Anne-Catherine Lebeau, directrice générale de l’organisme Écoscéno, qui promeut la transition écologique dans les arts de la scène. « Les cinémas, pour le moment, n’ont pas le choix d’augmenter leurs tarifs, mais c’est dommage que cela devienne si inaccessible. Les arts et les artistes sont essentiels. S’il n’y a pas de soutien de l’État, cela devient inaccessible pour une partie de la population. »
Plusieurs organisations culturelles ont manifesté leur soutien au mouvement, notamment l’Union des artistes, dont la présidente, Tania Kontoyanni, s’est exprimée lors de la manifestation.
«Dans ce contexte féroce où l’inflation limite terriblement les dépenses des ménages québécois en biens culturels, nous avons du mal à comprendre votre choix de ne pas augmenter le budget du CALQ», a-t-elle déclaré en s’adressant au ministre québécois. de la Culture, Mathieu Lacombe. « Ne nous abandonnez pas maintenant, n’abandonnez pas la culture québécoise à l’un des moments les plus difficiles de son histoire. Au sortir de cette pandémie, nous avons la peur au ventre, pour notre survie comme travailleurs, oui, mais aussi pour la survie de la culture québécoise. »
Les organisateurs de la mobilisation prévoient d’organiser de nouvelles manifestations les 16 mai et 13 juin.
Un possible réinvestissement ?
Demandé par Le devoir, le cabinet du ministre de la Culture n’a pas souhaité réagir aux revendications des manifestants. La semaine dernière, le ministre Lacombe disait partager les préoccupations des artistes et envisager un certain réinvestissement dans le CALQ.
“Je comprends leur déception, car j’aurais moi-même aimé plus [de financement] pour le Conseil des arts et des lettres du Québec», a-t-il déclaré depuis Paris, où il participait au Festival du livre. « Je regarde, en ce moment, comment on peut, à partir des sommes que nous avons obtenues dans le budget, dégager de nouvelles sommes que nous pourrions réinvestir dans le CALQ. »
Le ministre n’a toutefois pas fait de commentaire sur les moyens qu’il envisageait pour y parvenir.
Avec Olivier Du Ruisseau
