À l’époque du nazisme, un « New England Journal of Medicine » restait très silencieux

À l’époque du nazisme, un « New England Journal of Medicine » restait très silencieux
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La vie de laboratoire. Dans un article sobrement intitulé « Le nazisme et le Journal », le Journal de médecine de la Nouvelle-Angleterre (NEJM) a décidé de revisiter son passé lors de la montée de l’antisémitisme et de la persécution des Juifs dans l’Allemagne nazie. Dirigés par deux historiens de la médecine de l’université Harvard, Joelle Abi-Rached et Allan Brandt, ces travaux s’inscrivent dans une vaste introspection critique sur ce que la revue appelle « injustices historiques en médecine et dans la revue » au cours de ses plus de deux cents ans d’existence. D’autres sections concernant l’esclavage et l’eugénisme ont déjà été publiées.

Pour mener à bien leurs travaux, les deux chercheurs ont fouillé les archives du journal. Qu’ont-ils trouvé dans les tiroirs ? Pour être honnête, pas grand-chose. « L’absence, le silence assourdissant durant cette période est ce qui nous a le plus dérangé », dit Joëlle Abi-Rached. Au début de ses recherches, l’historienne déniche fortuitement quelques lignes datées de 1933 sur les discriminations et les persécutions infligées aux médecins juifs. “enterré” dans un long article “très technique” relatif à la chirurgie. « Ce n’est pas l’antisémitisme qui a posé problème aux auteurs, mais plutôt le fait que ces médecins, contraints d’arrêter leurs activités, n’auraient plus de moyens de subsistance », note-t-elle.

Deux ans plus tard, en 1935, le NEJM mentionne pour la première fois le nom d’Hitler, dans un article signé par Michael H. Davis, figure marquante de la politique de santé américaine, et sa collaboratrice, Gertrud Kroeger, infirmière allemande. Les recherches sur elle ont révélé plus tard qu’elle était une sympathisante des nazis. L’article se concentre sur la réorganisation de l’assurance maladie allemande. « C’est très inquiétant car cela manque cruellement de critiques. Les deux auteurs vantent cette réorganisation tout en omettant une multitude de lois persécutrices et profondément antisémites mises en place depuis 1933.souligne le chercheur. Ils évoquent même les camps de concentration, mais avec désinvolture, voire avec sympathie. » Michael H. Davis et Gertrud Kroeger estiment que cette réorganisation est une révolution politique dont les États-Unis devraient s’inspirer.

Un travail de mémoire

Outre ces deux publications, le NEJM observera un silence total jusqu’en 1944 et la libération des premiers camps de concentration. Dans un éditorial intitulé « Epidemic Starvation » (« épidémies de famine »), l’hebdomadaire américain reconnaîtra alors les crimes de guerre et les conditions dramatiques dans les camps d’Europe de l’Est. Mais il faudra encore cinq ans pour que le journal condamne ouvertement les atrocités médicales des nazis dans un article rédigé par Leo Alexander, un neuropsychiatre américain, qui avait rassemblé des preuves pour le procès des médecins nazis à Nuremberg.

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