Ascension de l’Everest, 24 heures dans le désert… La « surenchère constante » des YouTubeurs pour séduire le public

Ascension de l’Everest, 24 heures dans le désert… La « surenchère constante » des YouTubeurs pour séduire le public
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Pour satisfaire l’algorithme et l’audience, les YouTubeurs se lancent dans une course aux contenus toujours plus impressionnants. Au risque de sacrifier leur santé.

«Je veux réaliser un défi qui peut paraître inconscient, mais dont je rêve depuis longtemps», a lancé Inoxtag, dans une vidéo publiée fin février et qui cumule désormais près de 6 millions de vues. Après plus d’un an de préparation, le créateur de contenus de 22 ans s’apprête à gravir le plus haut sommet du monde : l’Everest.

Un challenge fou, suite logique de ses nombreuses vidéos de challenge à la recherche du concept le plus impressionnant. Au programme de la chaîne touche-à-tout ? Un « cache-cache dans l’une des plus grandes villas d’Afrique du Sud », avec 6 millions de vues, ou encore « 7 jours en van pour faire le Tour de France », vu 5 millions de fois. Sa publication « 7 jours pour survivre seul sur une île déserte » compte plus de 20 millions de vues.

Si ses vidéos sensationnelles ont inondé la plateforme ces derniers mois, il n’est pas le seul à se lancer dans de grosses productions. Parmi les nombreux « Qui est l’imposteur ? » de Squeezie, les séries « 24 heures dans le désert » ou encore la série « 100 diaper challenge » d’Amixem, toutes s’appuient sur des concepts innovants et parfois spectaculaires.

« Il y a une surenchère constante »

Car sur YouTube, le temps des vidéos maison dans une chambre est révolu. Entrez dans l’ère des vidéos à gros budget. « Il y a une surenchère constante », constate Caroline Mignaux, créatrice du podcast Marketing Square.

« Depuis plusieurs années, il ne suffit plus d’allumer sa webcam. Pour fidéliser son audience dans un environnement de plus en plus compétitif, il faut se lancer dans une course à l’extraordinaire.

Une tendance qui s’explique par une concurrence accrue entre vidéastes. Il faut dire qu’en une décennie, le nombre de créateurs de contenus a explosé. En 2023, ils seraient près de 150 000 en France selon la dernière étude Reech. Chacun rivalise donc d’imagination, ou de prise de risque, pour tenter de se différencier au milieu de la myriade de vidéos mises en ligne chaque jour sur la plateforme.

D’autant que, pour vivre de YouTube, mieux vaut suivre les tendances. En effet, la rémunération sur YouTube a beaucoup évolué ces dernières années. « Sur YouTube, gagner de l’argent uniquement grâce à la publicité ne suffit pas. Les créateurs ont donc besoin de sponsors», souligne Jonathan Condessa, planificateur stratégique à l’agence OTTA. “Le problème, c’est qu’ils recherchent de nouveaux contenus pour se démarquer et donc augmentent les budgets pour produire des concepts fous.” Le résultat, c’est plusieurs millions de vues et l’espoir de fidéliser les spectateurs.

L’algorithme et le public fixent les règles

Car sur les plateformes, l’algorithme et l’audience fixent les règles du jeu. Dans le top 10 des vidéos YouTube les plus visionnées en 2023, seules les grosses productions accaparent le haut du classement. Le concept de Squeezie « Qui est l’imposteur ? » arrive à la première place du podium. En seconde position, la vidéo Inoxtag « 48 heures pour survivre à une invasion zombie ». Le vidéaste gaming a ainsi reproduit un décor post-apocalyptique, digne d’un film de science-fiction.

« Il y a une vraie bataille entre les créateurs de contenus pour essayer de se démarquer et de capter le peu de temps disponible dont disposent les téléspectateurs », analyse Jonathan Condessa. Le problème est que chaque nouveau succès fait monter les attentes des internautes.

« À voir autant de concepts et de gros budgets, le public en redemande », remarque Caroline Mignaux. « Il faut toujours en faire plus et on tombe vite dans un cercle vicieux. »

Un constat confirmé par les chiffres sur Youtube. Le contenu filmé par Squeezie, où il raconte des anecdotes, obtient en moyenne deux fois moins de vues que ses vidéos conceptuelles. Résultat, certains vidéastes abandonnent leur cœur de métier pour se consacrer à de grands défis. C’est le cas d’Aminmatue. Le streamer a annoncé qu’il mettait de côté les vidéos de discussion ou de jeu pour se consacrer exclusivement aux contenus conceptuels, qui lui prennent « tout son temps ».

Au risque parfois de se mettre en danger pour tenter d’impressionner une communauté chaque jour un peu plus exigeante. « L’engouement excessif pour ces contenus pousse les vidéastes à prendre de plus en plus de risques. La question est de savoir jusqu’où ils peuvent aller ? demande Jonathan Condessa.

Burnout en série

Certains créateurs de contenu commencent à tirer la sonnette d’alarme. En décembre dernier, le duo de YouTubeurs Vilebrequin annonçait la fin de sa chaîne YouTube dédiée à l’automobile. « Vilebrequin doit arrêter, pour le bien de notre peuple déjà, de ceux qui nous entourent et de tout le reste. Techniquement, le terme de burn-out pourrait nous coller un peu”, explique Pierre Chabrier dans une vidéo.

Le duo est loin d’être un cas isolé. L’année dernière, les vidéastes Mcfly et Carlito ainsi que le vidéaste Mastu ont tous annoncé qu’ils étaient épuisés. Le premier YouTubeur français, Squeezie, a également annoncé qu’il prenait une pause de quelques mois. De son côté, l’influenceuse Léna Mahfouf, alias LenaSituations, l’a révélée en juillet 2023 avoir été hospitalisé à la suite d’un ulcère, provoqué par le « stress » et la « pression » liés à son activité. Même son de cloche outre-Atlantique où l’Américain Mat Pat a mis fin à sa carrière de vidéaste le 9 mars dernier.

Et malgré les nombreux cris de détresse des créateurs, rien n’y fait. Le public en demande plus. « Il n’y a pas d’électrochoc. Les communautés ne sont pas suffisamment sensibilisées aux enjeux de santé mentale », constate Caroline Migneaux. D’autant que la tendance est loin de s’inverser, bien au contraire.

« Les créateurs français s’inspirent de leurs homologues américains. Mais ils sont encore loin d’avoir atteint leur niveau d’excès.» Par exemple, le YouTuber américain MrBeast a passé sept jours enterré vivant. Quelques mois plus tôt, le vidéaste avait arrêté de manger pendant un mois.

Pour tenter de résoudre le problème, Youtube a lancé l’année dernière un Centre de Prévention dédié aux créateurs. Avec un seul objectif : aider les vidéastes à protéger leur santé mentale.

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