Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, Pietro, déserteur sicilien, trouve refuge chez une famille nombreuse de Vermiglio, une ville du Trentin nichée au cœur des Alpes. Cesare, patriarche et enseignant du village, accepte d’abord d’héberger l’étranger qui a sauvé la vie de son neveu. Cependant, l’arrivée de Pietro perturbe la dynamique familiale lorsqu’il tombe amoureux de Lucia, la fille aînée.
Vermiglio ou la fiancée de la montagnele deuxième long métrage de la cinéaste italienne Maura Delpero et lauréat du Grand Prix du Jury à la dernière Mostra de Venise, est une œuvre contemplative et douce, exposant avec subtilité les tabous de la vie paysanne de l’époque. Tous les éléments du film — depuis sa conception sonore, où les bruits ambiants prédominent sur les dialogues et la musique, jusqu’à la composition soignée de ses plans statiques — célèbrent le rythme paisible et la beauté bucolique des lieux.
L’action se déroule pratiquement en deux parties. Il y a d’abord l’arrivée de Pietro dans la communauté, en plein hiver. Le déserteur s’intègre peu à peu dans la vie quotidienne des habitants : il assiste à la messe, participe à une fête et prend même des cours d’italien. Dans ce hameau qui semble coupé du reste du monde, Cesare enseigne aussi bien aux enfants qu’aux adultes. C’est aussi dans sa classe que Pietro trouve le courage de demander la main de sa fille, folle amoureuse de lui depuis le début.
Le mariage, qui a lieu dès l’arrivée du printemps, marque un tournant. A partir de cet événement joyeux, qui confirme en quelque sorte l’intégration du Sicilien au village, les tensions familiales s’exacerbent. Par exemple, Cesare, qui éduque ses enfants d’une main de fer, divise sa fratrie, ayant les ressources nécessaires pour envoyer une seule de ses filles à l’université. Et, vers la fin de l’année scolaire, alors que la guerre prend fin en Italie, Pietro retourne en Sicile, plongeant sa femme enceinte dans une attente interminable.
Distanciation
Les intrigues entrelacées du film mettent beaucoup de temps à s’installer. Le rythme est non seulement lent, mais aussi monotone, ce qui peut rendre les premières scènes plus exigeantes. D’autant que les comédiens créent une certaine distanciation, s’éloignant d’une performance réaliste pour incarner une solennité presque théâtrale. C’est pourtant ce style particulier qui donne sa cohésion au casting, mêlant impeccablement comédiens et interprètes non professionnels.
Ainsi ressortent des performances captivantes des comédiens, parmi les scènes sobres mais magnifiques de la mise en scène, la magie insaisissable de Vermillon. L’intérêt de la démarche de Delpero, qui aborde des thèmes déjà explorés dans le cinéma italien, notamment dans L’arbre à sabots d’Ermanno Olmi (Palme d’Or en 1978), ne réside pas tant dans son traitement généralement conventionnel des événements historiques que dans son regard profondément romantique sur la société de ses ancêtres.
Face à la dureté de leur mode de vie et aux contrecoups de la guerre, les personnages transforment leur amour, leur foi ou leur intérêt pour les arts en micro-actes de résistance. Le charismatique Tommaso Ragno, dans le rôle de Cesare, incarne toute cette passion fiévreuse lorsqu’il joue un vinyle du Quatre saisons de Vivaldi, qu’il a rapporté de Milan pour l’occasion. De même, le regard langoureux de Martina Scrinzi, sous les traits de Lucia, témoigne d’abord de sa flamme naissante pour Pietro, puis traduit sa douleur déchirante en attendant son mari.
Désormais sur la « short list » pour la course à l’Oscar du meilleur film international, Vermillon a de quoi représenter fièrement l’Italie. Sa sobriété autoritaire contraste on ne peut plus avec l’éclat de sorties récentes comme Le fond ou Émilie Pérezc’est peut-être même exactement ce dont nous avons besoin pour bien commencer l’année.