PARIS — Comment adapter la prise en charge de la lithiase urinaire chez le sujet âgé ? Lors d’une table ronde organisée lors du 118ème congrès de l’Association Française d’Urologie (CFU2024), un gériatre, un urologue et un néphrologue ont partagé leur point de vue. sur la question sachant que, face à un patient considéré comme fragile, un accompagnement adapté doit être mis en place avant le traitement chirurgical dans le but d’améliorer le pronostic [1].
Pour aider ces patients à faire face aux traitements invasifs et éviter un glissement vers la dépendance, il est notamment recommandé d’appliquer en amont « un accompagnement nutritionnel et fonctionnel, ainsi qu’une prise en charge des comorbidités », a souligné le Dr. Cyrielle Rambaudgériatre à l’Institut Arnault Tzanck, à Saint-Laurent du Var (83), lors de sa présentation.
Acidification de l’urine
La maladie des calculs se caractérise par la formation de calculs dans les voies urinaires, qui se manifestent généralement par des coliques néphrétiques. Cette pathologie, qui touche 10 % de la population en France, est essentiellement liée à une alimentation trop riche et à un apport hydrique insuffisant. La lithiase urinaire est plus fréquente chez les patients âgés.
Pour illustrer leurs exposés, les trois intervenants se sont appuyés sur le cas d’un patient de 82 ans vu en urologie après la découverte fortuite d’un calcul complexe lors d’un bilan réalisé en raison de douleurs abdominales diffuses. Le patient présente plusieurs comorbidités, notamment une arythmie cardiaque, un diabète contrôlé et une hypertension contrôlée.
Le scanner révèle un gros calcul mesurant 4,1 cm de longueur dans le rein gauche. Sa densité fait penser à un calcul d’acide urique. La reconstruction 3D permet de déterminer un volume de 7 cm3soit une durée opératoire de fragmentation par néphrolithotomie percutanée estimée à 139 minutes ou 280 minutes par utéroscopie.
“À partir de 60 ans, on observe une augmentation de la proportion de calculs d’acide urique, spécifique à l’âge, mais aussi à l’augmentation des comorbidités”, rappelle l’étude. Dr. Camille Saint-Jacquesnéphrologue à la Fondation Charles Mion, Montpellier (34). Le risque de lithiase urique est particulièrement accru en cas de surpoids et de diabète de type 2, qui provoquent une acidification des urines.
Avant d’envisager une intervention, il est recommandé de réduire la taille du calcul en tentant de le dissoudre afin de le faire expulser naturellement. La prise en charge médicale passe alors par l’intervention du néphrologue. « Un bilan métabolique est d’abord réalisé pour rechercher des facteurs de risque de lithiase, précise le Dr Saint-Jacques.
Alcalinisation et augmentation de la diurèse
En cas de lithiase urique, le pH urinaire est généralement inférieur à 5,5. A noter : si la présence d’acide urique est élevée dans le sang (hyperuricémie), elle reste à l’inverse faible dans les urines. “La pierre angulaire du traitement est donc d’agir en premier lieu sur le pH des urines et non sur la quantité d’acide urique.”
Ainsi, chez ce patient, l’alcalinisation des urines est d’abord envisagée par la consommation d’eau potable enrichie en bicarbonate (Vichy Saint-Yorre, Célestins…) ou à défaut par l’ingestion de gélules de bicarbonate. sodium (préparation du matériau ou Bicafres® hors AMM). Le citrate de potassium peut également aider à alcaliniser l’urine.
Contrairement au chlorure de sodium, “le bicarbonate de sodium n’a aucun effet sur l’équilibre tensionnel”, précise le néphrologue, souvent interrogé sur ce risque potentiel. Il n’y a pas non plus de risque accru de lithiase calcique. “Apporter un peu plus de sodium peut augmenter la calciurie, mais chez les personnes âgées, la calciurie a tendance à diminuer.”
L’objectif de l’alcalinisation est d’obtenir un pH urinaire de 6,5. “Au-delà de 7, le risque est d’avoir la formation d’autres types de cristaux autour de la pierre, qui deviennent alors impossibles à dissoudre.”
En complément de l’alcalinisation, une dilution de l’acide urique doit être recherchée en visant une diurèse > 2 litres/jour. Si l’uricurie s’avère élevée, « il faut rechercher des erreurs alimentaires », par exemple avec une consommation trop importante de fructose. Un traitement par un inhibiteur de la xanthine oxydase peut également être envisagé.
Stratifier les risques associés à l’intervention
En cas d’échec, l’abstention thérapeutique pourra être appliquée chez les personnes âgées, compte tenu néanmoins du risque d’insuffisance rénale et d’infection urinaire, précise le Dr François-René Roustanurologue au centre d’urologie Urovar, à Toulon (83), qui a présenté le cas clinique.
-Selon une étude réalisée chez des patients âgés de 75 ans et plus, le traitement conservateur des lithiases est associé à un taux d’altération de la fonction rénale à deux ans de 15 %.[2]. De plus, l’urosepsie était impliquée dans 7 % des décès.
Chez le sujet âgé, le traitement des lithiases par néphrolithotomie percutanée donne des résultats assez similaires par rapport aux patients plus jeunes. L’intervention est donc envisagée chez cette patiente de 82 ans, mais l’avis du gériatre est requis pour évaluer son état avant l’opération, souligne l’urologue.
Des études montrent que les complications liées à l’intervention percutanée ont tendance à augmenter avec l’âge et les comorbidités, mais cette option n’implique pas de répétition de l’intervention, contrairement à la fragmentation par urétéroscopie, ajoute le Dr Rambaud.
Selon le gériatre, la prise en charge se définit par le niveau de fragilité du patient âgé. « L’évaluation gériatrique est une aide à la décision grâce à une stratification des risques basée sur le traitement. Il vise avant tout à améliorer le pronostic grâce à un accompagnement personnalisé pour avoir moins de complications.
Trois catégories de patients
L’évaluation est calquée sur celle utilisée en oncogériatrie. Les patients sont classés en trois catégories – dépendants, fragiles ou robustes – en fonction de leur état de santé et des comorbidités associées. « Les patients fragiles représentent environ 40 % des plus de 65 ans. »
Le patient dit robuste ne présente aucune comorbidité. « Il peut être traité comme un patient plus jeune. » Si la taille des calculs est supérieure à 2 cm, une intervention percutanée est recommandée.
Chez les patients présentant un ou plusieurs critères de fragilité (une ou plusieurs comorbidités, difficultés à la marche, perte de poids involontaire, diminution de l’activité physique, faiblesse musculaire, etc.), une intervention adaptée doit être proposée avant l’intervention pour soutenir l’opération, notamment nutritionnelle et fonctionnelle. soutien.
Concernant le patient dépendant, le traitement symptomatique est privilégié en raison notamment des risques de confusion postopératoire, de décompensation des comorbidités et de perte d’autonomie liés à l’intervention chirurgicale.
Chez ces patients, « les comorbidités posent souvent plus de problèmes que la maladie des calculs » et les traiter n’est pas forcément bénéfique, estime le Dr Rambaud. Ils peuvent se retrouver alités plus longtemps que prévu, souffrir de malnutrition, s’affaiblir et finalement tomber dans la dépendance, explique le gériatre.
Dans le cas du patient de 82 ans, le bilan a révélé un état de légère fragilité, incluant des difficultés à marcher liées au surpoids. « Nous pouvons mettre en place de la physiothérapie, adapter la nutrition et assurer une meilleure prise en charge des comorbidités. »
Elle a finalement subi une intervention chirurgicale percutanée. « L’intervention s’est bien déroulée, sans complications », a déclaré le Dr Roustan. L’hospitalisation a duré trois jours. Une utéroscopie supplémentaire a dû être réalisée en ambulatoire pour retirer un deuxième calcul. Encore une fois, sans complications majeures.
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