Alors que le mois de janvier rime souvent avec résolutions et remises en question, le magazine santé 36,9° s’est penché sur un sujet majeur de santé publique : 85% des Suisses consomment régulièrement des boissons alcoolisées, un chiffre qui suscite des interrogations. sur les effets de cette substance, même consommée avec modération.
Longtemps considéré comme potentiellement bénéfique pour la santé à petite dose, l’alcool est aujourd’hui reconnu comme toxique dès la première gorgée. «Au XXIe siècle, on sait que tout cela n’est qu’un mythe», déclare le Dr Thierry Favrod-Coune, de l’Unité Dépendances des HUG. Elle balaie les vieilles croyances qui attribuaient la protection contre les maladies cardiovasculaires à une consommation modérée de vin rouge.
“Nous aimerions pouvoir dire qu’une boisson, une drogue légale en gros, dont beaucoup de gens profitent, est aussi bonne pour la santé, mais ce n’est pas le cas”, ajoute-t-il.
Une expérience grandeur nature
Pour décrypter les effets de l’alcool, 36.9° a mis en place une expérience concrète : six volontaires suisses romands ont été invités à un apéritif. Soumis à différents tests avant et après consommation, ils ont permis d’observer en temps réel l’impact de l’alcool sur leurs capacités cognitives et motrices. Le protocole prévoyait une consommation contrôlée : pas plus de quatre verres pour les femmes, maximum cinq verres pour les hommes, avec possibilité d’arrêt à tout moment.
Les femmes et les personnes âgées seront plus vulnérables
Du verre aux lèvres en passant par l’élimination, le parcours de l’alcool à travers le corps est complexe. Absorbé par les muqueuses buccales et œsophagiennes, il diffuse rapidement dans le sang et atteint tous les organes, notamment le cerveau, les poumons et le foie. Mais la majeure partie, soit 90 % de l’alcool absorbé, est transportée vers le foie, où il est transformé et dégradé par deux enzymes.
Le taux d’alcoolémie maximal, c’est-à-dire la concentration maximale d’alcool dans le sang, est atteint en moins d’une heure, influencé par des facteurs tels que la fatigue, la vitesse d’ingestion ou le contenu de la boisson. ‘estomac.
Des effets variables et insidieux
L’expérience a révélé des différences significatives dans la façon dont l’alcool est métabolisé. « Cela varie selon les individus, en particulier pour les personnes originaires d’Asie qui peuvent être moins capables de décomposer l’alcool. Il peut également y avoir des différences entre les individus simplement en raison de leur famille, mais aussi en raison de leur sexe. “Les femmes et les personnes âgées seront plus vulnérables”, précise le Dr Thierry Favrod-Coune.
L’alcool a de nombreux effets simultanés. C’est un agent calmant, il agit comme un dépresseur du système nerveux central, ce qui apporte une sensation de détente, une réduction du stress et de l’anxiété. Elle a également un effet perturbateur en affectant le cervelet, responsable de la coordination motrice, et l’hippocampe, siège de la mémoire. Même à faible dose, il peut avoir un impact sur la mémoire, la coordination et les réflexes.
-C’est aussi un stimulant, il augmente la libération de dopamine, un neurotransmetteur lié au plaisir. Ce qui crée une sensation de bien-être et de bonheur. Une sensation agréable qui pousse à recommencer. Une consommation régulière peut donc conduire à une dépendance. Une dose toujours plus élevée est nécessaire pour obtenir le même effet agréable.
Le plus dur a été aussi d’affronter les autres qui te disent : « mais pourquoi tu arrête de boire, tu n’es pas alcoolique, tu n’as pas de problème »
Le risque est la dépendance. “Toutes ces substances addictives : les opiacés, l’héroïne ou la nicotine, mais aussi l’alcool, augmentent cette dopamine, ça renforce les comportements et ça laisse une trace dans la mémoire qui peut alors déclencher le “craving”, cette envie irrésistible de se remettre à boire”, explique le professeur. Christian Lüscher, du Département de neurosciences fondamentales de l’UNIGE.
Le témoignage d’Elio : un mois sans alcool
Elio, le plus jeune volontaire, a poursuivi l’expérience en s’engageant à ne pas boire d’alcool pendant un mois. Son témoignage met en avant les bienfaits d’une telle pause : un regain d’énergie, un meilleur sommeil et une prise de conscience de la quantité d’alcool consommatrice d’énergie. Elle met également en lumière la pression sociale liée à l’alcool, illustrant la difficulté de s’affranchir des normes de consommation. “Le plus dur, c’était aussi de devoir faire face à d’autres qui te disaient : ‘ah mais pourquoi tu arrête de boire, tu n’es pas alcoolique, tu n’as pas de problème’.”
L’expérience réalisée avec les volontaires et le témoignage d’Elio démontrent l’impact réel de l’alcool, même à des doses jugées modérées. “L’alcool, comme les autres substances psychotropes, a bien souvent un double visage : le plaisir, l’euphorie ressentie sur le moment, sera potentiellement assez vite remplacée par une forme de fatigue voire de déprime ou de tristesse”, conclut le Dr Thierry Favrod-Coune, invitant chacun à s’interroger sur sa propre consommation et à prendre conscience des bienfaits d’une pause de la consommation d’alcool, même temporaire, pour la santé physique et mentale.
Reportage TV : Laurence Froidevaux, Vanessa Goetelen
Web adaptation: Gaëlle Bisson