Planète économique | La nouvelle arme de protection de masse

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Planète économique | La nouvelle arme de protection de masse

Si une entreprise étrangère achetait les dépanneurs Couche-Tard, la sécurité nationale serait-elle en danger ? Probablement pas, mais tout le monde ne ressent pas la même chose.

Le Japon invoque la sécurité nationale du pays pour s’opposer à l’achat des dépanneurs 7-Eleven par l’entreprise québécoise Couche-Tard. Opposé à la transaction depuis son annonce en août, le gouvernement japonais avait alors qualifié la chaîne de magasins de proximité d’essentielle pour le pays. Il a récidivé la semaine dernière.

« Si, par exemple, 7-Eleven devient une entreprise entièrement étrangère avec la recherche de la rentabilité comme première priorité, offrira-t-elle réellement une pleine coopération en cas de catastrophe ? », a soutenu Ryosi Akazawa, ministre de la Revitalisation économique du Japon, selon ses propos du 9 janvier rapportés dans les médias.

L’argument est discutable. Cela implique que les propriétaires actuels de 7-Eleven ne donnent pas la priorité à la recherche de rentabilité, ce qui serait surprenant. Il laisse également entendre qu’un propriétaire étranger comme Couche-Tard ne collaborerait pas avec le gouvernement japonais lors d’un sinistre, ce qui est pour le moins hypothétique.

Des mesures de protection de la sécurité nationale existent pour des situations rares et exceptionnelles, comme en temps de guerre. Il semble que l’argument de la sécurité nationale soit devenu une arme utilisée pour justifier un protectionnisme croissant, souvent peu judicieux et même préjudiciable pour le pays qui l’utilise.

La vive réaction du Japon à la tentative d’acquisition de 7-Eleven par Couche-Tard semble répondre au refus clair du gouvernement américain d’autoriser le rachat de US Steel par Nippon Steel. Cette transaction souhaitée par les deux entreprises aurait pu renforcer l’industrie sidérurgique nord-américaine face à la concurrence chinoise. Il a été bloqué par l’administration Biden.

Un danger, mais quel danger ?

Le président américain a jugé que la transaction mettrait en danger la sécurité nationale américaine, même si l’acheteur est l’un de ses alliés les plus précieux en Asie, qui partage pleinement les inquiétudes de l’Occident concernant l’hégémonie industrielle de la Chine.

Comment cette transaction entre pays amis pourrait-elle menacer la sécurité nationale des États-Unis ? Le Comité chargé d’examiner les investissements étrangers aux États-Unis n’a pas trouvé de raisons évidentes et a donc laissé au président le soin de décider.

Qu’est-ce qui a motivé la décision du président Biden ? On ne le sait pas vraiment, ou plutôt on s’en doute un peu. Les deux sociétés, US Steel et Nippon Steel, ont intenté des poursuites contre le gouvernement américain, les accusant de bloquer leur fusion pour des raisons purement politiques.

Le fait que cette transaction ait été annoncée en pleine campagne électorale présidentielle a sans doute pesé dans la balance, d’autant que le siège social d’US Steel est situé dans l’État clé de Pennsylvanie. L’adversaire du président Biden, Donald Trump, a également clairement indiqué qu’il s’opposerait à la transaction.

Maintenant qu’il est élu, le président Trump utilise déjà l’argument de la sécurité nationale pour justifier les tarifs douaniers qu’il rêve d’imposer au reste du monde. Il a évoqué la possibilité de déclarer l’état d’urgence nationale qui lui permettrait d’imposer tous les droits de douane qu’il souhaite sans avoir à se justifier, au mépris de toutes les règles du commerce international.

Ce ne serait pas une première. Donald Trump n’a pas hésité à le faire lors de son premier mandat. C’est au nom de la sécurité nationale qu’il a imposé des tarifs de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium produits au Canada.

Le Canada, allié fidèle et sous-traitant fiable des États-Unis, constituait-il une menace pour la sécurité américaine ? Évidemment, non. L’objectif était et sera le même cette fois : faire pression sur un pays pour qu’il fasse des concessions politiques, même si cela se fait au détriment des intérêts des entreprises et des consommateurs américains.

Dans le cas de US Steel, ses dirigeants sont convaincus que l’entreprise ne survivra pas si la fusion avec Nippon Steel échoue. Il faudra voir.

Entre-temps, nous pouvons craindre que l’argument de la sécurité nationale soit désormais utilisé à mauvais escient par les dirigeants élus d’une démocratie pour leur permettre de prendre des décisions sans avoir à rendre de comptes à qui que ce soit. Comme dans les régimes autocratiques.

 
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