Un projet de loi modernise certains règlements de l’industrie vinicole québécoise, tout en lui imposant des contraintes.
Publié hier à 9h00
Les vignerons québécois auront bientôt une bonne raison de trinquer : Québec leur permettra enfin de confier la livraison de leurs bouteilles à un collègue, alors qu’ils doivent actuellement le faire eux-mêmes. Peu importe la quantité d’alcool, peu importe où va leur vin.
«Nous avons vraiment beaucoup travaillé au cours de la dernière année pour faire avancer ce dossier», affirme Matthieu Beauchemin, copropriétaire du Domaine du Nival et nouveau président du Conseil des vins du Québec qui représente l’industrie vinicole.
Actuellement, les vignerons doivent effectuer eux-mêmes toutes les livraisons de vin – ou demander à un salarié de le faire, pour les grands domaines… où il y a des salariés. Ce qui signifie concrètement que si une entreprise montréalaise est en rupture de stock, le vigneron de l’Estrie doit se déplacer pour la réapprovisionner. Si la pénurie survient au milieu des vendanges, à l’automne, il y a fort à parier que le magasin montréalais manquera de vin pendant un certain temps.
L’amendement contenu dans le projet de loi 85, déposé avant les fêtes, n’est pas à la hauteur des revendications initiales des producteurs, mais il ouvre une brèche bienvenue puisque les viticulteurs réclament depuis des années la levée de cette prétendue réglementation. archaïque.
Au départ, les producteurs espéraient pouvoir sous-traiter les livraisons à un tiers, comme une entreprise de livraison ; ils devront se contenter d’une livraison via un autre exploitant de production artisanale.
Le gain, qui peut paraître minime, satisfait tout de même Matthieu Beauchemin.
Celui-ci permet la livraison par quelqu’un qui est également titulaire d’un permis artisanal, qu’il s’agisse d’un autre vigneron, d’un cidriculteur, d’un producteur d’hydromel, d’acer, etc.
Matthieu Beauchemin, président du Conseil des vins du Québec
Le copropriétaire du Domaine du Nival reconnaît que cette solution nécessitera un peu de planification, mais il estime qu’elle permettra de percer de nouveaux marchés.
«Si on avait cinq ou dix vignerons pour desservir la Gaspésie, ça pourrait avoir du sens», explique-t-il, précisant que les régions éloignées des lieux de production sont aujourd’hui souvent orphelines de plusieurs vins. Selon lui, certains vignerons seront tentés de développer des routes régionales et d’acheminer les bouteilles de leurs collègues.
Une solution imparfaite
Cette façon de faire place cependant ces dirigeants de PME dans une situation étrange, puisqu’elle impose une collaboration entre des entreprises pourtant concurrentes. En confiant la livraison à un autre vignoble, le producteur révèle forcément des informations sensibles sur son activité.
Christopher Skeete, ministre de l’Économie et responsable du dossier, admet que ce n’est pas une solution parfaite.
Dans une interview, il parle de compromis, la filière vitivinicole étant un secteur d’activité extrêmement complexe à gérer.
Il y a beaucoup d’irritants dans la loi sur l’alcool, nous essayons de les résoudre. Nous essayons de naviguer dans ce champ de mines de la loi sur l’alcool.
Christopher Skeete, ministre de l’Économie
Dans ce cas, le fait que les vignerons québécois détiennent un permis de production artisanale leur confère des avantages, « comme des protections en cas d’ententes commerciales », précise Christoper Skeete qui estime que cela limite donc aussi les avantages que l’on peut attribuer à un « artisan ». », même s’il s’agit d’une vraie PME.
Le ministre rappelle que ce type de permis est lié à une vocation agricole, dans un premier temps.
«Nous sommes dans un compromis qui nous permet de maintenir l’intégrité du permis artisanal», affirme le ministre, qui concède que la viticulture québécoise relève aujourd’hui davantage du monde du commerce que de celui de l’artisanat.
La modification du règlement risque également de désavantager les vignobles situés dans des régions où il y a peu de vignes.
« On parle ici d’avancement, souligne Christopher Skeete. Je ne prétends pas régler tous les problèmes, mais nous essayons, petit à petit, de faire des réductions qui donneront de l’oxygène à cette industrie importante pour le Québec. »
C’est tellement compliqué, cette industrie, qu’il s’agisse des brasseurs, des vins, des distilleries, c’est tellement complexe que ça rend le travail très difficile. Chaque pas que nous faisons est difficile.
Christopher Skeete, ministre de l’Économie
Le projet de loi enlève une pierre aux bottes des vignerons : les entrepreneurs titulaires du permis artisanal peuvent désormais se prêter du matériel.
« Avec cette facture, nous pourrons acheminer le vin chez un confrère vigneron et réaliser les opérations de filtration, de mise en bouteille, de conditionnement – tout ce qui vient après la fermentation et l’élevage, mais aussi les opérations de pré-fermentation, comme le pressurage », précise Matthieu Beauchemin. , qui estime que cette modification est particulièrement bienvenue pour la prochaine génération qui pourra utiliser le matériel d’un collègue.
«C’est un investissement énorme que de démarrer un vignoble», dit-il. Souvent, lorsqu’on débute, on est obligé d’utiliser du matériel moins performant, moins qualitatif car le matériel de pointe coûte très cher. »
Apprendre encore plus
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- 43 %
- Plus de quatre vignerons québécois sur dix prévoient augmenter leur production en plantant davantage de vignes au cours des trois prochaines années.
source : Conseil des vins du Québec
- 28 %
- Les producteurs québécois vendent 28 % de leurs vins en épiceries et magasins spécialisés.
source : Conseil des vins du Québec
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- 164
- Il existe actuellement 164 entreprises détentrices de permis de production de vin artisanal au Québec.
source: Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec