L’entrepreneur sud-coréen est accusé d’avoir déstabilisé le marché international des cryptomonnaies. Les autorités du Monténégro l’ont remis mardi au FBI.
Le tarmac de l’aéroport de Podgorica, capitale du Monténégro, laissera sûrement de mauvais souvenirs à Do Kwon. Escorté par des policiers monténégrins, l’entrepreneur sud-coréen en cryptomonnaies est monté ce mardi 31 décembre à bord d’un avion à destination des Etats-Unis pour y être « remis aux autorités chargées de l’application des lois des États-Unis d’Amérique et aux agents du Federal Bureau of Investigation (FBI) »a déclaré le ministère de l’Intérieur du pays dans un communiqué. C’est sur ce même tarmac que s’est terminé son cavale de plusieurs mois en mars 2023 alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Dubaï, en possession d’un faux passeport costaricain et de documents belges.
Du magnat au fugitif
Cependant, jusqu’en 2022, Do Kwon était un entrepreneur à succès. Après un bref passage chez Apple et Microsoft, cet ingénieur diplômé de Stanford est revenu en Corée du Sud pour fonder sa start-up baptisée Anyfi. Cette plateforme de communication utilisant la blockchain connaît un développement rapide, aidée par plusieurs centaines de milliers de dollars d’aide alloués par le gouvernement sud-coréen. Une enquête publiée en 2022 par le média SBS News révélait que la start-up aurait bénéficié d’un conflit d’intérêts, le parent d’un co-fondateur étant à la tête de l’incubateur gouvernemental ayant alloué près de 600 000 dollars (environ 578 000 euros) aux petites entreprises.
Quelques années plus tard, porté par le succès de cette première entreprise, Do Kwon fonde la plateforme de cryptomonnaie Terraform et l’actif virtuel associé Terra/Luna. L’objectif derrière cette tentative : construire un système qui pourrait rivaliser avec Ethereum, une autre cryptomonnaie très populaire, en termes d’échelle. Mais l’affaire touche à sa fin. Au printemps 2022, la cryptomonnaie s’est effondrée, effaçant plus de 80 milliards de dollars (environ 77 milliards d’euros) de valeur tandis que les jetons virtuels étaient liquidés par des négociants en bourse paniqués. Le tremblement de terre est tel qu’il déclenche un krach plus large détruisant les deux tiers de la valeur de l’ensemble du secteur des cryptomonnaies.
Un candidat monténégrin compromis
Recherché par Séoul et Washington en raison de son rôle présumé dans une fraude liée à la faillite de son entreprise, l’homme de 33 ans est passé entre les mailles du filet pendant plusieurs mois jusqu’à se faire prendre dans les Balkans. Intervenant trois mois avant les élections législatives au Monténégro, son arrestation a été utilisée dans la campagne par le Premier ministre sortant, Dritan Abazovic, accusant un opposant, Milojko Spajic, d’avoir entretenu des liens avec Do Kwon. Les médias locaux ont révélé en juin 2024 que Milojko Spajic avait investi dans la société de l’entrepreneur sud-coréen Terraform Labs en 2018, suscitant une nouvelle polémique.
La semaine dernière, le ministre de la Justice Bojan Bozovic a finalement rendu une décision approuvant son transfert outre-Atlantique après un an et demi de décisions judiciaires et de revirements. Les avocats monténégrins de Do Kwon ont dénoncé cette décision comme contraire aux conventions européennes sur l’extradition, affirmant qu’ils feraient appel auprès de la Cour constitutionnelle du pays et de la Cour européenne des droits de l’homme. Entre-temps, Do Kwon a été arrêté par le FBI.