Une nouvelle convention datant de 2018, amendée en 2019 par un amendement destiné à être bénéfique aux frontaliers… puis des années de prolongations face à l’incompréhension et à l’inquiétude des frontaliers, soucieux de ne pas voir leurs impôts augmenter. En 2025, fini les tergiversations : les revenus de 2024 seront imposés selon de nouveaux modes de calcul destinés à éliminer la fameuse double imposition. Du moins en principe…
Qu’est-ce qui va changer ?
Traditionnellement, le fisc français considère l’ensemble des revenus d’un ménage pour déterminer le taux d’imposition des seuls revenus français. Cela ne changera pas.
Auparavant, les cotisations sociales et l’impôt luxembourgeois étaient déduits des revenus mixtes pour calculer le taux d’imposition applicable aux seuls revenus français. C’est ce que nous appelons la méthode d’exonération ou exonération avec taux effectif.
Désormais, seules les cotisations sociales seront déduites des revenus mixtes pour le calcul du taux d’imposition. Mais parallèlement, les contribuables concernés bénéficieront d’un crédit d’impôt qui correspond à l’impôt français qui aurait été dû si les revenus effectivement soumis à l’impôt luxembourgeois étaient de source française. C’est ce que nous appelons la méthode d’imputationau travers d’un crédit d’impôt égal à l’impôt français.
Pourquoi ce changement ?
Dans son communiqué relatif à la dernière extension de la nouvelle convention fiscale communiquée en avril dernier, le ministère français des Finances a clairement illustré l’enjeu d’assainir le document qui réglemente la relation fiscale entre la France et le Luxembourg : « Ce changement doit permettre, sans alourdir l’impôt relatif à ces revenus luxembourgeois imposables exclusivement au Luxembourg, d’en tenir compte pour l’application de la progressivité de l’impôt à l’imposition des autres revenus, afin d’en assurer le plein effet dans une logique de justice fiscale.»
Comme nous l’expliquait la députée française Isabelle Rauch il y a quelques semaines lors d’un entretien, cette « justice fiscale » devrait être mise en parallèle avec l’alignement de la convention sur celles en vigueur dans la plupart des pays européens. l’OCDE, afin de mettre tous les contribuables français sur un pied d’égalité. A noter qu’il est également obligatoire entre la France et l’Allemagne ou la Suisse par exemple.
Qui est concerné ?
L’introduction de la nouvelle convention fiscale ne concerne que les contribuables aux revenus mixtes, luxembourgeois et français. Par exemple, un couple de frontaliers sans aucun revenu français ne sera pas concerné par les nouvelles règles fiscales.
Quelle est la nouvelle méthode de calcul ?
Dans une simulation, le site Neofisc, spécialisé dans la fiscalité des résidents et frontaliers, projette le calcul de l’impôt pour un couple marié sans enfants ; elle est frontalière et résidente française travaillant en France.
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S’ajoute le revenu annuel imposable (le salaire brut annuel duquel sont soustraites seules les cotisations sociales) ;
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Tous les revenus sont imposés ;
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L’impôt correspondant est immédiatement crédité (impôt dû × pourcentage des revenus transfrontaliers du ménage).
L’explication du Luxembourg
Le ministère des Affaires étrangères et européennes résume ainsi la nouvelle méthode de calcul : « La méthode d’imputation signifie que les revenus professionnels, de source luxembourgeoise, perçus par un contribuable résident français sont imposés en France et qu’un crédit d’impôt égal aux impôts payés au Luxembourg. afférent à ces revenus est accordé. Toutefois, ce crédit ne peut excéder le montant de l’impôt français correspondant à ces revenus.
Les impôts vont-ils augmenter ?
C’est bien entendu la question que se posent tous les contribuables. Pour y répondre, une étude d’impact aurait été la bienvenue. Le ministère français des Finances s’était engagé à fournir un tel document. Relancé à plusieurs reprises par les parlementaires sur l’avenir d’une telle étude, le gouvernement français n’a pas donné suite. Il n’a pas non plus répondu à Virgule cette semaine.
Reste que, selon l’Aleba, « il y aura effectivement une augmentation du revenu global et du taux applicable aux revenus français ».
“En raison de la différence de progressivité des barèmes fiscaux des deux pays, la pression fiscale va augmenter si, à salaire égal en France, l’impôt est plus élevé qu’au Luxembourg”, écrit le LCGB, qui plaidait ces derniers mois pour une nouvelle extension de l’exception et une renégociation de la convention bilatérale afin de revenir en arrière.
Toujours dans l’exemple choisi par Neofisc, un écart défavorable de 610 euros est calculé pour les couples mariés aux revenus mixtes. Une nuance qui n’est pas sans rappeler la mauvaise surprise découverte en 2021 par les contribuables, et qui a précipité le report du nouveau mode de calcul…
Quelles seront les conséquences ?
L’attractivité du Luxembourg pourrait-elle indirectement effrayer les frontaliers français ? La sénatrice Évelyne Renaud-Garabedian le craint. “De nombreux frontaliers envisageraient de retourner travailler en France dans les années à venir”, avait déclaré l’élu des Français de l’étranger en octobre dernier, dans une question adressée au désormais ex-Premier ministre Michel Barnier (restée sans réponse).
Autre point soulevé par le sénateur : compte tenu de l’apport des frontaliers à l’économie locale, en Moselle comme en Meurthe-et-Moselle, ces territoires pourraient-ils souffrir d’une éventuelle baisse de pouvoir d’achat suite à une fiscalité plus restrictive ?
Autant d’inconnues, comme la gestion par le fisc des potentielles nombreuses demandes émanant de dizaines de milliers de contribuables concernés…