Les hôpitaux sous-traitent et facturent des prix suisses

Les hôpitaux sous-traitent et facturent des prix suisses
Les hôpitaux sous-traitent et facturent des prix suisses

Rien n’est plus inoffensif qu’une radiographie. Cependant, une nouvelle enquête met en lumière des problèmes majeurs en Suisse.Image : Getty/Watson

Certains hôpitaux ou cliniques trichent et abusent du système de santé suisse en facturant trop cher leurs prestations. Un autre problème est que les autorités ne se soucient pas de savoir ce qu’il advient des données des patients suisses.

Simon Maurer / ch médias

Au fond, un principe très simple : la téléradiologie doit permettre au système de santé suisse d’économiser beaucoup d’argent. Jusqu’à présent, chaque hôpital dispose de son propre service de radiologie, actif 24 heures sur 24 pour diagnostiquer les images des patients aux urgences en quelques minutes seulement. À l’avenir, seuls les grands hôpitaux devront encore offrir un service opérationnel en continu. En dehors des heures de bureau, les petits établissements envoient désormais leurs radiographies aux hôpitaux centraux, qui leur transmettent rapidement les résultats.

Cette pratique s’est répandue dans tout le pays ces dernières années. Cela a conduit à des économies massives. Des établissements privés comme le groupe Hirslanden ou la société Emergency Radiology Schueller en profitent. Ils ne font plus examiner les scanners, IRM et autres radiographies en Suisse, où les prix sont élevés, mais en Allemagne, en ou encore en Hongrie, à des tarifs bien plus avantageux. C’est ce que révèlent nos enquêtes.

Et voici une autre enquête

Une découverte d’autant plus choquante que ces acteurs facturent les diagnostics selon les normes suisses, alors qu’ils paient beaucoup moins pour les prestations réalisées à l’étranger. De quoi gonfler joliment leurs bénéfices. Sous couvert d’anonymat, plusieurs radiologues parlent de “quelques-uns qui ne se comportent pas correctement” et qui abusent du système de santé suisse.

Pas de problème, disent les entreprises

Interrogées, les entreprises internationales brandissent pour leur défense l’argument de la qualité, qui serait aussi important chez elles que dans les entreprises employant uniquement des salariés suisses :

«Tous nos radiologues sont autorisés à exercer leur profession dans l’Union européenne, conformément au règlement européen sur les qualifications et sont en outre agréés en Suisse par la Commission des professions médicales de l’Office fédéral de la santé publique.»

Radiologie d’urgence Schueller.

Les dirigeants n’ont pas souhaité commenter les détails du modèle économique. Le groupe privé Hirslanden, qui a engagé dans deux de ses 17 instituts des partenaires externes – potentiellement basés à l’étranger – est également avare de commentaires.

Cette pratique n’est pas illégale, selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). La téléradiologie internationale n’est en effet pas réglementée légalement :

« La loi n’impose aucune obligation en la matière »

Daniel Dauwalder, porte-parole de l’OFSP.

Un examen plus approfondi révèle des politiques très variées d’une entreprise de téléradiologie à l’autre. Le flou autour de la protection des données semble particulièrement important. Il est difficile de savoir, par exemple, si les données de santé des patients suisses, par ailleurs si strictement réglementées, peuvent être transmises à l’étranger sans consentement. On ne sait pas non plus s’ils peuvent être évalués à l’étranger à l’insu du patient.

Les autorités se renvoient la balle

Aucune autorité suisse ne s’estime réellement compétente en la matière. «Les questions relatives à la protection des données hospitalières relèvent de la compétence des cantons, c’est-à-dire des commissaires cantonaux compétents», estime l’autorité fédérale de protection des données. Nous avons contacté le délégué à la protection des données du canton d’Argovie. Ce qui nous renvoie à nouveau vers l’autorité fédérale, censée être compétente pour tous les prestataires de services sans mandat de service public.

Ce qui est surprenant, c’est qu’aucune autorité ne puisse dire clairement si les patients doivent être informés à l’avance lorsque leur dossier est interprété à l’étranger. En réponse, nous recevons uniquement des recommandations. Le président de la Société Suisse de Radiologie, Sebastian Schindera n’en sait pas plus :

« Il n’est en fait pas si simple de répondre à cette question. Très peu de cantons ont déjà réglementé la télémédecine dans leur législation.»

Son association invite donc ses membres à la transparence. «Il vaut mieux informer les patients en conséquence», explique-t-il.

Nous ne connaissons pas le nombre d’entreprises qui pratiquent la téléradiologie internationale depuis la Suisse. « Nous ne collectons aucune information à ce sujet », écrit la Société. Pas d’aperçu ni de la part de l’OFSP ni de la part des autorités fédérales chargées de la protection des données. Concernant la lecture des radiographies, l’OFSP se réfère à un guide de la Société Suisse de Radiologie, qui devrait encadrer.

La sonnette d’alarme a déjà sonné

Ce document, qui date désormais de cinq ans, n’est cependant pas juridiquement contraignant et permet la feinte. Notamment en ce qui concerne l’obligation d’information :

“Si l’examen a lieu au sein d’une communauté de praticiens auprès d’un même organisme responsable (…) et que cela est évident pour le patient, l’obligation d’information est levée.”

C’est un médecin lui-même cofondateur d’une société internationale de téléradiologie qui a participé à l’élaboration de ces lignes directrices.

Les législateurs et les autorités chargées de la protection des données seront-ils plus attentifs à l’avenir ? Certains réclament depuis longtemps une meilleure réglementation. À l’image de la Commission fédérale de radioprotection (CFR), qui alertait déjà en 2007 :

« L’internationalisation est probable pour des raisons de coûts de service et de goulots d’étranglement en dehors des heures de bureau. Le CFR recommande au législateur de réglementer à - les normes de qualité et les conditions linguistiques et professionnelles nécessaires.

Apparemment, il ne s’est pas passé grand-chose depuis.

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Traduit de l’allemand par Valentine Zenker

 
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