Le sujet de la viande tend les relations entre la France et le Brésil. Le point de départ de la polémique a été les propos d’Alexandre Bompard, le PDG du groupe Carrefour, qui s’est engagé la semaine dernière auprès des agriculteurs français à ne plus importer de viande brésilienne. Mardi 26 novembre, face à la levée de boucliers de l’industrie agroalimentaire au Brésil, Alexandre Bompard a enfin présenté son «excuses“au gouvernement brésilien, citant des problèmes de”communication« .
La première décision de Carrefour a été perçue comme une mesure protectionniste et politique au Brésil. Car la déclaration d’Alexandre Bompard était adressée au patron de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire en France. Alors que le Brésil accueillait le G20 les 18 et 19 novembre, les agriculteurs français manifestaient contre l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur. Selon Alexandre Bompard, avec cet accord, le marché français serait «inondé“une viande qui ne correspond pas à”exigences sanitaires“Français.
Sauf que l’Union européenne représente moins de 4% des exportations du Brésil. La France, en particulier, représente 0,005 % des exportations totales de viande bovine. Ingo Plöger, vice-président de l’association brésilienne Agronégoce, dénonce une mesure protectionniste pour satisfaire les agriculteurs français. “Ce n’est pas le consommateur qui proteste, je pense qu’il est important de le souligner. Celui qui proteste est le concurrent. Et c’est très différent. C’est donc un obstacle à la concurrence», dit-il.
La France achète de la viande du Brésil depuis 40 ans. Le secteur agroalimentaire a immédiatement réagi aux déclarations d’Alexandre Bompard. 23 entreprises de livraison de viande, dont le géant JBS, ont annoncé qu’elles suspendraient la livraison de viande aux chaînes de supermarchés Carrefour au Brésil. Cette réponse a été soutenue par le gouvernement brésilien, notamment le ministre de l’Agriculture. Le secteur n’accepte pas les remises en question infondées sur sa qualité, selon Ingo Plöger : «Nous avons toujours répondu aux critères de Carrefour. Ce sont des critères très exigeants, que ce soit d’un point de vue environnemental ou social. Alors ce qui est bon pour les Français doit l’être aussi pour les Brésiliens, les Uruguayens, les Argentins et les Paraguayens. Il ne peut pas y avoir de double critère« .
Cette décision a directement affecté la chaîne Carrefour au Brésil, dont les rayons manquaient de viande ces derniers jours. Une situation compliquée pour le groupe, qui pèse lourd au Brésil. En effet, la chaîne est présente dans plusieurs pays du Mercosur, mais c’est au Brésil qu’elle réalise son plus gros chiffre d’affaires. Avec 21 milliards d’euros annuels, le Brésil est le deuxième marché du groupe derrière la France. Carrefour y est implanté depuis 1975, et on compte aujourd’hui 1 200 supermarchés dans le pays, qui emploient près de 130 000 personnes. Et ce ne sont pas seulement les supermarchés Carrefour qui sont concernés, mais aussi d’autres enseignes du même groupe, comme la version low-cost Atacadão ou encore Sam’s Club.
Alexandre Bompard a donc rapidement reculé. Mardi 26 novembre, il a présenté ses excuses au gouvernement brésilien. Dans une lettre adressée au ministre de l’Agriculture, il dit reconnaître «qualité, respect des normes et saveur« Viande brésilienne. Les livreurs de viande ont applaudi et Carrefour Brésil a annoncé une normalisation de l’approvisionnement dans les prochains jours.