Facteur de Postes Canada | Ciblé depuis un an par des graffitis homophobes

Facteur de Postes Canada | Ciblé depuis un an par des graffitis homophobes
Facteur de Postes Canada | Ciblé depuis un an par des graffitis homophobes

Depuis plus d’un an, un facteur de Postes Canada est la cible de messages homophobes sur son lieu de travail, un harcèlement qui le plonge dans l’épuisement psychologique. Depuis plus d’un an, il exhorte son employeur à prendre des mesures pour mettre fin à ces actes d’intimidation. En vain. L’entreprise publique enregistre une nette augmentation des incidents de violence et de harcèlement au travail.


Publié à 00:44

Mis à jour à 5h00



« PD » : ce sont les deux lettres préférées d’un ou plusieurs tagueurs employés à l’imposante succursale de Postes Canada à Bridge, à Montréal. Cette insulte homophobe vise celui que l’on appellera Fred. La victime a requis l’anonymat car elle craint des représailles professionnelles et personnelles.

Nous avons pu corroborer sa version à l’aide de photos, de mails, de formulaires de plainte et de quatre témoins avec lesquels nous avons échangé. En 2017, la branche Bridge a fait l’objet d’un rapport de La presse dans lequel les travailleurs ont dénoncé un environnement « toxique ».

Alors que tous les cas de blessures physiques sont en baisse de 2022 à 2023 à Postes Canada, les « incidents liés à la violence et au harcèlement au travail » ont bondi de 60 %, passant de 553 à 886, montre un rapport sur le développement durable publié par la société d’État le 31 mai. .

Le calvaire de Fred, homosexuel, commence inoffensivement en avril 2023. Le jeune facteur découvre que son nom est peint sur un mur des toilettes des hommes. Un nouveau graffiti apparaît quelques jours plus tard, puis un troisième, où « Fred » apparaît cette fois sous la forme d’un pénis. Cet événement convainc l’employé de Postes Canada de remplir un premier avis d’incident pour son employeur.

En juin 2023, « Fred » est écrit au feutre noir près d’un trou dans le mur des toilettes. Une flèche relie le prénom à l’orifice. Un mois plus tard, une autre cavité se forme. «Je suis de retour», écrira le harceleur. En août, le ton est plus menaçant : « Ferme les yeux criss de PD ».

C’est bientôt le camion de livraison de Fred qui sert de toile de fond à la haine : un « PD » audacieux contraste avec la peinture blanche.

Les clients servis par Fred disent voir leur facteur, « un rayon de soleil », s’éteindre petit à petit. «C’est un peu de joie de vivre, ce monsieur», confie par exemple Marie-Johanne Grégoire. Mais je l’ai vu dépérir, le moral au plus bas, moins gai, plus anxieux. Nous avons commencé à discuter. Et il a parlé d’intimidation au travail. »

La compagne de Fred, également postière, témoigne de la « détresse psychologique » de son compagnon habituellement lumineux. « À un moment donné, j’ai alerté la direction : il est temps de faire quelque chose, car un jour, il sera peut-être trop tard. Vous ne savez jamais quelle sera la goutte qui fera déborder le vase. »

Un criminel introuvable

La direction organise des réunions avec les salariés, mais celles-ci ne règlent pas le problème.

« Il existe une formation de cinq heures sur le harcèlement, mais son contenu nous a été résumé en une quinzaine de minutes, comme ça, un matin », s’interroge la collègue de Fred, Valérie Gravel. « En tant que personne homosexuelle, je me demande si la direction est capable de faire respecter la Charte contre le racisme et la discrimination de Postes Canada. »

« Quand ce ne sera plus Fred, qui sera-ce ? », demande Tiffany Dubreuil, commis au tri final chez Bridge.

« Quand il n’y aura plus d’homosexuels, est-ce qu’on va s’en prendre aux personnes obèses ou sourdes ? Cela crée ce genre de climat. »

Graffiti après graffiti, la direction ne parvient pas à identifier le(s) coupable(s). Les caméras de surveillance n’enregistrent jamais d’images concluantes des méfaits, explique-t-on à Fred. Cependant, il n’a jamais pu voir les images.

Le 18 septembre 2023, le facteur reçoit une mystérieuse lettre à son domicile. A l’intérieur, la missive est aussi brutale que laconique : « Ta Yeule PD ». Le mois suivant, le tabouret du facteur est « tagué » de la même abréviation, dérivé de pédéraste, qui désignait autrefois un homme attiré par les jeunes garçons.

Fred a rempli quatre avis d’incident, déposé deux plaintes à la police, contacté la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse – une dizaine de collègues s’y sont joints – et déposé quatre griefs auprès de son syndicat.

Toujours le même objectif : « que les intimidations cessent ».

Même scénario à son retour

Après une vingtaine d’événements, miné par l’insomnie et l’anxiété, Fred s’est rendu en arrêt de travail en octobre 2023. Il a été indemnisé par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour harcèlement au travail, selon le billet du médecin.

Il a progressivement repris ses fonctions cinq mois plus tard, en mars, avec l’espoir que le temps aurait usé la motivation de son(ses) tyran(s). C’est le 14 avril qu’il se rend compte qu’un prédateur est toujours en fuite. Sur le mur des toilettes pour hommes où sont apparus les premiers graffitis il y a presque un an jour pour jour : « Qui je suis ? Roi PD ! »

«Pendant votre absence, il n’y a eu aucun incident», note un chef d’unité dans un rapport adressé à Fred et daté du 1est Mai 2024. Encore une confirmation que nous l’attaquons directement.

Le facteur a récemment appris qu’un nouveau graffiti était apparu fin mai. Elle a été rapidement effacée par la direction. Combien d’autres comme ça ?

Fred déplore que Postes Canada, sous réserve des Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence au travail (Projet de loi C-65), a manqué de rigueur et de volonté dans sa gestion du dossier.

Surtout, Fred a du mal à expliquer pourquoi son employeur ne peut toujours pas lui offrir un espace de travail sécuritaire, plus d’un an après son premier signalement. Il raconte son histoire dans l’espoir que « les brimades cessent ». Qu’il puisse reprendre son travail normalement. Et aussi sa vie.

«Pendant plus d’un an, j’ai vu mon collègue souffrir, subir des déceptions, des refus, des griefs infructueux et des abandons», raconte la facteur Valérie Gravel. Chaque jour, il craint d’être à nouveau la cible d’insultes, et chaque jour, les violences psychologiques qu’il subit s’intensifient. »

Fred, poursuit-elle, « porte des lunettes de soleil tous les matins ». Pourquoi? « Pour cacher les larmes qui ont trop souvent coulé avant 7 heures du matin »

La réaction de Postes Canada

Postes Canada indique qu’elle ne peut fournir aucun détail sur la situation de Fred « afin de respecter la confidentialité de l’enquête ». «Je peux confirmer que nous prenons la situation au sérieux et que nous avons agi rapidement», a écrit Valérie Chartrand, porte-parole de la société postale, dans un courriel. « Plusieurs équipes internes, le syndicat et d’autres, continuent de travailler à une résolution. Nous avons également augmenté les mesures de sécurité et de surveillance dans les lieux de travail et avons soulevé la question auprès d’Emploi et Développement social Canada afin de ne négliger aucune avenue pour régler cette situation. » L’objectif de Postes Canada, qui compte quelque 68 000 employés, « est d’éliminer complètement les préjugés, ce qui fait qu’un incident de harcèlement en milieu de travail est un incident de trop », poursuit le porte-parole. Concernant la hausse des cas de harcèlement et de violence au travail, Postes Canada affirme avoir « mis à jour sa politique » et « amélioré la formation », en plus d’avoir revu son « processus de résolution » et sa « plateforme de gestion ». « Même si nous avons fait des progrès en travaillant ensemble, il nous reste encore du travail à faire », a déclaré Mme.moi Chartrand.

 
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