Vuisternens-devant-Romont (FR) est en colère contre l’éolien

La commune de Vuisternens-devant-Romont sent le vent tourner, mais pas dans le bon sens. La population a augmenté et le climat politique est orageux.Image : Watson

La commune de Vuisternens-devant-Romont, dans le canton de Fribourg, a largement rejeté le 9 juin l’initiative “pour un approvisionnement sécurisé en électricité”. Un vote en réaction à un projet de parc éolien qui soulève la colère des habitants. Rapport.

En arrivant au centre du village de Vuisternens-devant-Romont, 2 381 habitants, le premier endroit à découvrir est sans aucun doute le restaurant local : le Relais Saint-Jacques. «C’est presque une institution», nous dit le gardien. Les discussions sont amicales, entre Eurofoot et les bassins présumés pollués de la zone.

Il est temps pour petit-déjeuner. Les cafés se succèdent comme les thèmes, avant que les premières bières et verres de rosé n’apparaissent sur les tables. Mais nous ne sommes pas là par hasard. Lors des élections du 9 juin pour l’approvisionnement en électricité, Vuisternens-devant-Romont a rejeté l’initiative à 60%, alors que le peuple suisse l’a largement approuvée (68,7%). Comment expliquer ce choix ?

Dès qu’on veut aborder le sujet, le volume baisse. Ce sont des gens silencieux. Il faut laisser la discussion s’engager progressivement et jeter le sujet brûlant sur la table en espérant qu’il mordra.

L’employée du Relais Saint-Jacques nous guide parmi les habitués, elle qui travaille dans l’établissement depuis près de 11 ans. Elle est une spectatrice privilégiée des débats :

« Il n’y a pas assez de vent ici et la population est en colère contre ce projet éolien »

La peur de voir un paysage meurtri prédomine dans le bistro fribourgeois. En effet, un plan cantonal éolien prévoit d’installer, entre autres, des hélices sur le territoire de Vuisternens-devant-Romont. Selon Pierre Vaudan, porte-parole de la Direction cantonale de l’économie, de l’emploi et de la formation professionnelle, les plans ont été validés par la Confédération et 20 à 25 éoliennes réparties sur trois ou quatre sites sont à l’étude.

Le président de l’association Sauvons les forêts du Gibloux, Charles Phillot, insiste sur l’aberration du vote du 9 juin :

«Le comportement des partis verts est totalement incompréhensible. Voter cette loi revient à autoriser l’installation d’éoliennes n’importe où. De plus, la planification est effectuée dans les forêts. Tout est absurde, que ce soit d’un point de vue économique ou environnemental. Mais les subventions sont très généreuses.

Selon une étude, en Suisse, l’énergie éolienne pourrait produire 29,5 térawattheures (TWh) chaque année, dont 19 TWh pendant le seul semestre d’hiver. Le canton de Fribourg ambitionne de produire 160 gigawattheures (GWh) d’énergie éolienne d’ici 2035. C’est approximativement la quantité actuellement produite dans toute la Suisse.

Mais le mécontentement grandit dans la région à cause du projet éolien. L’avocat des communes concernées, David Ecoffey, a dénoncé à plusieurs reprises des conflits d’intérêts dans ce dossier. Il existe à ses yeux dans l’énergie éolienne cantonale un « conflit permanent et institutionnalisé ».

Il a notamment déploré les différentes casquettes du conseiller d’Etat et directeur de l’Economie Olivier Curty. Ce dernier est également administrateur du Groupe E qui détient 90% de l’entité Greenwatt, active dans l’éolien.

« Les choix faits par le Conseil d’Etat sont des choix douteux qui nous obligent à réagir à chaque étape. Le plan directeur cantonal est l’élément de base qui prévoit les sites éoliens.»

David Ecoffey, l’avocat des communes sur RTS.

“On peut s’habituer à ces éoliennes”

« Il y a souvent une brise sur la Glâne », raconte un homme qui a grandi dans la région et vit désormais en Gruyère. Ces derniers préféreraient que les autorités investissent différemment :

« Il faudrait redynamiser l’hydraulique avant de planter des éoliennes dans les champs »

Image : Watson

Une demande que le syndic de Vuisternens-devant-Romont, Jacques Dumas, contacté par nos soins, écarte :

« Il existe des projets de micro-turbines possibles, mais nos flux n’ont pas le débit nécessaire à toute installation. Il faut se tourner vers la production solaire et photovoltaïque.

Un autre client du bistrot, sur un ton ludique, assure que certains préféreraient « relancer le nucléaire au détriment de l’éolien ».

La discussion s’anime : « Je ne suis pas écolo, je veux simplement respecter la nature telle qu’elle nous est donnée. Il faut le respecter », lance un habitant de Sâles, avant que la serveuse, avec un sourire narquois, ne lui adresse un coup inoffensif :

“Tu es philosophe aujourd’hui”

L’intéressé, du tac au tac :

“Non, je suis réaliste.”

Ce dernier nous explique les problèmes qui règnent dans la région et surtout la méfiance de la population : « J’ai voté contre cette initiative. Je suppose que j’en ai fait assez. Par exemple, j’ai reçu 2’200 balles de la Confédération sur les 45’000 francs investis pour les panneaux photovoltaïques sur ma toiture. Nous recevons trop peu d’aide.

Et il ne s’emporte pas :

“Je vais être féroce : si tu veux jouer au vert, tu vas te faire baiser”

Si les bouches restent pour la plupart fermées, on surprend néanmoins des bribes de conversation : « On peut s’habituer à ces éoliennes. Quand je vais en Valais, je ne vois même plus celui qui trône à Martigny, le long de l’autoroute», confesse un autre habitué du bar – qui avoue avoir refusé l’initiative du 9 juin.

« Les écologistes, ils ne servent à rien »

Un habitant (encore) énervé.

Le président de l’association Sauvons les forêts du Gibloux, Charles Phillot, est également contre cette stratégie politique :

« Nous nous lançons dans une transition énergétique, sans aucune stratégie. Nous suivons le même chemin que l’Allemagne, avec ces 30 000 éoliennes. Comme il s’agit d’une énergie intermittente, elle doit maintenir ses mines de charbon actives et cela produit beaucoup d’émissions de carbone.

Une colère tout aussi palpable dans la commune de Vuisternens-devant-Romont : « Le conseil municipal et ses citoyens sont fermement opposés à l’installation d’éoliennes sur son territoire », nous indique Jacques Dumas par mail. L’élu indique qu’il n’y a pour l’instant “aucun projet concret”, il assure que plusieurs éoliennes sont prévues sur sa commune :

« La Municipalité a demandé à plusieurs reprises la remise en cause de cette zone »

Jacques Dumas, syndic de la commune de Vuisternens-devant-Romont.

L’administrateur, toujours par email, est convaincu que le vote de dimanche dernier est le résultat d’une population qui se sent lésée :

« Oui, la population se sent trahie par un Conseil d’État qui s’engouffre dans un déni total de démocratie et de respect des communs. Ce qui blesse le plus la population, c’est ce manque d’écoute et de prise en compte des Municipalités qui s’opposent aux projets éoliens sur leur territoire. Le Conseil d’État gagne du temps et insiste.»

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