Fiscalité mondiale des milliardaires, un parcours semé d’embûches

La fiscalité des milliardaires revient sur le devant de la scène. Entre le G20, la campagne pour les élections européennes et la bataille pour les élections législatives avancées en France, les propositions ont fleuri dans les débats et les meetings politiques. D’Emmanuel Macron au Nouveau Front populaire (NFP), la proposition d’une taxation mondiale des grandes fortunes est soutenue par une large partie de l’échiquier politique. Dans ce contexte, la présidence brésilienne du G20, dirigée par le président Lula, entend avancer sur ce sujet crucial dans les semaines à venir.

Taxe mondiale sur les milliardaires et les entreprises : les pistes choquantes d’Esther Duflo

Ce mardi, l’économiste et professeur d’université français le Berkeley et Le Californien Gabriel Zucman a remis un rapport technique au Brésil, avant la réunion des ministres des Finances prévue en juillet. Ciblant les 3 000 milliardaires de la planète, le projet présenté par le président de l’Observatoire européen de la fiscalité devrait permettre de lever entre 200 et 250 milliards de dollars chaque année au taux de 2 %.

Constatant à travers ses recherches et travaux une érosion des assiettes fiscales dans de nombreux pays, l’économiste français estime que « toiUn système fiscal plus progressif contribue à renforcer la cohésion sociale et la confiance dans les gouvernements ». « Le problème est que les super riches paient proportionnellement moins d’impôts que les autres. » a souligné l’universitaire, lors d’une conférence de presse ce mardi.

L’une des raisons est que les revenus sont beaucoup plus imposés que la richesse. Or le patrimoine représente une très grande part de la fortune des milliardaires. Conscient des difficultés à venir, ce spécialiste de l’évasion fiscale considère ce projet comme un point de départ.

“Ce document technique vise à initier et alimenter les discussions politiques”, a-t-il déclaré.

Le ministre brésilien des Finances, Fernando Addad. Crédits : Reuters.

« Un élan » pour Esther Duflo

Pressés par l’envolée des dettes et le durcissement des contraintes budgétaires, les Etats du Vieux Continent sont actuellement à la recherche de nouvelles recettes fiscales. Dans le même temps, les pays de l’UE 27 savent qu’ils devront financer des montagnes d’investissements face au réchauffement climatique et à la stagnation de la guerre en Ukraine. « Il y a une dynamique »confiée à La galerie la lauréate du prix Nobel d’économie, Esther Duflo, et aujourd’hui à la tête de la Paris School of Economics. Présent aux récentes réunions du G20, l’ancien conseiller économique du président américain Barack Obama estime « qu’il deviendra politiquement difficile de s’y opposer ». « Une grande partie de l’opinion publique soutient ce type de proposition » assure-t-elle.

« Nous sommes à une époque où les écarts salariaux choquent les gens », acquiesce Cécile Duflot, directrice de l’ONG Oxfam. ” La période est particulièrement difficile pour la population avec les inégalités, le réchauffement climatique et la crise sociale « . Dans la presse financière mondiale, le Financial Times et le Wall Street Journal a également fait la part belle à ce sujet brûlant. L’agenda est certes favorable à ce type de taxation et un consensus sur la planète semble se dessiner, mais le parcours de cette taxe pourrait se transformer en parcours du combattant.

Les États-Unis freinent

Le premier obstacle majeur sur la route de cette taxe mondiale se situe aux États-Unis. En pleine campagne présidentielle, le président Joe Biden a proposé une taxe intérieure sur les milliardaires. L’administration Biden a ainsi proposé pour le budget 2025 un impôt minimum de 25% pour « les 0,01% les plus riches, ceux dont la fortune est supérieure à 100 millions de dollars ».

En revanche, Washington reste opposé à une taxe mondiale. Lors du sommet du G7 sur les finances, fin mai en Italie, la secrétaire d’État au Trésor, Janet Yellen, s’est montrée hostile. « Je ne suis pas favorable à des négociations internationales qui impliqueraient que tous les pays acceptent de le faire et redistribuent les revenus entre les pays, éventuellement sur la base du climat et des dommages climatiques. “, dit-elle. Pour rappel, les États-Unis ne taxent pas en fonction du lieu de résidence, mais en fonction de la citoyenneté. Cela signifie que les citoyens américains continuent de payer des impôts, même s’ils vivent à l’étranger depuis des années.

En France, l’éventuel changement de majorité après le second tour des élections législatives pourrait bousculer l’agenda français. ” En fonction de la majorité obtenue, cela pourrait changer la position de la France au G20 », explique à La galerie, Quentin Parrinello, conseiller à l’Observatoire européen de la fiscalité. En revanche, ce contexte politique « ne changez pas l’agenda international de cette fiscalité ».

Sur la planète, les FSI ont quasiment disparu

L’autre obstacle à la mise en œuvre de ce type de prélèvement est que l’impôt sur la fortune n’est pas un instrument largement utilisé. « La difficulté de l’imposition physique des personnes est qu’il n’y a pratiquement plus d’impôt sur la fortune dans le monde. » rappelle l’architecte de la fiscalité minimale mondiale sur les multinationales, Pascal Saint-Amans. En Europe, “l’impôt sur la fortune a quasiment disparu, sauf en Suisse”, ajoute celui qui s’est battu pendant près d’une décennie pour mettre en place une taxe mondiale. Durant la pandémie, plusieurs pays ont mis en place une taxation des grandes fortunes mais à titre exceptionnel.

Les promoteurs de la taxe mondiale sur les milliardaires veulent s’appuyer sur l’impôt minimum sur les multinationales longtemps considéré comme « irréalisable ». Le modèle d’impôt sur les sociétés “n’est pas complètement duplicable”, juge Pascal Saint-Amans, ancien directeur de la fiscalité à l’OCDE. « Il y a un précédent, mais le chemin est différent ». Depuis les années 1980, « le taux du prélèvement obligatoire sur le capital a baissé. En contrepartie, il y a une augmentation des taxes à la consommation. On assiste à un renversement de la fiscalité », souligne l’économiste.

Un cadre de négociation à définir

Il reste un mur majeur à surmonter : le cadre de négociation. Faut-il privilégier l’ONU ou l’OCDE ? A ce stade, rien n’est encore décidé. Les deux instances ont mis ce sujet sur la table, mais les négociations pourraient prendre du temps, compte tenu de l’expérience avec les multinationales. ” Le Brésil a mis le sujet sur la table et il devrait y resterexplique Pascal Saint-Amans. De nombreux pays auraient intérêt à mettre en place un impôt mondial sur la fortune, mais cela sera difficile ».

Pour le professeur de droit à HEC Paris, « il existe un chemin pour réaliser des progrès concrets et pour rééquilibrer la fiscalité entre le capital et le travail ». L’économiste cite notamment « un impôt sur les plus-values ​​au sein de l’Union européenne »une meilleure fiscalité « sur les dividendes et les transmissions ». Autant de pistes potentielles pour le prochain mandat européen.

La fortune des plus riches au plus haut niveau

Il n’y a jamais eu autant de riches et leur richesse n’a jamais été aussi élevée, grâce à la hausse des cours boursiers, montre une étude internationale réalisée par le cabinet de conseil Capgemini publiée début juin. Le nombre de personnes fortunées dans le monde, définies par Capgemini comme les personnes dont l’argent disponible en dehors de leur résidence principale dépasse le million de dollars, a augmenté sur un an de 5,1%, pour atteindre 22,8 millions de personnes en 2023, a calculé le cabinet dans son étude intitulée « Rapport sur la richesse mondiale ».

Leur fortune a également augmenté, avec une richesse totale estimée à 86 800 milliards de dollars, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à l’année précédente. En nombre de personnes concernées et en richesse, ce sont deux records depuis que Capgemini a commencé à publier cette étude annuelle en 1997. En France, 141 milliardaires ont été recensés dans le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Les MRE, sauveurs de l’économie marocaine ? – .
NEXT Le salon automobile de Genève sabordé face à la baisse d’intérêt des constructeurs