la grande peur des patrons

la grande peur des patrons
la grande peur des patrons

L’étonnement a fait place à l’embarras. Une semaine après la dissolution, les milieux économiques regardent avec crainte l’effondrement des cours boursiers, la panique des marchés, la « propagé », – l’écart entre les taux d’emprunt français et allemand – se creuse. Et découvert, avec inquiétude, les premiers éléments du programme du Rassemblement national ou du Nouveau Front populaire. Les qualifications s’envolent : « dangereux », « cher », « irréaliste »…

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Mais ces mots ne sortent pas des conclaves patronaux. Aux demandes de La Tribune dimancheles chefs d’entreprise répondent : « Les patrons n’ont pas vocation à entrer dans le débat politique. » Ou : « Que dire quand 40 % de nos salariés ou de nos clients votent à l’extrême ? »

Selon eux, tout commentaire est malvenu, voire contre-productif. “Nous sommes détestés, surtout les grands patrons… donc si on s’exprime, on prend le risque de faire monter encore le RN ou le front de gauche”, assure l’un d’eux. « Donner des instructions de vote ? Mais c’est le meilleur moyen de tensioner davantage les électeurs.» plaide un autre.

Grande retenue

Contre-productif, c’est aussi l’argument qu’a avancé lundi dernier l’U2P, organisation qui regroupe artisans et petits entrepreneurs, alors que l’idée d’une expression commune germait dans les rangs patronaux. Au lendemain des élections européennes, pour dénoncer le danger que représenterait une majorité détenue le 8 juillet par le camp du RN, les cabinets du Medef et du CPME ont tenté d’écrire, ensemble, une déclaration. Mais l’initiative tourne vite au vinaigre.

Chacun s’en est donc tenu à un communiqué séparé, teinté d’une grande retenue. Patrick Martin (Medef) s’est limité à insister sur « la nécessité de poursuivre les réformes pour les consolider et les approfondir » en vous inscrivant fortement « dans le jeu européen ». Et d’ajouter que l’organisation patronale « soutiendra des projets favorables aux réformes économiques et à l’ambition européenne dans le respect de la social-démocratie ». Une véritable rupture, alors qu’il y a dix ans Laurence Parisot alertait sur le risque pour les entreprises de la montée de l’extrême droite. En 2011, la patronne des patrons nommait son ennemie, Marine Le Pen, dans un livre intitulé Un piège bleu marine.

Les milliards d’euros d’aide déversés

Agacé par la prudence patronale actuelle, Bruno Le Maire a néanmoins exhorté à plusieurs reprises cette semaine les chefs d’entreprise à prendre position. « Que les milieux économiques se mouillent ! » a lancé le ministre de l’Économie mardi sur les ondes. Le lendemain, il rappelle aux 200 patrons du mouvement Ethique tout ce que le macronisme a fait pour eux : les ordres de travail, la loi Pacte pour libérer l’économie, les aides à la réindustrialisation, la loi « économie verte » pour faciliter les implantations d’usines, la baisse de l’impôt sur les sociétés, les nombreuses réformes de l’assurance chômage, la réforme des retraites qu’ils réclamaient, les sommets Choose France pour attirer les investisseurs étrangers, les primes défiscalisées pour soutenir le pouvoir d’achat de leurs salariés, les aider à embaucher des apprentis, etc. .

Sans oublier les milliards d’euros d’aides déversés dans les entreprises au temps du Covid, les exonérations fiscales et sociales et les chèques envoyés quand les Gilets jaunes réclamaient des augmentations de salaires, les guichets d’accompagnement quand les prix de l’énergie s’envolaient, après le déclenchement de la guerre en Ukraine. …

Un désaveu violent pour la Macronie

La liste est longue, mais rien n’y fait. Les applaudissements restent rares. Pour se justifier, les chefs d’entreprise invoquent le pragmatisme. « Nous ne sommes pas dans le sentiment ou la moralité, nous avons des entreprises à gérer, des emplois à préserver, des actionnaires à satisfaire ; notre travail est de nous adapter », résume un important industriel.

Bien que très préoccupée par la situation, l’Afep, l’Association française des entreprises privées, qui regroupe la quasi-totalité du CAC 40, peine à sortir de son silence : « L’essentiel de l’activité des entreprises adhérentes se déroule hors de France. A quoi bon s’exposer quand la France représente à peine 5 ou 10% du chiffre d’affaires ? » Toutefois, engagée dans des discussions internes, l’association, qui compte des poids lourds comme Patrick Pouyanné (TotalEnergies) ou Bernard Arnault (LVMH), prévoit de s’exprimer cette semaine.

Marre des normes

En attendant, pour la Macronie, le désaveu est violent. « Les patrons sont des lâches qui font preuve d’une grande ingratitude, fulmine un ministre. Souvenez-vous : en Allemagne, en 1940, de quel côté étaient les chefs d’entreprise ? » Il n’en reste pas moins que les patrons ne se sentent liés par aucun contrat. « Depuis deux ans, ce pouvoir ne nous a pas entendu, plaide un membre du Medef. La suppression des impôts de production est reportée, la réforme de l’assurance chômage élargit le bonus-malus pénalisant pour les entreprises, la suppression de la niche fiscale Pinel « abat » le secteur de la construction… »

Sans compter que certains ne sont pas insensibles aux thèses du RN : ras-le-bol des normes imposées par Bruxelles, immigration, préférence nationale pour le travail, sécurité… Les petits patrons sont d’autant plus en danger. écoutant que ces derniers mois les équipes du RN les ont approchés afin de les rassurer : oui, la sortie de l’euro est bel et bien enterrée, l’abrogation de la réforme des retraites oubliée, la taxe sur les superprofits abandonnée…

L’exemple de l’Italie

Et l’extrême droite profite de l’effet de refoulement que la gauche exerce sur les milieux d’affaires. “Le pire pour l’économie française serait Mélenchon et La France insoumise, un grand patron s’alarme. Nous ne résisterons pas à leur haine du capitalisme, à leur désir de nous voler. » La preuve en est, vendredi, Patrick Martin n’a pas perdu une seconde pour réagir à la publication du programme du Nouveau Front Populaire : « L’irrationalité des mesures, si elles étaient mises en œuvre, conduirait à une explosion des déficits et de la dette. »

Comparé à cela, vu par les patrons, le programme RN devient presque rassurant. « Sans compter qu’il existe un argument désormais bien établi dans les milieux d’affaires : l’exemple de l’Italie, où Giorgia Meloni a modéré son programme économique une fois au pouvoir. » explique Stéphane Boujnah, directeur général d’Euronext, plateforme qui gère les bourses de Paris, Milan, Amsterdam, Bruxelles… Rare leader à s’exprimer, il s’insurge : « Mais, en réalité, le RN a un projet économique différent, radical et dangereux. » Pour mener à bien son opération de séduction auprès des milieux d’affaires, la Première ministre italienne d’extrême droite a bénéficié de la médiation de l’ancien banquier central Mario Draghi. Reste à savoir qui, en France, joue aujourd’hui ce rôle.

 
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