Près de 2 300 Montréalais ont été expulsés de leur domicile l’an dernier, contraints parfois d’abandonner leurs biens dans la rue. Saviez-vous qu’en dernier recours, il existe un service gratuit pour les stocker ?
Un phénomène s’accélère plus que jamais à Montréal. Le nombre d’expulsions a été multiplié par six entre 2020 et 2023.
Pris par surprise ou sans argent, ces personnes n’ont parfois aucun moyen de déplacer rapidement leurs meubles et doivent repartir de zéro.
«Une dame a déjà fondu en larmes lorsqu’elle a découvert que nous avions ses meubles», se souvient Pierre Harry Mingot, agent de l’écoquartier de Notre-Dame-de-Grâce et Côte-des-Neiges, qui vise à améliorer les milieux de vie.
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Manque d’informations
Depuis dix ans, Pierre Harry Mingot est responsable des expulsions dans son secteur. Il récupère les affaires des personnes expulsées, qu’il stocke gratuitement pendant deux mois dans un entrepôt. Dans certains locaux, l’espace est saturé en raison de la crise du logement.
Pierre Harry Mingot, agent for the Eco-district of Notre-Dame-de-Grâce and Côte-des-Neiges, in premises he manages, in Montreal on Friday October 25, 2024. Photo Journal 24 Heures / QMI Agency, Axel Tardieu
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On y trouve des canapés, des robes de mariée, des aquariums vides et même des plantes vertes, autant d’objets qui auraient dû être abandonnés dans la rue. Pierre Harry Mingot s’occupe du mobilier d’une centaine de locataires évincés par an.
« Les gens ne connaissent pas toujours notre service », reconnaît-il. Pourtant, « c’est un immense soulagement » lorsqu’ils l’apprennent. “Il y a des quartiers où vos affaires sont dans la rue et c’est tout.”
Ce service est essentiel en pleine crise du logement, selon Annie Lapalme du comité Entraide-Logement Hochelaga-Maisonneuve, qui déplore le fait que ce service soit peu connu.
« C’est un parcours du combattant pour comprendre comment ça fonctionne et avoir accès au service », estime-t-elle.
En pleine expulsion
Robert Bendahan aurait aimé utiliser ce service, mais il l’a découvert trop tard. À 62 ans, ce Montréalais se croit, pour la première fois de sa vie, victime d’une renovition.
« Le propriétaire faisait tout pour m’expulser. Le système m’a abandonné », pense-t-il au milieu.
Robert Bendahan dans son salon le jour de son expulsion le 10 octobre à Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal. Journal photo 24 Heures / Agence QMI, Axel Tardieu
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Souffrant de phlébite et de cirrhose du foie, il n’a pas assez d’énergie pour tout emballer. Heureusement, ses voisins sont là pour l’aider.
“Je trouve ça dommage, ça peut arriver à tout le monde”, déclare Bahaa Musa qui habite au-dessus.
Trésors de famille
Après 14 ans de vie dans ce quatre et demi de l’arrondissement Notre-Dame-de-Grâce, Robert Bendahan a accumulé de nombreux « trésors familiaux ». Il devra en jeter la moitié, ne sachant pas encore où la mettre.
Il paiera 700 $ par mois pour stocker ce qu’il peut dans une pièce le temps de trouver une solution. Il ne lui restera que 200 $ pour vivre.
Robert Bendahan dans son salon le jour de son éviction, en train de discuter avec un ami, le 10 octobre à Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal. Journal photo 24 Heures / Agence QMI, Axel Tardieu
Photo Journal 24 Heures / QMI Agency, Axel Tardieu
L’information est moins facile d’accès pour les personnes qui vivent une première expulsion, reconnaît l’huissier Marc-Olivier Poulin, « mais elles peuvent l’obtenir en appelant l’huissier » ou le 311.
Les districts dépensent
Face à la multiplication des expulsions, les administrations mettent de l’argent sur la table.
Les districts de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (MHM) et Ville-Marie, par exemple, ont augmenté leur budget de 34 % en 4 ans. Dans Rosemont-La-Petite-Patrie, les dépenses ont triplé depuis 2020.
Meubles de personnes évincées dans les arrondissements Notre-Dame-de-Grâce et Côte-des-Neiges, à Montréal le vendredi 25 octobre 2024. Journal photo 24 Heures / Agence QMI, Axel Tardieu
Photo Journal 24 Heures / QMI Agency, Axel Tardieu
« Pour soutenir les plus vulnérables », Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles offre ce service depuis juillet 2023.
« Certains locataires restaient à proximité de leurs biens pour les protéger et éviter les pillages, ce qui était extrêmement inquiétant », explique un porte-parole.
Pour connaître le service
- Son fonctionnement est spécifique à chaque quartier. À Saint-Laurent, la personne expulsée doit débourser 703 $ pour un mois d’entreposage. À Saint-Léonard, c’est gratuit pendant 60 jours.
- Le locataire ne doit pas se fier uniquement à ce service au risque de tout perdre. Selon la loi, l’huissier peut dans un premier temps vendre les biens pour, par exemple, rembourser les honoraires de l’huissier ou payer la dette du propriétaire.