Le fonds activiste a approché plusieurs actionnaires du groupe de spiritueux alors que les résultats souffrent aux Etats-Unis et en Chine. Les querelles familiales avec l’épouse de l’ancien PDG demeurent.
Cela devient une Arlésienne chez Pernod Ricard. Aujourd’hui, à la salle Pleyel où ils tiennent leur assemblée générale, les dirigeants parleront d’un vieil ennemi qui continue de tourner autour d’eux. Le fonds américain Elliott, qui avait attaqué le groupe en 2018, revient à la charge. Selon plusieurs sources, il aurait contacté ces dernières semaines plusieurs actionnaires du géant de l’alcool.
Selon nos informations, les fonds Wellington, actionnaire à 5% de Pernod Ricard, et Fidelity qui en détient 1,5%, ont été approchés. Massachusetts Financial Services (MFS-4,2%) l’aurait également été, tout comme Artisan Partners qui en détient moins de 1%. Ce dernier a été d’autant plus remarqué qu’il est connu comme fonds activiste en France pour avoir contribué à l’éviction de l’ancien patron de Danone, Emmanuel Faber, en 2021.
« Ils ne sont pas agressifs avec nous », nuance un proche de Pernod. L’agitation d’Elliott a été remarquée par plusieurs autres actionnaires qui s’attendaient à être interrogés.
Le fonds activiste les a interrogés sur les performances financières de Pernod Ricard. Le groupe traverse une période de turbulences. Fin août, elle a publié ses résultats annuels (exercice décalé), qui ont souffert d’une baisse de 10% des ventes aux Etats-Unis et en Chine. Le cours de l’action a été divisé par deux en un an et demi, en raison du ralentissement de la croissance chinoise et des droits de douane sur le cognac. Les marchés s’inquiètent alors que les résultats du concurrent Campari ont chuté.
Le groupe des esprits est vigilant, mais ne s’inquiète pas de cette nouvelle agitation. Car, selon nos informations, le fonds activiste n’est pas redevenu actionnaire de Pernod Ricard. «Elliott fait un test de marché, car le prix a baissé de manière significative, veut croire un proche du groupe. Il ne prépare rien. Contactés, le fonds américain et le groupe familial n’ont pas souhaité commenter nos informations.
Corinne Ricard dans le sillage d’Elliott ?
Mais le moindre geste d’Elliott est scruté de près par le PDG, Alexandre Ricard, brûlé par l’offensive de 2018. Le patron du groupe ne peut s’empêcher de s’interroger sur les véritables intentions du fonds américain. L’année dernière, Elliott avait approché Corinne Ricard, veuve de l’ancien PDG Patrick Ricard, qui cherchait à vendre ses actions, comme l’avait révélé BFM Business. Elle sollicite alors l’aide d’Alain Minc, conseiller des grands patrons, qui avait soutenu le fonds activiste lors de son offensive sur Pernod. « Aux Ricard, qui entend le nom d’Elliott pense à Corinne », résume un bon connaisseur du dossier.
Suite à cette crise, la famille a modifié les statuts de sa société Paul Ricard – qui détient 15 % du capital de Pernod. Désormais, les héritiers disposent d’un droit de préemption sur toutes les parts sociales de tous les membres de la famille. Personne ne peut donc vendre ses titres en dehors du groupe. La famille Ricard sait bien que le « cas Corinne » n’est pas encore réglé sur le fond. « Elle cherche toujours à vendre ses actions » se souvient un bon connaisseur du groupe.
Les Ricard savent qu’il faudra un jour les racheter. Ainsi que les agissements des trois enfants issus de son mariage avec Patrick Ricard, qui ont pris leurs distances avec le groupe. Leur fils, Paul-Charles Ricard, a quitté le conseil d’administration il y a trois ans, alors qu’il était le représentant de la société Paul Ricard. Dans la famille, personne ne doute qu’à terme, la branche de l’ancien PDG quittera l’empire.
Matthieu Pechberty Journaliste BFM Affaires