Voyant l’hécatombe dans les résidences pour personnes âgées au début de la pandémie, Suzie Lefebvre s’est dit qu’« il n’était pas question qu’elle vieillisse là-dedans ». Son fils Yannick, âgé de 29 ans, leur propose d’acheter une maison intergénérationnelle. Ce n’était pas idéal : un tel logement nécessite une porte communicante. À moins d’entreprendre de gros travaux, il serait impossible de louer à quelqu’un extérieur à la famille.
Mère et fils ont visité des duplex et des triplex. Ces bâtiments étaient trop chers et nécessitaient des rénovations majeures d’au moins 200 000 $.
Il y a deux ans, une autre possibilité s’est présentée : leur municipalité de Sainte-Catherine, sur la Rive-Sud, a été l’une des premières au Québec à autoriser la construction de « logements accessoires » (CHA). Une UHA est un logement attenant à une maison unifamiliale. Il peut s’agir d’un appartement attenant à la résidence principale ou d’une petite maison construite dans l’arrière-cour d’une propriété – une « maison de jardin ».
« Nous avons dit : ‘Mon Dieu, c’est parfait pour nous.’ Mon fils va vivre dans une maison toute neuve pour une fraction du prix qu’il paierait sur le marché », affirme Suzie Lefebvre de Devoir.
La mère de 63 ans et son fils ont décidé de construire un logement de deux chambres attenant à la maison de M.moi Lefebvre. L’entrepreneur a commencé à creuser les fondations la semaine dernière. Si tout se passe comme prévu, l’enveloppe extérieure des logements sera complétée au début du mois de décembre. Yannick aménagera lui-même l’intérieur durant l’hiver.
Facture totale pour la nouvelle maison, incluant les taxes et les services d’un technologue en architecture : environ 300 000 $. Une aubaine dans ce marché immobilier en surchauffe. La maman en profite pour remettre à neuf la façade de sa maison achetée à la fin des années 1990. Elle et son fils partageront la cour arrière, équipée d’un cabanon et d’une piscine hors terre.
Suzie Lefebvre envisage même d’ajouter une mini-maison pour sa fille de 34 ans. Le terrain est assez grand. Quel que soit le scénario, elle est soulagée de pouvoir léguer ses biens en héritage à ses deux enfants.
Cours à suivre
«Avec la flambée des prix des logements, la crise du logement et le vieillissement de la population, nous pensons que les logements accessoires peuvent répondre à un besoin», estime Simon Ménard, conseiller en aménagement du territoire à la Ville. de Sainte-Catherine.
Cette commune d’un peu plus de 17 000 habitants, située en bordure du fleuve, ne dispose pratiquement plus de terrains pour construire de nouveaux quartiers. La pénurie de logements frappe aussi durement ici qu’ailleurs au Québec. Mais certaines cours de maisons unifamiliales sont immenses.
La municipalité a décidé de sortir des sentiers battus et d’autoriser le développement de logements dans ces vastes espaces inoccupés. Les urbanistes appellent cela une « densification douce », moins invasive que la construction de tours de grande hauteur ou d’immeubles massifs de 36 appartements.
Ce n’est pas encore la ruée vers les petites maisons. En deux ans, Sainte-Catherine a reçu dix demandes de permis pour des UHA. Quatre permis ont été accordés, deux maisons sont en construction et une autre est achevée (une maison « illégale », qui a été régularisée après l’achat de la maison par un nouveau propriétaire).
Un projet de mini-maison en fond de cour a été abandonné en raison de la présence d’arbres matures. La Ville de Sainte-Catherine, comme la plupart des municipalités du Québec, prend au sérieux la protection des grands arbres.
Logement nécessaire
La présence d’arbres ou d’autres obstacles peut gêner le développement des abris de jardin. Les entrepreneurs refusent de travailler sur des terrains où l’espace est jugé trop étroit pour accueillir de la machinerie ou pour entreposer des matériaux de construction, explique Guillaume Lessard, professeur invité à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université. de Montréal.
« Ce n’est pas toujours facile de construire quelque chose de nouveau dans une cour. Cela peut coûter plus cher que l’achat d’un duplex, surtout dans les zones urbaines où il y a déjà de la densité », précise le spécialiste de l’UHA.
Le professeur a étudié le phénomène des maisons-jardins (ou ruelles) à Vancouver, Edmonton, Toronto et Ottawa, où ce type d’habitation a été autorisé ces dernières années. Les mini-maisons se développent lentement : 5 000 de ces unités ont été construites à Vancouver en plus d’une décennie, 800 à Edmonton, quelques centaines à Toronto et quelques dizaines à Ottawa.
« Il s’agit de logements supplémentaires sur les marchés qui en ont besoin. C’est certainement un outil dont les villes ne devraient pas se priver », estime Guillaume Lessard.
Le reste du Canada s’est tourné vers les maisons-jardins pour une raison très simple : il y a peu ou pas de duplex ou de triplex au Canada anglais, explique Guillaume Lessard. Les maisons unifamiliales et les tours dominent les villes canadiennes.
À Edmonton, les nouveaux bungalows sont souvent dotés d’un logement au sous-sol et d’une petite maison dans la cour. «D’un point de vue québécois, c’est une forme de triplex inhabituelle», explique le professeur.
Un mouvement qui s’accélère
Il juge « inévitable » que les villes québécoises autorisent progressivement les maisons-jardins et les logements attenants à une résidence principale. Un bungalow sur un grand terrain n’est pas rentable pour une municipalité. Deux logements sur le même terrain procurent des revenus supplémentaires pour financer les services.
La densification est bonne pour les entreprises locales et bonne pour la planète, car elle limite l’étalement urbain qui fait exploser le nombre de voitures. C’est la raison pour laquelle les récents changements législatifs favorisent une « densification douce » des municipalités québécoises, rappelle Guillaume Lessard. Les villes doivent généralement approuver les projets de logements rattachés à une résidence principale. Et ils ne peuvent plus organiser de référendums sur des projets de mini-maison individuelle au fond d’une cour.
Depuis deux ans, les villes qui ont donné leur feu vert à ce type d’habitat se multiplient. Gatineau, Laval, Longueuil, Trois-Rivières, Nicolet, Granby, Victoriaville, Rouyn-Noranda, Rivière-Rouge et d’autres municipalités ont autorisé des UHA ou envisagent de le faire.
Au village gaulois
La municipalité de Val-David, au nord de Saint-Jérôme, est en voie d’agréer ce type d’habitation. « Nous avons un taux de vacance de 0 % ! Nous voulons que les gens puissent se loger», affirme la mairesse Dominique Forget.
Val-David, c’est un peu le village gaulois des Laurentides. La municipalité de 5 500 habitants, qui compte sans doute l’une des plus grandes proportions de thérapeutes en acupuncture, massothérapie, ostéopathie et réalignement des chakras au Québec, résiste au développement excessif qui frappe ses voisines. Une communauté d’artistes et d’amateurs de plein air a fait son nid dans ce village pas comme les autres.
Val-David est cool. Et veut le rester, souligne le maire. Plusieurs médecins exerçant dans les hôpitaux ou cliniques voisines vivent dans le village. Dominique Forget dit espérer que les infirmières et les préposées aux bénéficiaires pourront également trouver un logement.
«Nous souhaitons que les personnes âgées ou les petites familles aient les moyens d’avoir leur propre logement en leur proposant un logement ou une petite maison à louer sur leur terrain», explique-t-elle.
Plusieurs maisons sont construites sur de grands terrains. La municipalité entend veiller à ce que les tiny house respectent l’intimité et la tranquillité du village, en veillant par exemple à ce qu’aucune fenêtre ne donne sur la terrasse ou la piscine des voisins. Une consultation menée auprès de 440 citoyens a révélé un fort appui au développement des maisons-jardins, souligne Dominique Forget.
« Nous sommes là. Le modèle de la maison unifamiliale ne peut plus être le seul modèle d’habitat, même loin des grands centres. Les gens peuvent avoir des craintes légitimes pour leur tranquillité d’esprit, mais nous allons densifier de manière responsable. Nous ne pouvons pas maintenir le statu quo. »