Que restera-t-il des baisses de cotisations patronales suite à l’examen des textes budgétaires cet automne ? Le gouvernement veut augmenter le montant de ces charges, actuellement réduits pour les bas salaires, afin de faire des économies dans une situation budgétaire très dégradée. Mais plusieurs groupes parlementaires n’entendent pas valider ce projet et remettre en cause cette logique d’augmentation du coût du travail, également dénoncée par le patronat.
Le ministre de l’Économie, Antoine Armand, a déclaré dimanche 3 novembre Échos vouloir “atténuer” et compenser l’augmentation de ces cotisations initialement prévue. Pour tenter d’y voir clair, franceinfo revient en quatre questions sur ces réductions dont bénéficient les entreprises et qui pourraient être réduites.
De quelles réductions de cotisations bénéficient les entreprises ?
Actuellement, les entreprises bénéficient d’aides pour certains salaires qu’elles versent, entre 1 et 3,5 fois le Smic, soit entre 1 398 euros net et 4 800 euros net. Au sein de cette fourchette très large, il existe différents seuils d’allègement. Il peut donc y avoir des effets de seuil forts : pour un salarié à 1,59 Smic, un chef d’entreprise bénéficie ainsi de 13 points d’exonération de cotisations, alors que s’il la porte à 1,61 Smic, c’est moitié moins. Au total, ces exonérations de cotisations salariales, très concentrées au niveau du Smic, coûtent désormais aux finances publiques 75 milliards d’euros par an.
Quel est le projet initial du gouvernement ?
Lors de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, le gouvernement a défendu le 10 octobre un «première étape de la refonte des réductions de cotisations sociales» limiter « le phénomène du piège des bas salaires ». Ce « une réforme structurelle, qui sera menée en deux étapes, en 2025 et 2026 »prévoit d’augmenter les cotisations patronales comprises entre 1 et 1,3 Smic de deux points de pourcentage en 2025, puis de deux points supplémentaires en 2026. Ces cotisations baisseront en revanche pour les salaires compris entre 1,3 et 1,8 Smic brut et remonteront encore plus loin. Cette réforme devrait rapporter 4 milliards d’euros à la Sécurité sociale.
Aide aux entreprises pour les bas salaires « deviennent trop chers »a souligné la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, pour justifier la révision du barème, sur la base de plusieurs rapports récents. “Ce n’est pas un retour en arrière, c’est un ralentissement”a fait valoir son collègue du Budget Laurent Saint-Martin, proposant même de “discuter” du gain attendu de 4 milliards d’euros.
Pourquoi la refonte des cotisations est-elle critiquée ?
Michel Barnier et ses ministres ont connu plusieurs déboires sur ce dossier. Le 22 octobre, les députés de la commission des Affaires sociales, notamment ceux des groupes macronistes, LR et RN, se sont prononcés contre la refonte des exonérations patronales. Huit jours plus tard, en séance publique, une majorité de parlementaires ont supprimé cette refonte, contre l’avis du gouvernement. Pour les groupes parlementaires de centre, droite et extrême droite, la révision de ces allègements augmenterait le coût des travaux. « Arrêtez de dire que ce sont des économies, ce sont des augmentations de cotisations obligatoires »a ainsi dénoncé l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Par ailleurs, la réforme globale des réductions de ces cotisations se heurte à l’opposition des employeurs. Selon un communiqué commun du Medef, de la Confédération des PME, de l’U2P, de la FNSEA et de l’Udes, les réduire représenterait “une charge supplémentaire de plus de 5 milliards d’euros qu’il faudrait supporter” entreprises, taille « mécaniquement leurs marges »au risque de provoquer «destruction d’emplois»notamment pour les salariés proches du SMIC.
Comment compenser une augmentation des cotisations plus faible que prévu ?
Dans Les EchosDimanche 3 novembre, le ministre de l’Économie a déclaré vouloir “améliorer” la proposition initiale et “atténuer” la hausse des cotisations patronales sur les bas salaires, en échange “d’autres efforts” qui peuvent concerner les horaires de travail. Cela pourrait « prendre plusieurs formes, notamment une augmentation du temps de travail – qui reste insuffisante en France »estime le ministre. L’abandon d’un deuxième jour férié « est une piste parmi d’autres »selon lui. « L’objectif doit être, en tout cas, d’augmenter le nombre d’heures travaillées sur l’année, pour pouvoir financer notre modèle de protection sociale auquel nous tenons tous. Nous ferons des propositions à ce sujet »défend le ministre.
Malgré l’opposition d’une majorité de députés, notamment ceux de la « base commune », le gouvernement garde la main : il pourrait décider d’introduire la réforme de son choix dans le texte final adopté via le recours à l’article 49.3, à l’Assemblée nationale. . Il s’exposerait alors au dépôt d’une motion de censure qui pourrait le renverser, si elle était votée par 289 députés.