Le transfert des jeunes Québécois des écoles secondaires francophones vers les cégeps anglophones préoccupe le commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil. Mais Québec croit déjà avoir résolu ce problème.
Lors d’une conférence de presse organisée jeudi dans la capitale nationale, le commissaire Dubreuil a présenté aux médias une série d’études sur l’état du français au Québec. Parmi ses constats : la baisse du nombre d’étudiants fréquentant les cégeps francophones.
Selon les données du commissaire, 9 % des diplômés du secondaire entre 2009 et 2021 ont choisi de fréquenter un cégep anglophone. Même si cette statistique peut paraître faible, elle illustre parfaitement la notion de « transfert linguistique » observée ces dernières années au Québec, a relevé M. Dubreuil.
« Les mouvements sont deux fois plus nombreux du français vers l’anglais, et ça se passe [surtout] entre l’école secondaire et le cégep », a-t-il déclaré.
Cette tendance est d’autant plus importante, selon M. Dubreuil, que la probabilité d’utiliser le français au travail diminue considérablement lorsqu’un étudiant termine toute sa carrière postsecondaire en anglais, même s’il est francophone.
Dans ses documents s’appuyant notamment sur des études de Statistique Canada, le commissaire calcule qu’une personne qui fréquente des établissements francophones de la maternelle au doctorat sera près de trois fois plus susceptible (88 %) d’utiliser le français au travail qu’une personne qui obtient son poste. -diplômes secondaires d’un cégep et d’une université anglophones (32 %).
“Pour moi, la conclusion est assez claire : plus vous êtes longtemps dans le réseau, plus vous êtes exposé longtemps à une langue pendant vos études, plus la probabilité augmente alors d’utiliser la langue sur le marché du travail et ailleurs”, a déclaré le commissaire Dubreuil. .
Toutefois, selon le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, cette tendance à l’anglicisation est déjà en train de s’inverser.
En imposant des plafonds d’inscription dans les cégeps anglophones, le gouvernement du Québec a ralenti le transfert des étudiants francophones et allophones vers le réseau collégial, a soutenu l’élu caquiste en entrevue avec Devoircette semaine.
Selon les estimations du ministère de l’Enseignement supérieur, 14,6 % des inscriptions au réseau des cégeps se feront dans des établissements anglophones en 2030-2031. Il s’agit de trois points de pourcentage de moins qu’en 2020-2021, année durant laquelle un pic de fréquentation a été enregistré dans les cégeps anglophones.
Au contraire, prédit-il, la proportion d’étudiants inscrits dans les cégeps en français ne fera qu’augmenter dans les prochaines années. Sur un graphique, la courbe d’inscription dans les territoires francophones ressemble à un V.
«Le mandat que m’a donné le Premier ministre [donné] en 2022, il s’agirait d’inverser le déclin de la langue française. Je crois qu’on est en train de le faire dans les cégeps. La démonstration est claire», a-t-il soutenu.
« Loi 96 »
Le plafond d’inscriptions dans le réseau des cégeps anglophones s’applique seulement depuis le début de l’année 2023-2024. C’est une conséquence directe du projet de loi 96 réformant la Charte de la langue française, adopté en 2022 à la fin du premier mandat de François Legault.
Pour limiter le transfert des jeunes Québécois des écoles secondaires francophones vers les établissements d’enseignement supérieur anglophones, l’ancien ministre responsable de la langue française, Simon Jolin-Barrette, imposait alors une double exigence aux cégeps anglophones : chaque année, tous Ensemble, ils ne peuvent accueillir qu’un total de 30 834 étudiants, pas plus. La proportion de places disponibles dans les cégeps anglophones ne peut excéder 17,5 % du total des places du réseau collégial.
La loi prévoit également qu’il est impossible de dépasser les niveaux de l’année précédente. Avec l’augmentation de la taille des classes collégiales, le réseau anglophone est donc condamné à perdre du poids dans le partage des places.
Sans dire s’il s’agit de la meilleure solution pour assurer la fréquentation du réseau collégial francophone, Benoît Dubreuil décrit le plafonnement des inscriptions dans les cégeps anglophones comme une mesure prometteuse pour contribuer à ralentir l’anglicisation du Québec.
«C’est sûr que s’il y a plus de gens qui étudient le français plus longtemps, l’effet sera visible», soutient M. Dubreuil, tout en soulignant que «l’école ne fait pas tout». « Il faut avoir des attentes modérées. »
Dans le cadre des débats sur le projet de loi 96, le Parti québécois a proposé que le projet de loi 101 s’étende aux cégeps. Selon Jean-François Roberge, les résultats de la mesure choisie par son gouvernement prouvent qu’elle n’était pas nécessaire.
« Nous nous rapprochons chaque année. Si on appliquait strictement la loi 101 au cégep, c’est-à-dire une interdiction pure et simple, il faut dire aussi qu’il y aurait moins de diversité sociale», dit-il. « Il me semble que nous avons une approche pragmatique. »