Renault fait un pari en choisissant de relancer un site industriel en perte de vitesse. Loin des 469 510 véhicules produits en 2004 aux belles heures du Scénic, Douai a connu une longue traversée du désert à partir de 2019 en raison de la pandémie et de la faiblesse des ventes. La production reste faible en 2023, avec 51 486 exemplaires (principalement Mégane). Un changement de braquet est prévu pour 2025, avec l’ambition de fabriquer 400 000 véhicules. “Quand je suis arrivé, il n’y avait rien ici, c’était vide.” se souvient Luca de Meo, directeur général du groupe depuis 2020. L’une de ses premières décisions a été de localiser les nouveaux produits électriques du groupe en France, en créant un écosystème complet appelé « Électricité » et une marque B2B dédiée à la conception et à l’industrialisation de l’électricité. véhicules, Ampère. “On m’a dit que j’étais complètement fou quand j’ai pris cette décision” Luke de Meo continue.
Compactage industriel et optimisation logistique
Mais un claquement de doigt n’a pas suffi à relancer la machine. De multiples développements et investissements ont été réalisés pour assurer la compétitivité de la Manufacture. « La transformation a commencé en 2021 » » raconte Pierre-Emmanuel Andrieux, directeur de l’usine depuis quatre ans. Il y a d’abord eu l’installation de la nouvelle chaîne d’assemblage, conçue selon les standards industriels de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi et qui s’étend désormais sur un seul étage, et non plus deux. Sa mise en œuvre s’est accompagnée d’un important compactage du site industriel. Cette dernière est aujourd’hui réduite à 118 hectares, dont 32 de bâtiments couverts grâce notamment à la vente en 2021 de 144 hectares à AESC Envision. Le fabricant de batteries sino-japonais y a érigé une gigausine, qui doit commencer à livrer des modules de batteries Renault pour la R5 à partir de mars 2025. Ceux-ci parcourront en petit train les 500 mètres qui séparent leur site de production de l’usine Renault.
« Nous avons également réduit nos surfaces couvertes de 32 % » assure Pierre-Emmanuel Andrieux, qui a tenté d’optimiser la logistique de l’usine pour gagner en efficacité et réduire les coûts. « Nous avons procédé à des réductions de stocks et à des optimisations de nos process », avec l’intégration d’une plateforme logistique, rendue possible grâce à l’implantation d’un grand nombre de fournisseurs à proximité (Renault revendique la présence de 75% de ses fournisseurs dans un rayon de 300 kilomètres). « L’organisation de l’approvisionnement en pièces a changé, continues Pierre-Emmanuel Andrieux. Si vous récupérez vos pièces à 50 kilomètres d’ici, vous avez besoin de beaucoup moins de stock de sécurité que si vous récupérez vos pièces à des milliers de kilomètres ! À partir du moment où nous réduisons nos stocks, nous avons besoin de moins d’espace de stockage, ce qui nous permet de libérer de l’espace pour intégrer des processus comme l’assemblage de batteries. Cet atelier est situé depuis 2021 dans le même bâtiment que l’assemblage final des véhicules. Une centaine de personnes fabriquent jusqu’à 500 batteries par jour, à partir de boîtiers de batteries fabriqués à l’usine de Ruitz (Pas-de-Calais).
Produire le R5 en moins de 10 heures
Dans la continuité de toutes ces modifications, un seul objectif : « Réduire de 50 % le coût du système industriel. Nous avons déjà atteint 30% », se félicite Pierre-Emmanuel Andrieux, qui sait qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Le réalisateur compte notamment sur l’amélioration de l’organisation des postes de travail et une usine entièrement connectée en 2027. Mais une autre étape importante arrive entre-temps : produire la R5 en moins de 10 heures chrono, et viser à terme les 9 heures ! Cette tâche revient à la nouvelle directrice des opérations industrielles d’Ampère, Anne-Catherine Brieux. “L’objectif est d’y arriver d’ici fin 2025 et ensuite viser 9 heures pour faire mieux et plus vite que notre concurrent qui tourne autour de 35 heures de production”, explique Thierry Charvet, le directeur industriel et qualité du groupe Renault, en faisant implicitement référence à Tesla. Une manière de rappeler à quels concurrents Renault se compare et lesquels elle souhaite devancer au poteau.
Cet objectif est réalisable car « la R5 a une génétique en termes de conception pour être produite en moins de 10 heures », poursuit Thierry Charvet. Le modèle compte environ 1000 pièces, contre 1500 sur les modèles précédents du groupe. “Et nous visons 750 sur la future Twingo”, compléter Luca de Meo.
Fin octobre, l’usine de Douai était dans sa cinquième semaine de montée en puissance, capable de produire 530 voitures par jour, dont environ 300 modèles R5. L’usine de 2 853 salariés a embauché 450 personnes, dont 33% de femmes, pour répondre aux besoins de production du nouveau modèle phare du Losange. Si l’usine fonctionne actuellement avec une équipe et demie, le rythme devrait bientôt s’accélérer. La Manufacture produira les carrosseries blanches de la R4, assemblées à Maubeuge (Nord), et s’apprête à accueillir deux nouveaux véhicules supplémentaires en 2025 : la nouvelle Nissan Micra, dont les outils commenceront à arriver en début d’année, puis un véhicule Mitsubishi dérivé du Scénic. Avec six véhicules électriques et un outil industriel relooké, Renault Douai est prêt à revivre de belles années.
Le prix de l’énergie, encore plus stratégique que le coût du travail ?
Malgré les détracteurs qui estiment que produire des petites voitures électriques en France n’est pas rentable, Luca de Meo persiste et signe. Sa justification : « Le passage aux véhicules électriques ne permet plus d’utiliser le coût de la main-d’œuvre comme excuse. » Josep Maria Recasens, directeur opérationnel d’Ampère, précise : « Le fait que le groupe Renault ait décidé il y a trois ans de créer « Électricité » et de localiser la production de toutes ses voitures électriques en France – en France ! pas en Roumanie, au Maroc, en Espagne… en France ! – était une décision stratégique basée sur la particularité de l’énergie dont nous disposons en France. Les centrales nucléaires garantissent un accès direct à une énergie avec l’une des empreintes carbone les plus faibles de la planète et à un prix très compétitif, qui compense largement les désavantages de coûts que connaît la France. Josep Maria Recasens estime que pour chaque euro dépensé en coûts de main d’œuvre, trois sont dépensés en énergie, rappelant au passage que produire un véhicule électrique consomme deux fois plus d’électricité que pour un équivalent thermique, sur l’ensemble de la chaîne de valeur.