Des « Serpuariens » entreposés dangereusement au Québec ?

Des « Serpuariens » entreposés dangereusement au Québec ?
Des « Serpuariens » entreposés dangereusement au Québec ?

Nous voici à Lavaltrie, au siège social de FCM Recyclage. C’est l’un des grands acteurs du recyclage électronique, avec cinq usines à travers le pays. FCM Recyclage s’engage à suivre des processus responsables et éthiques.

Sur le terrain, Noovo Info constate que les lieux débordent.

En visitant la cour de l’usine, aucun membre du personnel ne nous interroge sur notre présence. Des tonnes de déchets sont stockés à l’air libre, entassés ou jetés dans des conteneurs – certains de ces conteneurs sont partiellement couverts.

Sur place, on voit bien les boîtes déchirées des dépôts officiels du programme québécois de recyclage des produits électroniques…

Les fameux « Serpuiens ».

Est-ce vraiment la bonne façon de procéder ?

Mario Laquerre, ancien directeur de la gestion des connaissances chez Recyc-Québec, nous rencontre près du site de FCM Recyclage. “Cela pourrait être dangereux s’il y avait un incendie à l’intérieur”, commente-t-il. Selon le professeur spécialisé en gestion des déchets à l’Université de Sherbrooke, il existe un risque d’incendie si des objets comme des ordinateurs usagés sont laissés à l’air libre.

Noovo Info vérifié auprès du Service de sécurité incendie de la MRC de D’Autray, qui couvre le territoire de Lavaltrie, dans Lanaudière : il y a eu quatre incendies à l’usine depuis 2022.

« Exactement », a répondu Mario Laquerre en apprenant cette information. “C’est là qu’il faut être prudent.”

« Il ne faut pas accumuler indûment des matériaux en vue de les traiter beaucoup plus tard. »

– Mario Laquerre, ancien directeur chez Recyc-Québec entre 1996 et 2023

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Les dangers d’un stockage inapproprié de certains métaux

À l’intérieur de nos vieux produits électroniques que nous jetons, se trouvent des métaux lourds toxiques : plomb, mercure, cadmium… Bien stockés, ces métaux ne représentent pas vraiment de danger pour la santé ni pour l’environnement. Cependant, un danger demeure lorsqu’ils sont modifiés.

Aux abords du site FCM Recyclage, Noovo Info observe plusieurs types de cartes électroniques qui traînent. C’est alors que de tels objets sont considérés comme des matières dangereuses résiduelles, qui ne peuvent être stockées en tas à l’extérieur d’un bâtiment.

« Les Québécois paient environ 20 millions de dollars par année en éco-frais pour la gestion des produits électroniques excédentaires », calcule M. Laquerre. A ce montant, il estime donc qu’on devrait être au « risque zéro quand on a des matières qui sont dangereuses ».

Noovo Info a interrogé FCM Recyclage sur ses méthodes d’entreposage des matériaux.

On nous dit qu’il n’y a pas d’objets « en permanence » à l’extérieur. « Il y a du matériel qui est en transit ; parfois, c’est collecté à l’extérieur », explique Gilles Marcotte, vice-président ventes et marketing chez FCM Recyclage, qui nous précise que l’entreprise ne garde pas de conteneurs remplis de matériel informatique à l’extérieur – sauf si c’est « à la minute près avant d’entrer en déchiquetage ».

Noovo Info a constaté qu’un conteneur de déchets électroniques traînait dehors chez FMC Recyclage depuis plus de six mois.

Le Loi sur la qualité de l’environnement stipule que le stockage extérieur qui l’expose aux intempéries présente un risque pour l’environnement en raison des contaminants toxiques solubles contenus dans certains composants. A ce titre, les opérations de stockage, de démontage et de traitement des matériels informatiques en fin de vie ainsi que la gestion du matériel issu de ces opérations sont régies par la Règlementation sur les matières dangereuses. Cette réglementation est claire. « Les matières dangereuses résiduelles ne peuvent pas être stockées en tas à l’extérieur d’un bâtiment. »

Des contrôles « réguliers », mais des conteneurs qui traînent depuis des mois

Direction eCycle Solutions, à Salaberry-de-Valleyfield, en Montérégie – une autre importante entreprise de recyclage électronique en activité au Canada.

«Nous recevons des équipements de tous les écocentres du Québec», assure Tony De Iuliis, directeur général de Salaberry-de-Valleyfield. Il est recyclé à un niveau « autour de 97 % ».

De tous ces éléments, il n’y en a aucun à l’extérieur, nous assure-t-on. « Tout est entré dans notre immeuble. Nous avons un agent de sécurité et des caméras.

Pourtant, des vidéos filmées par Noovo Info avec un drone montrent clairement des conteneurs remplis de déchets électroniques à l’extérieur du bâtiment. Mis au courant de cette situation, le gérant hésite et répond : « Non… Dans la cour ? Non. Si nous avons des conteneurs, nous pouvons avoir des lots, mais les informations ont déjà été supprimées.

FCM Recyclage et eCycle Solutions sont toutes deux accréditées par l’Association pour le recyclage des produits électroniques du Québec (ARPE-Québec), mandatée par l’ARPE-Québec. Sa directrice, Dominique Levesque, soutient que les exploitants veillent à ce que tous les déchets électroniques soient protégés des intempéries et traités le plus rapidement possible afin qu’il n’y ait ni stockage ni accumulation.

Une « bonne année » pour les « Serpuariens » ?

Aucune amende récente n’a été infligée à FCM Recyclage ou à eCycle Solutions récemment, selon les informations disponibles auprès du ministère de l’Environnement.

Chez Recyc-Québec, on nous dit que la responsabilité de la surveillance des sites de recyclage électronique incombe à l’ARPE-Québec, qui nous apprend que des inspecteurs visitent régulièrement les recycleurs.

L’ARPE-Québec estime avoir terminé l’année 2023 avec « d’excellents résultats », mentionnant que plus de 19 000 tonnes de « Serpuariens » ont été collectées et détournées des sites d’enfouissement.

Des risques pour la santé des travailleurs ? Un ancien employé de FCM Recyclage à Lavaltrie nous parle des risques que représente un emploi dans ce domaine pour la santé et la sécurité des travailleurs. Noovo Info a recueilli son témoignage sous couvert d’anonymat car il craint des représailles. Cet ex-employé affirme avoir été contraint de faire une prise de sang en raison d’un risque de contamination au plomb. L’ouvrier n’a jamais vu les résultats ; on lui a seulement dit que « tout allait bien ».

Abonnez-vous à la newsletter Noovo Info pour la suite de l’enquête de Marie-Claude Paradis-Desfossés sur les « Serpuariens » cette semaine.

 
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