Une taxe pour les millionnaires ? « Nous n’allons pas mettre en place des brigades de contrôle pour vérifier ce que les contribuables ont chez eux »

Une taxe pour les millionnaires ? « Nous n’allons pas mettre en place des brigades de contrôle pour vérifier ce que les contribuables ont chez eux »
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Nous espérons lever entre 3 et 4,5 milliards d’euros par an pour financer la baisse des impôts sur les bas et moyens salaires. C’est l’idée principale : faire un « fiscal shift ». Ce que nous visons, ce sont vraiment les très gros patrimoines, les 5%, voire les 2 ou 3% des Belges les plus riches, aux « larges épaules ». En fait, c’est un peu le même public que ceux qui sont aujourd’hui soumis à la fiscalité des comptes-titres, qui disposent d’au moins un million d’euros en espèces, alors que l’épargne moyenne des Belges est de 10 000 euros.

La « taxe des millionnaires » verra-t-elle le jour en Belgique ? « On risque de devoir créer un monstre en termes de contrôle »

La Belgique est l’un des pays qui taxe déjà le plus le patrimoine en Europe, avec une série d’impôts visant son acquisition, sa détention, sa transmission, sans oublier le précompte immobilier et foncier….

C’est vrai que le patrimoine est déjà taxé, c’est une évidence. Mais nous considérons que l’on peut demander une contribution supplémentaire aux 2 ou 3% des Belges les plus riches, pour financer une mesure qui réduira la fiscalité du travail pour une grande partie des travailleurs du pays.

La fiscalité est une logique globale, c’est une horloge. Une fois que vous touchez un côté du mécanisme, vous devez rééquilibrer de l’autre. Chez Écolo, nous ne sommes pas de ceux qui proposent des mesures de réduction d’impôts sans les compenser, ni même d’augmenter les impôts simplement pour remplir les caisses de l’État. Notre objectif est de rééquilibrer notre fiscalité.

Et notre constat est que les taxes sur le travail sont aujourd’hui trop élevées. Tous les partis politiques le reconnaissent. Dans notre programme, nous avons donc cette mesure de baisse de fiscalité sur les bas et moyens salaires, de 300 euros net pour le Smic qui avoisine aujourd’hui 2 000 euros brut. Et on baisserait aussi les impôts jusqu’au salaire médian, qui est d’environ 4 400 € brut par mois. Et s’il reste des ressources disponibles, on peut aller un peu plus loin.

L’idée est qu’entre la moitié et les trois quarts des travailleurs en Belgique – indépendants comme salariés – devraient bénéficier d’une réduction substantielle des impôts. Mais nous ne voulons pas faire un trou dans le budget avec cette mesure. Comment ? Nous demandons à ceux qui ont les épaules les plus larges de contribuer. Tout comme les multinationales qui ont encore des comportements polluants. Enfin, nous voulons réduire les subventions aux énergies fossiles et à tout ce qui contient encore du carbone. Aujourd’hui, ces subventions représentent encore 13 milliards d’euros par an – l’État subventionne les énergies fossiles, le gaz, le diesel professionnel, les voitures salariales (entreprise, NDLR), etc. Il faut réduire cela progressivement mais sans toucher par exemple au tarif social qui aide les familles les plus précaires.

mouette

Je n’ai aucun doute sur la créativité, en matière d’évasion fiscale, des fiscalistes et des gens qui possèdent les plus gros actifs. Je ne suis pas naïf quant au fait que certains essaient d’éviter l’impôt.»

Vous demandez également la taxation des plus-values ​​sur valeurs mobilières.

Oui. Au niveau européen, nous sommes l’un des seuls pays à ne pas taxer les plus-values ​​sur actions. Je me souviens de l’épisode où Marc Coucke revendait les actions de sa société Omega Pharma et réalisait une plus-value d’environ 1,5 milliard d’euros qui n’était soumise à aucune imposition. C’est quelque chose de totalement incohérent.

Les fiscalistes disent « plus vous êtes riche, plus vous avez de possibilités d’évasion fiscale », via des montages, des sociétés, des fondations… Croyez-vous vraiment à l’efficacité d’une telle mesure de taxation des plus riches ? ?

On peut regarder ce qui existe déjà et voir ce que cela apporte. La fiscalité des comptes-titres – 0,15 % à partir d’un million d’euros – a été mise en place sous cette législature. Il rapporte désormais 400 millions d’euros par an. Donc ça marche. Certains ont peut-être fractionné leurs comptes titres, effectué des virements de banque en banque, transféré de l’argent vers des pays plus exotiques d’un point de vue fiscal… Je ne sais pas, je ne suis pas contrôleur des impôts. Mais je vois ce que cette taxe apporte au budget de l’Etat.

Mais cela rapporte moins que prévu. Et pourtant, le taux d’imposition très bas n’incite pas à la mise en œuvre de grandes stratégies pour y échapper. L’impôt sur la fortune pourrait être jusqu’à 10 fois plus élevé…

On espérait en effet des recettes d’un milliard d’euros, à terme, avec la taxe sur les comptes-titres. Mais 400 millions, c’est quand même important.

Ici, le taux serait effectivement plus élevé. Je n’ai aucun doute sur la créativité, en matière d’évasion fiscale, des fiscalistes, des bureaux, des gens qui possèdent les plus gros actifs. Je ne suis pas naïf face au fait que certaines personnes tenteront d’éviter l’impôt. Cette taxe ne sera évidemment pas une mesure miracle mais elle doit s’inscrire dans un ensemble de dispositions contribuant à une plus grande justice fiscale.

L’une des faiblesses du projet est que la fiscalité serait basée sur la déclaration du contribuable… Comment va-t-il évaluer son patrimoine, et quand ?

Je ne connais aucun modèle d’imposition de la fortune, dans d’autres pays, qui ne soit pas déclaratif. Et c’est vrai, il n’existe pas de registre ni de registre foncier des biens en Belgique. Mais des solutions existent. Par exemple, pour la fiscalité des plus-values, on peut lisser la valeur de l’action sur les x dernières années et permettre la déduction fiscale des pertes. C’est ainsi que cela se passe dans d’autres pays. Et pour la fiscalité du patrimoine, il y a toute une série de choses que l’on connaît déjà : les biens immobiliers sont enregistrés ; concernant les comptes bancaires et les flux de trésorerie, des informations peuvent être obtenues.

En respectant le droit à la vie privée ?

Il y a bien sûr un équilibre à trouver. Nous ne nous méfions pas, parmi les écologistes, de vouloir commencer à mettre en place des brigades de contrôle pour vérifier ce que les contribuables ont chez eux. Je vois bien les failles d’un système de déclaration, qu’il s’agisse de l’appel à la bonne foi du contribuable, des risques d’évasion, du fait de ne pas pouvoir vérifier jusqu’à la dernière virgule si tout est correct. Mais l’idée est de voir ce qui est possible, évidemment dans le respect de la vie privée.

mouette

Si l’on nous demande de doubler ou tripler la taxe sur les comptes-titres, nous pourrons évidemment en discuter.»

Avec une taxe sur le patrimoine, un même immeuble – une résidence secondaire – serait taxé deux fois, à deux niveaux de puissance. Les avocats estiment que cela est contraire au principe d’interdiction de la double imposition…

Tout cela sera soumis au Conseil d’Etat et je ne préjuge pas de son avis. Mais je peux politiquement supposer que, sur ces montants, nous demandons une contribution supplémentaire de 3 à 5% des Belges. Cela se fait dans d’autres pays, il faudra trouver le bon véhicule. Pour les comptes titres, il a fallu réessayer à plusieurs reprises, la première version ayant été rejetée par le Conseil constitutionnel.

Vous présentez votre projet comme très « symbolique » – certains diraient « idéologique », allant même à contre-courant de l’évolution de la fiscalité en Europe. Croyez-vous vraiment qu’une majorité politique puisse s’entendre sur une telle taxe ?

Ce qui est important pour nous, c’est d’envoyer un signal de justice et de baisser les impôts sur le travail pour plusieurs millions de Belges. Et de financer cela notamment par un impôt sur le patrimoine plutôt que par d’autres moyens qui nous paraîtraient injustes, comme l’augmentation de la TVA par exemple, qui touche tout le monde.

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Est-ce que cela arrivera ? Je ne sais pas. Mais ce qui est important, c’est de pouvoir réellement mener à bien une réforme fiscale que tout le monde souhaite. Et cela ne se fera pas simplement en creusant un trou budgétaire. Ce n’est ni réaliste ni pragmatique de penser cela.

Demain, si nous nous retrouvons autour de la table de négociation, je pense que nous pourrons développer un mécanisme de contribution de ceux qui ont les épaules les plus larges. Est-ce que ce sera exactement ce que nous proposons ? Probablement pas. Mais si l’on nous demande de doubler ou tripler la taxe sur les comptes-titres – un système qui fonctionne et qui a été validé par le Conseil d’État et la Cour constitutionnelle –, nous pouvons évidemment en discuter. Taxer les actifs n’est pas la seule solution, ce n’est pas une mesure à prendre ou à laisser. Le tout doit fonctionner et être financièrement équitable.

 
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