Maurice Quentin de La Tour est né le 5 septembre 1704 à Saint-Quentin, dans l’Aisne. Il est né dans une famille notable et très vite, sa prédisposition au dessin le conduit vers une carrière de portraitiste à la cour du roi. Il connaît un grand succès de son vivant et reste la référence absolue de la technique du pastel. C’est l’histoire du dimanche.
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On raconte que très jeune, Maurice Quentin de La Tour, au lieu d’écouter ses professeurs, couvrait ses carnets de croquis de portraits de ses camarades de classe. “C’est vrai, sa vocation est née très tôt. D’ailleurs, à l’âge de 15 ans, en 1719, il fait son apprentissage à Paris, chez un maître, Claude Dupouch.», explique Agnès Villain, directrice du centre muséal de Saint-Quentin, dont le musée Antoine-Lécuyer, qui abrite la plus grande collection au monde de pastels du portraitiste Axon.
La vie et les chances heureuses semblent très tôt sourire au jeune homme. En 1725, lors d’un séjour à Cambrai (Nord), il se fait remarquer par son portrait d’un ambassadeur d’Espagne. Il est donc invité à Londres où il rencontre l’aristocratie et les puissants. L’occasion pour lui d’apprendre les codes des plus privilégiés. Ce qui lui sera utile plus tard.
Après cette expérience riche, dans tous les sens du terme, il rentre en France. Il a 23 ans et décide de vivre à Paris où il commence à entretenir un réseau d’artistes et de personnes influentes.
“Quentin de La Tour est le maître du pastel. C’est une matière très particulière, un mélange pulvérulent de pigments purs, craie, kaolin, assemblés par un liant, gomme arabique en général.», précise le directeur du musée Antoine-Lécuyer. “Le mélange ainsi obtenu est ensuite façonné en bâtonnets qui sont tenus à mains nues. Un peu comme les craies grasses contemporaines« .
Et Maurice Quentin de La Tour ne quitte jamais son porte-pastel, qu’il sort au plus vite pour croquer les figures de son entourage. “Le pastel, gras ou sec, est un médium bien particulier“, continues Agnès Villain. “Cette technique permet d’obtenir une peau veloutée, des fondus et des transparences. Il l’utilise de manière très moderne, à grands traits, avec des gestes amples.« .
Dans les années 1730, il abandonne définitivement la peinture à l’huile au profit de ces poudres colorées, déposées sur papier, vélin, soie ou parchemin. “La technique du pastel nécessite du papier spécialement apprêté pour cela, car il faut accrocher et fixer le pigment“, explains Agnès Villain.
À son apogée, La Tour était surnommé « le prince des pastellistes » en raison de sa maîtrise totale du portrait au pastel. “C’est un perfectionniste dont les séances de pose sont très longues. Et tous les croquis dont il n’est pas satisfait, il les détruit« .
La carrière de Maurice Quentin de La Tour prend son essor en France en 1735. Date à laquelle il peint le portrait de Voltaire. Un travail qui lui vaut la reconnaissance de ses pairs. “Le portrait de Voltaire est perdu, mais dans notre collection, nous conservons une esquisse très aboutie, achetée par le musée en 1995.», précise Agnès Villain, sa directrice.
Deux ans plus tard, La Tour est agréée par l’Académie Royale de Peinture. Il jouit déjà d’une grande réputation pour ses portraits troublants de la vie. “C’est ce qu’il recherche, l’art le plus pur. Pour ce faire, il extrait la vérité de ses modèles dans leur regard. C’est un travail de profondeur. Pas question de tricher. Et il réussit. Face à ses modèles, on a l’impression d’être capté par leur regard, on entre immédiatement en connexion avec eux.« .
En 1745, Maurice Quentin de La Tour obtient un titre de logement aux galeries du Louvre et en septembre 1746, il entre à l’Académie royale. Il peint divers portraits du roi Louis XV, ainsi que de la reine et des membres de sa famille. Sans oublier la favorite du roi, Madame de Pompadour.
Parallèlement à cette ultime consécration, il fréquente assidûment les salons parisiens où il côtoie les plus grands intellectuels de ce siècle des Lumières : Jean-Jacques Rousseau, Diderot, d’Alembert et bien sûr, Voltaire. Et il est passionné de littérature, de mathématiques et de politique. Un chemin aussi pour lui de parler d’égal à égal avec tous ces interlocuteurs prestigieux.
-Après la lumière et le succès, l’ombre de la démence sénile
Maurice Quentin de La Tour déclare des signes de démence sénile vers 1783. »Il n’est plus capable de rester seul. Son frère décide alors de le ramener à Saint-Quentin où il meurt le 17 février 1788, à l’âge de 84 ans.dit Agnès Villain. Il sera inhumé dans un cimetière qui n’existe plus, car détruit pendant la Première Guerre mondiale. On ne sait pas où a été déposée la dépouille de Quentin de La Tour, mais pour marquer le lieu de sa sépulture, la ville a fait apposer il y a quelques années une plaque, au centre de la ville, face à la basilique, où se trouvait la cimetière« .
Mais avant que son caractère ne change et qu’il perde la raison, le pastelliste va promouvoir des œuvres philanthropiques dans sa ville natale. Il y fonda une école de dessin gratuite, qui existe encore aujourd’hui, finança une fondation pour les femmes en couches et une autre pour les artisans âgés et infirmes. “A noter que l’école de dessin, fondée par de La Tour, était initialement destinée à former des jeunes qui envisageaient de poursuivre une carrière dans l’industrie textile. Parce que Saint-Quentin était à l’époque la Mecque du textile“, adds Agnès Villain.
A sa mort en 1788, son frère Jean-François, à la demande du défunt, lègue les fonds de l’atelier et une grande partie de ses portraits à la ville de Saint-Quentin. “Une partie sera vendue pour générer des financements pour ses œuvres. Et ce qui n’est pas vendu sera exposé à partir de 1856 dans le premier musée qui lui est dédié, au palais de Fervaques.», explique le directeur du musée Antoine-Lécuyer.
A l’époque, le palais Fervaques recevait des visiteurs prestigieux : Gauguin, Matisse et Degas venaient admirer les portraits de Maurice Quentin de La Tour.
“En 1877, Antoine Lécuyer, banquier de Saint-Quentin, lègue son hôtel particulier à la ville afin que la collection de pastels puisse être abritée dans un cadre prestigieux. Le musée Lécuyer ouvre officiellement ses portes en 1886 et les œuvres occupent trois salles.“, continues Agnès Villain.
Mais en 1917, alors que la ville est occupée par les Allemands, la « Kunstschutz », l’organisme qui supervise les œuvres d’art sur le territoire français, décide d’évacuer les collections de La Tour. “Cette décision a été prise pour sauver les pièces les plus précieuses des bombardements alliés annoncés. Et le 8 février 1917, les œuvres furent transportées dans des caisses à bord d’ambulances de la Croix Rouge, à 12 km/h dit-on ! En direction de Maubeuge. Ils y seront exposés chez Au Pauvre Diable, une ancienne affaire, jusqu’après la Grande Guerre.« .
Une saga qui ne s’arrête pas là. Entre les deux guerres, alors qu’une bonne partie de la ville ainsi que le musée Antoine-Lécuyer furent détruits par les bombardements, il fut décidé de reconstruire l’ensemble. Le musée a fait l’objet de plusieurs années de travail. “Un nouvel écrin digne des pastels de Maurice Quentin de La Tour est inauguré le 3 juillet 1932», indique Agnès Villain.
La précieuse collection du pastelliste de Saint-Quentin sera à nouveau évacuée pendant la Seconde Guerre mondiale, cette fois-ci, vers le château de Mézanges, en Bourgogne, où elle restera en sécurité jusqu’à la fin du conflit.
Je suis émerveillé par sa technique qui donne vie à ses modèles.
Agnès Villain, director of the Antoine-Lécuyer museum in Saint-Quentin
Les Français connaissent Maurice Quentin de La Tour pour l’avoir longtemps fréquenté sans le savoir. Pendant quinze ans, son effigie figurait sur nos anciens billets de 50 francs, dans le cadre d’une série « créateurs et scientifiques célèbres » de la Banque de France. 1 milliard 850 millions d’exemplaires seront imprimés. Cela montre l’importance artistique de de La Tour dans notre pays.
“Maurice Quentin de La Tour a eu le plaisir de connaître de son vivant une reconnaissance. Il est mort en homme épanoui malgré les ombres de ses dernières années. On dit de lui qu’il avait un tempérament célèbre et une grande fierté, qu’il séduisait aussi particulièrement les femmes, bien qu’il ne se soit jamais marié.“, adds Agnès Villain.
“C’est un artiste de la lumière, qu’il place par touches dans le regard de ses modèles, d’où cette impression saisissante que le portrait a été dessiné la veille, qu’il est intemporel. Il a le don inné de donner vie à ses dessins», conclut Agnès Villain, dont le musée accueille chaque année 13 000 visiteurs.