“On me demande toujours de jouer un vieil homme grincheux”

Légende de la chanson française

Eddy Mitchell : “On me demande toujours de jouer un vieil homme grincheux”

Le chanteur et acteur sort « Amigos », ses 40 anse album, et est raconté dans sa première autobiographie.

Olivier Nuc– “Le Figaro”

Publié aujourd’hui à 15h19

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Monsieur Eddy, comme on l’appelle depuis « The Last Session », l’émission télévisée des années 1980, fait partie de notre paysage musical depuis plus de soixante ans, avec Les Chaussettes Noires alors en tant qu’artiste solo. Parolier, rockeur, crooner, acteur et auteur d’exception, à 82 ans, il se livre rarement.

« Amigos », votre nouvel album, est le premier sans Pierre Papadiamandis, votre compositeur officiel, décédé en 2022. Était-ce difficile sans lui ?

Oui, mais j’ai été bien soutenu par des gens comme Alain Souchon, William Sheller, Pascal Obispo, Sanseverino et Alain Chamfort, qui ont répondu immédiatement. J’aime leur univers, ce qu’ils écrivent. C’était donc simple.

Avez-vous changé votre méthode de travail ?

Non, ils se sont plutôt adaptés aux miens. Par exemple, j’ai écrit la première chanson avec Souchon, dans une Pontiac décapotable. Sur le deuxième, j’ai mis mon grain de sel en écrivant le refrain. Sheller, j’ai écrit le texte, Chamfort, je n’ai touché à rien, sa chanson était magnifique telle quelle. Sanseverino, j’ai mis mon grain de sel à cause d’un problème de mesure, et puis Obispo, c’était très simple : c’est mon voisin. Il a sonné chez moi ou c’est moi qui ai sonné chez lui. Avec les autres, tout se faisait par correspondance.

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Vous chantez deux reprises, notamment “Ils ont changé ma chanson”, de Mélanie, ce qui est assez loin de vous…

Oui, je l’ai enregistré en hommage à Quincy Jones. J’avais entendu sa version orchestrée pour Ray Charles, ce qui était merveilleux. Je l’ai fait bien avant son décès. Nous avons souvent travaillé ensemble, avec Quincy, même si son nom n’apparaissait pas sur les couvertures des articles sur les droits.

De nombreuses personnes ont découvert votre proximité avec lui au moment de son décès, à travers des photos par exemple…

Oh oui, c’est tout vieux. Quincy avait la mémoire d’un éléphant. Il se souvient de ma première audition. Il travaille chez Barclay, notamment pour Henri Salvador, comme arrangeur. Il a passé beaucoup de temps à Paris.

Pourquoi avez-vous repris « In the Ghetto » d’Elvis ?

RCA voulait sortir un album avec des chanteurs de plusieurs pays reprenant Presley. Le projet n’a pas été réalisé à cause des héritiers qui s’y sont opposés, mais ma traduction était prête.

Ce titre nous rappelle que vous étiez un adaptateur de génie pour Chuck Berry, entre autres…

Vous savez, ce n’est pas compliqué. Chuck Berry, il faut avoir une idée et ne pas se contenter de répéter l’original.

Comment avez-vous composé le texte de « La route de Memphis » qui est meilleur que l’original « That’s How I Got to Memphis » ?

L’original était un peu simple. J’ai conçu l’adaptation comme un court métrage. C’est une activité qui m’a toujours amusé.

Vous n’avez pas enregistré aux Etats-Unis, mais à Bruxelles, au studio ICP. Pour quelle raison ?

C’est la première fois que je travaille là-bas. Je n’ai pas été déçu, mais les studios se ressemblent tous désormais : la perfection technique est partout, mais pas les êtres vivants. Il y a de belles âmes qui travaillent à ICP. Les musiciens américains habituels m’y rejoignirent.

Vous avez commencé à travailler avec cette équipe il y a cinquante ans, sur « Rocking in Nashville ». Quel est cet album qui a marqué votre carrière ?

A cette époque, je vendais beaucoup plus de mes anciens disques que de mes nouveaux, ce qui était très énervant. On m’a demandé de réenregistrer des vieux trucs, ce qui ne m’intéressait pas du tout. Je ne voulais pas. Quitte à faire du rock’n’roll, autant le faire avec ceux dont c’est le métier ! Nous sommes donc allés à Nashville et j’ai rencontré Charlie McCoy, Wayne Moss et les autres. Le disque a été enregistré en une journée, de 9 heures du matin à 1 heure du matin ou 2 heures du matin la nuit suivante. Nous avions réservé le studio pour une quinzaine de jours, nous ne savions pas quoi faire. Alors nous avons traîné ensemble, enregistré quelques morceaux supplémentaires.

Il y a actuellement un grand renouveau dans le pays. Avez-vous écouté l’album de Beyoncé, par exemple ?

Non, je n’aime pas beaucoup ça. Le pays a perdu son originalité dans le processus. Il y a maintenant des violons, de grandes orchestrations, qui n’existaient pas à notre époque. Nous avons enregistré de manière un peu «roots» avec la steel guitar. Mais cet instrument est devenu obsolète pour les Américains. Alors que c’est un instrument sublime, et qu’il faut quitter Saint-Cyr pour savoir en jouer.

Vous avez été le premier Français à avoir des tubes avec des chansons country. Comment s’est alors passée la réception ?

En , cette musique n’était pas connue. Pour le commun des mortels, cela était lié aux chansons traditionnelles de cow-boy que l’on voit dans les films au coin du feu. Un peu une carte postale. Je connaissais la chanson country des rockeurs Bill Haley et Gene Vincent, qui la faisaient à leur manière.

Avez-vous écouté Johnny Cash ?

Oui, un peu. Mais je n’ai pas vraiment aimé sa façon de chanter, qui n’était pas très juste et qui m’obsède. Mais j’ai bien aimé, et en plus certains de ses textes sont merveilleux.

Vous sentez-vous très aimé ?

Oui. J’ai l’impression que les gens attendent de moi un disque ou un livre. C’est super.

Cet album, « Amigos », célèbre l’amitié. Mais vous n’êtes pas du genre à être ami avec d’autres chanteurs, n’est-ce pas ?

C’est encore devenu rare de réunir des gens comme ça sur un même disque. Alors « Amigos » était indispensable. De plus, l’hôtel en face du studio s’appelle Amigo.

Sortez-vous avec beaucoup de musiciens ?

Très peu. Il y a pas mal de personnes avec qui je m’entends bien et qui font partie de mes amis. William Sheller, pour l’avoir au téléphone… Il est modeste en ce sens.

En parlant de pudeur, on ne s’attendait pas à lire votre autobiographie un jour. Est-ce votre idée ?

Non, c’est à cause de Dutronc qui a écrit son livre et dit à son éditeur : “Tu devrais voir Eddy, il a des choses à raconter.” Et puis j’en avais marre de lire de fausses légendes sur moi-même. C’est bien de pouvoir mettre les choses au clair. Notamment sur la vague histoire des Chaussettes Noires.

Le livre est plein de gratitude et très positif. L’avez-vous écrit facilement ?

Le plus difficile est de démarrer. Par la suite, les souvenirs me sont revenus d’autant plus facilement que le livre est chronologique, ce qui a fait resurgir les événements au fur et à mesure.

Les pages consacrées à votre enfance sont très touchantes. Vous racontez l’histoire d’une société qui a complètement disparu. Que vous ont apporté les différences culturelles ?

Belleville n’est plus la même, ce qui n’est peut-être pas une mauvaise chose d’ailleurs. Tout change. Je ne comprends pas la peur des autres, je ne l’ai jamais comprise. Je n’ai pas été élevé comme ça. En dessous de nous, il y avait des Martiniquais, des Italiens… Aujourd’hui, les Italiens sont tout à fait acceptés. À l’époque, ma sœur aînée en fréquentait un, ce qui était un drame dans la famille. Dans le film « Les vieux fourneaux 2 », il y a un passage très apprécié sur les immigrés. Le gars qui joue le maire a cette superbe réplique : « Vous ne pensez pas que ce type a parcouru autant de kilomètres pour voler votre tracteur ?

Vous avez commencé à voter tard. Pour quoi?

Quand j’ai vu que les Pens prenaient de l’importance, je me suis dit : “Waouh, il est peut-être temps de se réveiller.” Cela me fait peur. Là, on s’en est quand même rapproché.

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La scène et le cinéma vous manquent ?

La scène un peu, un peu, de temps en temps. Et au cinéma, on me propose toujours le rôle du vieux grincheux. C’est bon, j’ai déjà donné ! Alors, j’attends. Je ne suis pas pressé. Il y a eu ce téléfilm qui a très bien marché, dans lequel je jouais le rôle d’un prêtre pas très catholique. C’est intéressant, c’est autre chose. Les compagnies d’assurance ne sont pas toujours d’accord.

Vous avez eu des problèmes de santé récemment. Comment allez-vous?

J’ai arrêté de fumer il y a plus d’un mois. C’est bon pour le moment, je tiens le coup. Nous verrons.

Sur ce disque, votre femme écrit un texte et se consacre à Jim Harrison…

Elle avait déjà écrit une chanson sur Léo Ferré, sur mon album « Les Héros ». Quant à Harrison, je suis fan, mais elle l’est encore plus que moi. François Busnel, de « La Grande Librairie », qui est aussi un grand admirateur, lui a consacré un reportage. Il lui a fait écouter ma chanson « L’esprit grande prairie ». Nous devions nous rencontrer à Paris. Ma femme était enthousiasmée à l’idée de dîner à sa table. Mais le pauvre gars est mort entre-temps.

« Amigos », Eddy Mitchell (Barclay), et « Autobiographie », Le Cherche-Midi, 240 p.

Cet article a été publié pour la première fois par notre partenaire « Le Figaro »

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