cinq expositions qui ont marqué l’année 2024

Journaliste spécialisée en visuels pour la RTS, Florence Grivel revient sur les cinq artistes, expositions et coups de coeur artistiques qui ont marqué l’année 2024 en Suisse.

« Dan Flavin, Dedications in Light », Kunstmuseum Basel, mars-août 2024

Une exposition majeure consacrée à l’artiste minimaliste américain Dan Flavin, sous la forme d’une expérience immersive magistrale et sans vrille. Un tube de lumière fluorescente jaune, posé contre le mur, en oblique, réalisé en 1963. De ce geste, l’artiste construira une œuvre immense. Lampe fluorescente industrielle achetée en magasin – il n’y a que quatre modules et neuf couleurs. Les combinaisons que réalisera l’artiste mettront en valeur ces objets de grande surface.

Cette première œuvre contient tout ce qui animera l’artiste. Toutes ses installations de tubes, certaines plus complexes que d’autres, nous invitent à reconsidérer l’espace. C’est beau, puissant, ancré aussi dans l’époque de l’artiste qui, avec ses œuvres non figuratives, appelle à la fin de la guerre du Vietnam.

Artiste singulier, Dan Flavin bénéficie d’une époque hors du commun. Aux États-Unis, dans les années 1960, les gens étaient friands de nouvelles formes d’art. Honoré et apprécié de son vivant, Dan Flavin est très sollicité. Il produit beaucoup, mais n’attache pas d’importance à la notion d’œuvre originale, c’est pourquoi même si l’exposition de Bâle a fait quelques prêts à de grandes institutions, la plupart des œuvres ont été rejouées sur place avec des matériaux d’aujourd’hui.

>> A lire aussi : Les œuvres fluorescentes de Dan Flavin mises en valeur au Kunstmuseum Basel

« Sans titre – À la mémoire d’Urs Graf » de Dan Flavin (1975) [Kunstmuseum Basel – Stephen Flavin]

Sonia Kacem, « La Chute », Château de Gruyères (FR), mars-juin 2024

L’artiste suisse et tunisienne Sonia Kacem était l’invitée du Château de Gruyères ce printemps. Profitant de carte blanche pour installer son univers dans cette architecture médiévale, son exposition a tenu sa promesse. Le jeune artiste de renommée internationale sait jouer avec toutes sortes de paradoxes, en toute liberté.

Sonia Kacem aime les matières, ainsi que le recyclage, qu’elle élève au sublime. Elle aime autant les volumes que les lignes, les signes, elle est abstraite, minimale et à la fois baroque et narrative, elle accumule et crée de la tension dans ses installations. Artiste passionnante, elle propose une exposition à la pointe des préoccupations contemporaines et qui se veut très accessible et agréable pour différents publics.

L’artiste sait mesurer ses effets. Pour le Château, elle a imaginé des interventions très minimes, parfois très drôles. Sonia Kacem maîtrise l’art de détourner les matières du réel, du domestique, en les activant avec beauté. Un artiste à suivre de près.

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Vue de l’exposition « La Chute » de Sonia Kacem au Château de Gruyères. [© Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Gregor Staiger (Zurich)]

Ugo Rondinone, « Cry Me a River », Kunstmuseum Lucerne, juillet-octobre 2024

L’été au bord de l’eau, à Lucerne, une rivière pleure, celle orchestrée de main de maître par Ugo Rondinone, grande star suisse de l’art contemporain à la carrière internationale, qui a exposé au Kunstmuseum de Lucerne.

Star qu’il est – il vit à New York et à Paris et fait partie des artistes « super bankables » du marché de l’art – Ugo Rondinone est originaire de Suisse centrale. Fils d’immigré italien, il a grandi à Brunnen, bercé par le flux de la Reuss, par les paysages vallonnés et verdoyants, le mystérieux lac des Quatre-Cantons, ces paysages à la fois magnétiques et authentiques.

« Cry Me a River » est une exposition généreuse et accessible où l’on passe d’une ambiance à une autre, d’une météo à l’autre. Salle zébrée d’éclairs immobiles jaune fluo fabriqués à partir de branches d’arbres coulées dans le bronze, salle remplie de pigeons posés au sol, suspendus, l’empreinte de la main de l’artiste sur le mur, et tout à coup, de la neige… où les rayons de métal ressemblent à une pluie battante. Et puis ce paysage, un vrai tableau, une pièce de résistance, une vue sur le lac des Quatre-Cantons avec ses montagnes environnantes, des aplats de bleu tranché, un immense tableau, vraiment immense qui est en réalité à double face… diurne et nocturne.

>> A lire aussi : Au Musée d’Art de Lucerne, Ugo Rondinone met en lumière ses origines culturelles

L’artiste suisse Ugo Rondinone est à l’honneur au Kunstmuseum de Lucerne dans l’exposition « Cry Me a River ». [Keystone – Urs Flueeler]

«Anna Mendieta. Aux commencements », Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds, juin-octobre

Le travail de l’artiste d’origine cubaine Ana Mendieta a été exposé tout l’été au Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds.

Voilà un artiste dont le travail et la cohérence sont remarquables. Une œuvre « étoile filante » – l’artiste est décédée à l’âge de 37 ans, le 8 septembre 1985, en tombant du 34e étage d’un immeuble new-yorkais où elle vivait avec son mari, le célèbre artiste minimaliste Carl Andre – qui résonne pourtant avec toutes les questions qui agitent notre monde aujourd’hui : le féminisme, l’écologie, le corps. Elle est avant tout universelle, parle d’enracinement, de territoire et d’appartenance.

L’exposition aborde l’œuvre d’Ana Mendieta à travers sa peinture. Une peinture sauvage et vivante, avec en son centre son sujet de prédilection : le corps féminin. Très vite, l’artiste quitte la peinture au profit de la photographie, puis de l’art corporel. Débutée en 1973, la série Siluetas constitue en quelque sorte l’épine dorsale de son œuvre. Partant de la simple idée d’imprimer la trace d’un corps dans le paysage, Ana Mendieta déploie une profusion d’actions, toutes chargées de symboles. Inquiétant et beau.

>> Écoutez le sujet consacré à l’artiste dans Vertigo :

L’empreinte d’un grand artiste. / Vertige / 7 min. / 2 septembre 2024

Paolo Woods, “Yes I do! Wedding photography”, Ferme des Tilleuls, Renens, September-December 2024

À la Ferme des Tilleuls à Renens (VD), le photographe Paolo Woods a présenté tout au long de l’automne une exposition collective de photographies de mariage. Étonnant, car la photographie de mariage est considérée comme un art mineur par rapport à la photographie de reportage majeure. Pourtant, le sujet est fascinant et révèle tant de strates sociales, historiques et esthétiques.

Le concept est toujours le même : deux personnes se disent oui pour la vie et souhaitent immortaliser ce plus beau jour de leur vie. Ces images non seulement en témoigneront, mais elles raconteront alors autant d’histoires, tels des diapasons très précis ou des thermomètres de l’air des temps qui rayonnent au loin.

L’exposition proposait un tour du monde des façons dont on se marie, augmenté d’une partie suisse avec le merveilleux travail de Valérie Baeriswyl, qui vit entre la Suisse et Haïti. Elle regarde avec beaucoup d’attention ces mariages qu’elle photographie en Suisse et là-bas.

>> A lire aussi : Le genre décrié des photos de mariage à l’honneur à la Ferme des Tilleuls à Renens

Une photographie de mariage de Juan de la Cruz Megías visible dans l'exposition
Une photographie de mariage de Juan de la Cruz Megías visible dans l’exposition « Oui, je le veux ! » à la Ferme des Tilleuls à Renens. [La Ferme des Tilleuls – Juan de la Cruz Megías]
 
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