Cela paraît incongrue, cette rencontre post mortem entre Robert Merle (1908-2004), auteur de saga à succès et de romans adaptés au cinéma (Week-end à ZuydcooteGallimard, 1949), et l’universitaire, essayiste, traductrice très de notre époque et bientôt quarante ans, Chloé Thomas, qui consacre à l’écrivain un essai littéraire déconcertant, Robert Merle : roman. Issu du genre de l’histoire littéraire, il est néanmoins traversé par un personnage de fiction qui ressemble à l’auteur. Car l’hybridité est comme la marque de fabrique de Chloé Thomas, dont l’écriture s’attaque à tous les genres et donne l’impression de chercher à briser leurs frontières les plus imperméables.
Lorsqu’on est né et a grandi à Strasbourg, les frontières linguistiques sont étroites et plus faciles à franchir que celles des disciplines. Bien qu’elle ait des ancêtres parisiens, Strasbourg a laissé son empreinte. « J’y ai appris l’allemand, comme tout le Monde là-baselle se confie au « Monde des Livres », mais alors que je pensais que mon niveau était zéro, en arrivant en prépa à Paris je me suis rendu compte que j’étais un solide germaniste. C’est une langue que j’ai commencé à aimer. » Elle le prononce avec un accent très précis. Deviendra-t-elle néanmoins une spécialiste ? Préoccupé par« avoir un impact sur le monde »elle envisage plutôt de suivre des cours d’économie et de mathématiques à l’Ecole Normale Supérieure. Mais les horaires du matin ont alors eu raison de sa détermination. Tapé par un “imposture syndrome” et réticente à se lancer dans la philosophie, malgré une maîtrise sur l’Allemand Ernst Tugendhat (1930-2023) dont elle avoue aujourd’hui ne plus rien savoir, elle sera angliciste, comme Merle. Après avoir passé cinq ans à l’Université d’Angers, elle devient récemment maître de conférences à l’Université Paris Cité.
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