Un demi-siècle d’interprétation de la musique baroque vu par Renaud Machart

Un demi-siècle d’interprétation de la musique baroque vu par Renaud Machart
Un demi-siècle d’interprétation de la musique baroque vu par Renaud Machart

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Le Baroqueux, un demi-siècle de musique, 1949-2001. Renaud Machart. Éditions Fugues. 218 pages. 23,90 euros. octobre 2024

Renaud Machart dresse un tableau de l’interprétation de la musique ancienne à travers une succession de « moments révélateurs » qui ont marqué son histoire, du premier enregistrement d’Alfred Deller en 1949 au disque Rameau du pianiste Alexandre Tharaud en 2001.

Avant de devenir journaliste, Renaud Machart était chanteur à la Chapelle Royale et au Collegium Vocale de Gand de Philippe Herreweghe. Il a donc côtoyé de nombreux « gens du baroque » depuis le début des années 1980 jusqu’à aujourd’hui. A propos de ce terme qui donne son titre à l’ouvrage, l’auteur rappelle que sa connotation initialement volontairement péjorative a évolué au fil du - jusqu’à être banalisée aujourd’hui, comme le terme « impressionnisme » à une autre époque. Pour sa série de portraits de figures marquantes du renouveau baroque, Machart remonte au début des années 1950, non sans avoir évoqué au préalable les travaux des musicologues du début du siècle. Les débats autour de l’interprétation de la musique ancienne dans la seconde moitié du XXe siècle ne se sont pas déroulés sans heurts, entre les tenants d’une interprétation qui n’était pas encore qualifiée d’« historiquement informée » et les tenants de la tradition romantique. Cette bataille esthétique débute au début du siècle, mais elle prend un nouveau tournant avec l’évolution de la fabrication instrumentale qui copiait fidèlement les instruments d’époque, ainsi qu’avec l’augmentation de l’offre discographique.

Chacun des dix-huit chapitres est consacré à un événement discographique qui a marqué l’histoire du renouveau baroque, prétexte à tant de portraits souvent hagiographiques de leurs interprètes, parmi lesquels Alfred Deller, Michel Chapuis, Blandine Verlet, Frans Brüggen, Anner Bylsma, René Jacobs, Scott Ross, William Christie… Une grande place est accordée à Gustav Leonhardt, dont la personnalité austère était aux antipodes de celle de Nikolaus Harnoncourt, ce qui ne les a pas empêchés d’unir leurs forces pour le premier grand projet d’enregistrement des cantates de Johann Sebastian Bach. Un bel exemple de l’évolution de l’interprétation : les différentes versions du désormais célèbre Que Dieu te bénisse de Marc-Antoine Charpentier, dépouillé en 1979 par Jean-Claude Malgoire de l’habillage symphonique, immortalisé par l’Eurovision, grâce aux rythmes pointés. Renaud Machart précise : « Lorsqu’on la réécoute aujourd’hui, en la comparant à ce qui l’a précédé, la version de Malgoire apparaît comme un bain de jouvence ; mais en le comparant avec celui de William Christie, publié exactement dix ans plus tard (…), un gouffre semble séparer les deux enregistrements. Il souligne ainsi que de nombreux disques qui nous semblaient autrefois fondateurs sont devenus aujourd’hui inaudibles (en prenant par exemple le Leçons des ténèbres de Couperin d’Emma Kirkby et Judith Nelson en 1977).

Cette revue accorde une place importante au début des années 1980, période particulièrement riche en enregistrements qui feront date dans l’histoire du renouveau baroque, comme celui du La Passion selon Saint Matthieu par Herreweghe en 1980. Renaud Machart est très bien documenté sur l’histoire des maisons de disques. Les nombreuses notes de bas de page renvoient également à des articles et ouvrages spécialisés sur le sujet. Une incursion dans le cinéma permet de rappeler l’importance du cinéma Chaque matin dans le monde d’Alain Corneau pour la découverte par un nouveau public de la viole de gambe et, plus largement, de la musique de l’époque du Marin Marais, musique traitée « comme un personnage à part entière ». Enfin, en épilogue, l’auteur évoque les versions de Bach ou de Rameau enregistrées sur un piano moderne par des pianistes qu’il qualifie de « postbaroques », décomplexés mais informés, comme Alexandre Tharaud en 2001. Et de conclure, avec Jordi Savall, que l’on doit reconnaître dans la musique une « part d’immortalité, au-delà des époques et des genres ».

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Le Baroqueux, un demi-siècle de musique, 1949-2001. Renaud Machart. Éditions Fugues. 218 pages. 23,90 euros. octobre 2024

Fugue

 
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