Ava DuVernay, réalisatrice et militante primée, est l’une des figures les plus influentes du cinéma contemporain. Elle est particulièrement connue pour son travail remarquable sur Quand ils nous voientla série touchante sur l’affaire Central Park Five, mais aussi pour ses films qui abordent les questions sociales et politiques avec une perspective unique.
En marge de la 21e édition du Festival international du film de Marrakech (FIFM), il a concédé Expresso FR une interview dans laquelle il retrace son parcours, ses combats et ses projets d’avenir.
Vous êtes connu pour intégrer votre activisme politique dans vos films et séries. Comment conciliez-vous créativité et activisme dans un environnement comme Hollywood ?
Oui, je pense que je m’exprime à travers mes films. Je ressens le besoin de dire ce que j’ai sur le cœur. Pour moi, il ne s’agit pas d’activisme en soi, il s’agit simplement de raconter des histoires. L’activisme est souvent lié à la justice et à la dignité, des questions qui m’intéressent particulièrement. Je suis avant tout un conteur et je ne pense pas au militantisme lorsque je crée une œuvre. A la place je me dis : “C’est l’histoire que je dois raconter, c’est ma responsabilité et je le ferai au mieux de mes capacités.” »
En tant que femme noire à Hollywood, comment garder les pieds sur terre tout en célébrant vos succès et rester motivée pour ce qui vous attend ?
Oh, je ne célèbre pas vraiment mes succès. Pour moi, la meilleure fête est d’avoir l’opportunité de créer quelque chose de nouveau. Ma plus grande satisfaction est de pouvoir continuer à travailler et à produire. Dans le domaine du cinéma, il est souvent très difficile de trouver les fonds et d’obtenir les ressources nécessaires pour créer de nouvelles œuvres. Je ne le prends jamais pour acquis. Mon bonheur ne réside pas dans les satisfactions, mais sur le plateau, lorsque je crée.
Comment gérez-vous l’équilibre avec les studios, surtout compte tenu du caractère commercial d’Hollywood ? Vous avez du mal à faire accepter vos histoires ?
Oui, il y a des défis. Mais il existe aussi des espaces plus accueillants dans ce secteur exigeant. Il faut savoir identifier les endroits où raconter les histoires que l’on souhaite partager, au lieu de frapper constamment aux portes qui ne s’ouvrent pas. Parfois, une porte s’ouvre ou une personne à l’intérieur peut être intéressée. Sinon, il faudra trouver d’autres moyens. Par exemple, Origin a été produit en dehors du système des studios. L’important est de rester ouvert et de chercher des lieux à accueillir.
En tant que défenseur des femmes et des personnes de couleur à Hollywood, quels conseils donneriez-vous aux cinéastes marocains qui souhaitent entrer sur la scène cinématographique mondiale et avoir un impact ?
Je pense que pour avancer dans n’importe quel domaine, il est essentiel de créer une communauté et de se rappeler que l’on n’est pas seul. Vous devez vous entourer de personnes partageant les mêmes idées. Cela rend le processus plus rapide et plus joyeux que de tout aborder soi-même. Pour ma part, j’étais entouré d’un groupe de réalisateurs novices et nous nous soutenions mutuellement. Nous étions présents lors des tournages de chacun. Même sans avoir fait d’école de cinéma et avec peu de moyens, j’avais ce soutien et cette camaraderie. Cela m’a conduit à des relations internationales, à des festivals de films et à de nouvelles voix. C’est ce que je recommande
Eh bien, ce n’est pas votre première fois à Marrakech, je suppose ?
Oui, c’est ma première fois à Marrakech, à la fois en Afrique du Nord et au Maroc. J’ai exploré d’autres régions du continent, mais je ne suis jamais venu ici. Le programme du festival était assez chargé, mais j’ai eu l’occasion de découvrir quelques lieux de la ville. J’aime faire diverses choses. J’ai visité la médina, j’ai dégusté des plats délicieux, mais j’aime aussi aller dans des endroits où vivent réellement les gens. J’ai aimé me promener dans cette ville animée. Je viens de Los Angeles et j’aimerais que nos rues aient autant d’énergie. Cela me rappelle un peu l’énergie de New York, où la ville vous entoure dès que vous sortez dans la rue. C’est différent, certes, mais l’esprit est le même. J’adore cet endroit.