Un chien au tribunal ou dans les coulisses d’une comédie franco-suisse


Kodi alias Cosmos dans « Le Procès du Chien » et le combat de sa vie.

© Bande à Part Films

Lors du dernier Festival de Cannes, Laetitia Dosch a reçu un prix en première pour son film Le procès du chienL’actrice et réalisatrice partage davantage sur les tenants et aboutissants de sa comédie et révèle pourquoi elle a dû miauler sur le plateau.

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01 juillet 2024 – 08h56

Si le public ovationnait le film de Sean Baker AnoraPalme d’Or à Cannes le mois dernier, la Suisse revient avec un prix qui ravit avant tout les âmes réceptives au meilleur ami de l’homme : le Chien Palme.

Il s’agit de la première production de Laetitia Dosch, intitulée Le procès du chien. Kodi, huit ans, joue le rôle principal. Celle de Cosmos, un griffon agité et parfois agressif, menacé d’euthanasie après avoir mordu trois personnes.

A Cannes, ce dernier marche sur les traces de Messi, son prochain, star du film de Justine Triet Anatomie d’une chutePalme d’Or l’année dernière.

Pas de bol, Kodi n’était pas présent lors des interviews données sur la terrasse venteuse du Palais des Festivals. Contrairement à Laetitia Dosch, ouverte au jeu des questions.

Dans son film, l’actrice franco-suisse incarne le rôle d’April, une avocate d’une trentaine d’années, qui accepte de défendre Cosmos, tout en soutenant Dariush, l’humain rugueux de ce dernier.

Si, au début, la jeune avocate n’affiche pas un amour débordant pour les chiens, elle tombe peu à peu sous le charme du Cosmos. Au tribunal, elle affronte la célèbre avocate et politicienne Roseline Bruckenheimer, qui insiste pour que le chien soit puni de la peine de mort.

Roseline Bruckenheimer fait tout pour convaincre le tribunal que Cosmos ne mord que les femmes. Elle le qualifie de « misogyne » et déclenche une tempête publique qui agite les féministes, les écologistes, les défenseurs des droits des animaux et les opposants à l’immigration.


Laetitia Dosch, qui a réalisé “Le Procès du chien”, avec Kodi, la star de son film.

Invision

Avec un cheval sur scène

Laetitia Dosch rappelle que partager la vedette avec un animal n’est pas une nouveauté pour elle. En 2018, Yuval Rozman, elle met en scène une pièce intitulée Hate (Tentative de duo avec un cheval)Lien externeoù son partenaire de jeu n’était autre qu’un fier pur-sang espagnol nommé Corazon.

Son producteur lui a alors assuré qu’ayant su travailler avec un cheval, elle pourrait tout aussi bien devenir réalisatrice. « Ce qui n’a rien à voir ! », s’amuse Laetitia Dosch.


Lors de la Soirée Suisse à Cannes, Kodi et Laetitia Dosch avec la ministre suisse de la Culture, Elisabeth Baume-Schneider.

Keystone / Jean-Christophe Bott

En repensant à la pièce, elle constate que l’écologie, le féminisme et les relations humaines avec les autres espèces sont des thèmes qui traversent l’ensemble de son œuvre.

Laetitia Dosch confie également que l’idée même du film lui est venue à l’origine d’un spectateur. Il lui a parlé d’un procès qui s’était tenu en Suisse. Sur le banc des accusés, un propriétaire et son chien qui, après avoir mordu trois personnes, ont risqué l’euthanasie. Un procès qui avait fait beaucoup de bruit.

Au cours de ses recherches, Laetitia Dosch est tombée sur un cas similaire, porté devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le chien avait été tué avant même le jugement.

Interrogée sur ce qui a chatouillé le réalisateur, elle a répondu que « le statut juridique des animaux n’est pas clairement défini. Lorsque la réponse n’est pas claire, la passion surgit – un espace qui nous permet de réfléchir et d’approfondir.

Le populisme et la bête humaine

Le procès du chien est un drame qui aborde de sérieux thèmes sociaux, éthiques et politiques. Influencé par une série comme FleabagLien externe et ses protagonistes brouillons ou encore par l’humour très singulier de Louis CKLien externeLaetitia Dosch incarne une nouvelle fois un personnage déjanté, qui n’est pas sans rappeler ses participations dans Jeune femme ou dans La bataille de SolférinoPremière production de Justine Triet.

Réalisatrice et scénariste, elle fait mouche avec ce qu’elle dépeint des leaders populistes – Roseline Bruckenheimer dans le film. Un personnage qui nous rappelle combien il est facile de manipuler l’opinion publique. Il suffit de penser à Donald Trump, Marine Le Pen et d’autres…

Pourtant, tenter d’établir des parallèles entre la situation des femmes, des immigrés, des animaux et d’autres groupes défavorisés dans la société constitue un défi. Et le ton humoristique du film ne rend pas entièrement justice à l’ampleur du sujet qu’il tente d’éclairer.

Cependant, la réalisatrice ne cherche jamais à imposer une opinion. Il n’y a pas de dogmatisme dans le film. À travers son personnage, elle exprime plutôt son propre désarroi face à certains problèmes qu’elle aborde.

Animaux domestiques et sur les murs

Laetitia Dosch a depuis longtemps assumé son lien avec les animaux. « Je pense que cela remonte étrangement à mon enfance. Je vivais avec mes oncles et mes grands-parents. Beaucoup d’humains à la maison, mais aussi des animaux. À la maison, ils étaient domestiques, nos amis, mais aussi empaillés, contre les murs. »

Chien lors d'une séance photo

Kodi lors de la présentation du Palme Dog.

Vision 2024

Son grand-père était ornithologue. « Il aimait les oiseaux et sa façon de le montrer était de voler les œufs des nids et de les mettre dans des boîtes pour les récupérer. Il possédait l’une des plus grandes collections d’œufs d’Europe. La question du respect de ce qu’on aime et d’aimer sans respecter est très présente depuis mon enfance.

Laetitia Dosch souligne l’importance cruciale du bon casting pour incarner le héros du film, adorable mais pas évident. Elle et son équipe ont évalué des chiens en tant que dresseurs. Beaucoup ont réalisé des exploits, selon le réalisateur.

Après plusieurs tentatives infructueuses, après avoir discuté de son travail d’élevage dans une émission de radio, elle a reçu une bande-annonce de Kodi. «C’est un chien très spécial. Il a longtemps vécu dans la rue avant d’être secouru et de commencer à travailler avec ses entraîneurs.

Le chien ne hurle pas

Mais un défi de taille attendait la réalisatrice et son équipe : Kodi ne hurlait jamais. « Une grosse frayeur pour nous, sachant que c’était un élément essentiel du scénario. On a demandé à l’équipe des effets spéciaux de le réparer. Trop cher. Au final, ils ont observé qu’en imitant les miaulements d’un chaton, Kodi se mettait à hurler. »

Lorsqu’on lui demande ce qui a fait de Kodi le chien parfait pour incarner Cosmos, Laetitia Dosch répond ses capacités physiques.

« J’ai adoré toutes les émotions et la vitalité que reflétait son visage. Son showreel prouve qu’il peut faire des choses incroyables. J’ai intégré tout ça dans le scénario. Mais au montage, j’ai décidé de tout éliminer ou presque, sauf une scène de tribunal, importante pour l’intrigue. Si j’avais tout gardé, Kodi aurait ressemblé à un chien de fête foraine, j’ai refusé de faire ça.

Films Deux femmes, deux chiens

À propos de Justine Triet, avec qui elle a travaillé en 2013 sur La bataille de SolférinoLaetitia Dosch confie l’avoir rencontré lors d’un concert il y a treize ans. Une rencontre en forme de déclic pour tous les deux.

Un fil conducteur probablement dû au hasard relie les deux femmes puisque toutes deux ont réalisé un drame judiciaire mettant en scène un chien. Des films présentés à Cannes à un an d’intervalle seulement.


Justine Triet avec sa Palme d’Or lors du dernier Festival de Cannes.

Keystone-EPA/Guillaume Horcajuelo

« C’est une histoire vraiment drôle, explique Laetitia Dosch. Il y a quatre ans, quand on est revenues de Cannes, on était assises l’une en face de l’autre. Elle m’a dit qu’elle travaillait à l’écriture d’un film d’essai. J’ai dit : « Moi aussi ! » Elle m’a dit qu’il y avait un chien dans son histoire. Dans la mienne aussi ! Son scénario comportait un enfant et un personnage aveugle, le mien aussi. « Je suis ruinée ! » me suis-je dit. Blague à part, j’ai eu très peur. J’ai même pensé à changer de sujet, j’y travaillais depuis un an. Honnêtement, je ne sais pas, les coïncidences viennent probablement de notre inconscient. »

Texte relu et vérifié par Virginie Mangin et Eduardo Simantob, traduit de l’anglais par Pierre-François Besson/op

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