«Je suis plusieurs lecteurs à la fois»

«Je suis plusieurs lecteurs à la fois»
«Je suis plusieurs lecteurs à la fois»

l’essentiel
La romancière mauricienne Nathacha Appanah arrive à Toulouse pour le Marathon des mots, où elle présentera samedi, à la librairie Floury, le récit poignant « La Mémoire délavée ». Rencontre.

Avec « La Mémoire délavée », Nathacha Appanah livre le récit poignant de l’arrivée à Maurice de ses ancêtres, ces « coolies » dont elle révèle l’histoire en regardant directement leur déracinement, leur quête d’identité.

Pour la première fois, vous abordez l’histoire familiale sans le filtre de la fiction. Comment avez-vous « franchi le pas » ?

Mon premier roman, “Les roches à la poudre d’or”, suit cinq personnages qui quittent l’Inde et se retrouvent à Maurice. C’était une histoire qui m’était familière mais je tournais autour des éléments d’aventure pour parler d’un grand continent que l’on quitte. Là, j’ai voulu garder l’histoire à distance. Je savais que ma famille avait vécu ce parcours de la diaspora : un personnage quitte son pays et se retrouve perdu. J’étais enfin prêt à raconter cette histoire.

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Vous invoquez encore la littérature, la poésie : le récit s’ouvre sur une envolée d’étourneaux et la narratrice entre dans une rêverie où elle retrouve son grand-père…

C’est exactement ça ! J’ai eu beaucoup de mal à écrire ce livre. Je pensais que ce serait plus facile, qu’il me suffirait d’être authentique et sincère. En vérité, j’écrivais sur des choses que je connaissais peu. Quand on est enfant, on se retourne souvent contre les adultes, qui pensent que nous n’écoutons pas… J’ai assisté à des veillées funèbres – que fait un enfant lors d’une veillée funéraire ? -, j’ai entendu beaucoup de conversations sur l’apport britannique… Vous avez raison sur le vol des étourneaux : j’ai trouvé cette faille, cette brèche et je me suis précipité dedans, utilisant le langage pour retrouver cette mémoire, ces choses, ces coutumes, ces les traditions, ces manières de vivre, de se comporter…

A travers l’histoire de votre famille hier, avez-vous souhaité évoquer celle de millions de migrants aujourd’hui ?

Je ne voulais pas seulement raconter, mais intégrer mon histoire dans quelque chose de plus grand ; parler de migrations, d’émigrations, d’immigration. Jérôme Garcin parle dans ses livres de ses « fantômes » : Moi aussi, j’avais envie de parler de mon grand-père, cet homme discret qui attendait de moi que j’écrive sur des hommes asservis par d’autres hommes, que j’aie la maturité pour y parvenir.

Cette histoire semble s’écrire en temps réel : vous dites « Je me souviens… » et les souvenirs défilent sous votre plume et sous nos yeux…

La forme était très importante, je voulais quelque chose de doux. Après avoir lu « Tropique de la violence », mon père s’est souvenu de bien d’autres choses. Je lui ai dit : « Mais papa, pourquoi tu ne m’as jamais raconté ces histoires ? Il les avait tout simplement oubliés… Magie de la littérature…

Quels souvenirs gardez-vous de votre précédente visite au Marathon des mots ?

C’était en 2008 et j’étais enceinte de six mois. Je me souviens qu’un monsieur s’est levé pendant que je lisais pour m’offrir sa chaise ! C’est une fête magnifique : mes livres sont traduits dans de nombreuses langues mais jamais je n’ai rencontré autant de gens qu’en France heureux d’écouter un acteur, de rencontrer un auteur, d’entendre des histoires, de lire des livres…

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Quel genre de lecteur êtes-vous?

Je suis plusieurs lecteurs en même temps : j’ai toujours un essai ou un roman à lire. Mon premier choc littéraire ? Sans hésiter : « L’Étranger », de Camus. Je l’ai lu plusieurs fois. Au début, je ne comprenais pas ce qu’il me disait mais je me demandais : « Mais c’est quoi cette magie ?

Rencontre avec Nathacha Appanah vendredi 28 juin à 18h30 à la médiathèque Tournefeuille, samedi 29 juin à 11h à la librairie Mots et Cie de Carcassonne et à 16h30 à la librairie Floury Frères (36, rue de la Colombette ). Dernier livre paru : « La mémoire fanée » (Mercure de France, 160 pages, 17,50 €)
 
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