La chaîne diffuse une unité émouvante d’Éric Métayer inspirée d’une histoire vraie. Avec Cécile Bois, primée pour son rôle au festival de La Rochelle, et Odile Vuillemin.
Dix ans. C’est le temps qu’il faudra à Laurence Jambu pour sauver sa nièce Karine des mauvais traitements infligés par ses propres parents. Dix ans de combats acharnés, de signalements aux services sociaux dans des courriers au parquet, de convocations par la police pour mise en garde à vue pour dénonciations calomnieuses.
Cette histoire vraie a fait l’objet d’un livre, Rapports, écrit par les deux femmes. Éric Métayer, codirecteur de Chatouillement avec Andréa Bescond, et dont on sait l’engagement viscéral contre les violences sexuelles, s’en est emparé avec la modestie qui le caractérise. “Le travail est dur, voire sordide, il faut porter cette réalité à l’écran tout en veillant à ce qu’elle soit encore admissible, il analyse. De toute façon, je ne suis pas là pour montrer la violence mais pour la faire ressentir, l’imagination est deux fois plus forte.»
Sautes d’humeur
La petite fille, muette, aux grands yeux noirs (Flavie Dachy) subit les sautes d’humeur d’une mère dépressive, à la pâleur cadavérique, alternant alcool et médicaments, éclats de vie rock and roll vite écrasés par un terrible handicap. “En tant que défi d’acteur, il peut être a priori agréable de rechercher ce type de personnage, très difficile, admits Odile Vuillemin, her interpreter. Cela semble si naturellement caricatural que l’instinct est d’aller dans le sens de l’histrionique.. Mais plus Eric nous ramenait à la sincérité, plus ça devenait dérangeant de jouer.»
Cécile Bois, primée au festival de fiction de La Rochelle pour ce rôle, incarne Laurence Jambu dans toute sa lumière, sa douceur, sa pugnacité, sa colère aussi. “Eric, qui l’a rencontrée, m’a donné des clés qui m’ont aidé à construire le personnage. De temps en temps, je lui demandais comment elle avait vécu cette scène. S’il n’avait pas la réponse, il la trouverait. C’est évidemment toujours délicat de jouer des personnes existantes, cela implique une responsabilité. J’ai essayé d’être aussi fidèle à qui elle est, à la façon dont elle réagissait aux choses. Concernant la scène où Karine lui est retirée et placée dans une famille d’accueil, elle m’a raconté avoir crié. Mais j’ai finalement fait quelque chose de plus sobre, qui correspond mieux à la situation à l’écran..»
« La parole est libre, il faut désormais agir au niveau des services sociaux et de la justice »
Eric Métayer
Quel message Éric Métayer voudrait-il faire passer ? « Chatouilles était dédié à la victime. Ici, c’est tout le système judiciaire qui est en jeu. Depuis dix ans, nous réclamons la liberté d’expression, maintenant qu’elle est libre, il faut agir au niveau des services sociaux et de la justice», insiste le cinéaste, qui tient à souligner que chaque semaine, un enfant meurt aux mains de ses parents en France.
La fiction est ainsi programmée dans le cadre d’une soirée continue autour de la Journée internationale des droits de l’enfant. Elle sera suivie d’un débat « Comment protéger les enfants en danger ? présenté par Carole Gaessler, en présence de Karine et Laurence Brunet-Jambu, puis la rediffusion du documentaire L’inceste, le dire et l’entendre d’Andrea Rawlins-Gaston.