La route que nous suivons

Grâce à mon travail où j’étais souvent envoyé en reportage, j’ai appris à voyager seul – cela risque de continuer, car depuis la pandémie, l’Amant, allergique à la paperasse, n’a toujours pas renouvelé son passeport expiré quelque part en 2020.


Publié à 1h40

Mis à jour à 7h15

J’ai ainsi compris que voyager seule est une conquête très récente pour les femmes, qui ne peuvent certainement pas se promener n’importe où dans le monde sans avoir les yeux tout autour de la tête, même à Montréal.

Mais il y a quelque chose d’exaltant, vivre cette expérience intensément pour soi, avoir juste un carnet pour raconter ses découvertes, se promener sans personne pour dicter une heure ou une destination, observer les gens. vivre dans une ouverture et une curiosité dont nous n’avons pas assez chez nous.

Néanmoins, il m’est parfois arrivé, dans un creux de solitude, de souhaiter la présence de quelqu’un à mes côtés, quelqu’un peut-être comme Catherine Mavrikakis ou Will Ferrell, qui ont accompagné leurs propres aventures de voyage, lors de mon récent séjour à Nice, après un détour par Monaco.

Will Ferrell est l’humoriste qui me fait le plus rire au monde, et je m’attendais à un vrai rire en regardant le documentaire Will et Harper sur Netflix. J’ai été plutôt agréablement ému par ce film où le célèbre comédien décide de faire un voyage en voiture aux États-Unis avec un vieil ami qu’il connaissait Samedi soir en directscénariste et auteur Andrew Steele.

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PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Harper Steele et Will Ferrell dans Will et Harper

En effet, pendant la pandémie alors que les deux amis ne pouvaient pas vraiment se voir, Andrew a entamé sa transition et est devenu Harper Steele, une femme. Steele, qui a beaucoup voyagé sur les routes américaines au cours de sa vie, a souhaité revisiter certains lieux marquants, mais cette fois sous sa nouvelle identité.

Il est très touchant de voir Will Ferrell tenter de comprendre du mieux qu’il peut le parcours d’Harper, qui répond à toutes ses questions. Même les plus bêtes, par exemple lorsqu’il lui demande, avec l’humour de son oncle, si elle est devenue une mauvaise conductrice depuis qu’elle est une femme !

Mais l’humour ne parvient pas toujours à désamorcer certains mal-êtres dans les coins les plus hostiles de l’Amérique, et Will Ferrell découvre en s’inquiétant pour son ami que la route est toujours un peu plus dangereuse pour les femmes, trans ou non.

C’est aussi ce que Harper ressent dans sa propre chair, preuve qu’on ne fait jamais de transition « pour le plaisir », car si le voyage aurait certainement été plus facile pour Andrew, c’est toute l’aspiration à une vie pleine et entière que Harper n’aurait pas pu connaître. .

On a rarement vu un documentaire aussi instructif, jamais moralisateur, sur l’identité de genre, sans doute parce qu’il s’agit avant tout d’un film sur l’amitié. Mais c’est aussi un miroir tendu à la société qui se révèle dans sa manière d’accueillir ou non Harper.

N’ayant jamais appris à conduire, l’imagination de la route et voyage en voiture est plus ou moins ancré en moi. Je le trouve même parfois un peu trop omniprésent dans la culture américaine qui m’a infligé quelques petits films indépendants sur ce thème que je trouvais mortellement ennuyeux. Peut-être suis-je un peu fourbe, par jalousie, car dans les rares occasions où je roulais aux côtés d’amis qui conduisaient, j’appréciais cette liberté de pouvoir emprunter des chemins de traverse. .

C’est pourquoi j’admire Catherine Mavrikakis pour avoir appris à conduire à la cinquantaine, ce qui lui a permis d’écrire ce petit livre, Sur les routes – Un étrange voyage de Chicago à Alamogordoqui vient de paraître chez Héliotrope. Une nouvelle écrite à toute allure, puisqu’elle raconte sa récente escapade aux Etats-Unis l’été dernier, mais dont la réflexion est approfondie par une vie à visiter ce pays pour celle qui est née à Chicago, et dont l’œuvre est solidement ancrée en Amérique du Nord. . Sans oublier sa grande connaissance de la littérature américaine, notamment des écrivains qui se sont inspirés du mythe de la route, comme McCarthy, Kerouac ou Steinbeck.

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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE ARCHIVES

Catherine Mavrikakis

Mavrikakis se réjouit d’emblée que le célèbre roman La route de Cormac McCarthy est venu sonner le glas du mythe de la route et du progrès – dans cette terrible histoire, on s’en souvient, tout n’est que cendres et désespoir, et un père tente de sauver son fils d’une catastrophe dont on ne nomme jamais, prendre un chemin qui semble ne mener nulle part.

« En littérature, après McCarthy, on ne pourra plus s’accrocher à la simple idée de la beauté du voyage », note Mavrikakis, qui rappelle que McCarthy « n’hésite pas à absorber deux monuments de l’histoire de la littérature américaine » [The Road de Jack London et On the Road de Jack Kerouac] et faire partie d’une lignée que l’écrivain va détourner à son profit pour la rendre obsolète ou en tout cas lui causer un grand préjudice. »

Catherine Mavrikakis se demande cependant s’il est vrai que le voyage littéraire touche à sa fin, et comme son père mythomane lui l’a promis tout au long de son enfance un voyage en voiture qui n’est jamais arrivé, elle décide de s’en offrir.

« Il est évident que les femmes sont souvent exclues du voyage en voiture », écrit Catherine Mavrikakis. « Il faut juste penser au film Thelma et Louise sentir combien, même si la route est signe de liberté pour les femmes, il y a des dangers pour elles lorsqu’elles décident de l’emprunter. »

La route n’a jamais été égale, beaucoup de conducteurs ne veulent pas la partager, nous fait comprendre Mavrikakis. Avec des femmes, mais aussi des Afro-Américains qui ont longtemps dû suivre les conseils du célèbre Livre vertce guide qui expliquait où séjourner et s’approvisionner pour les Noirs dans l’Amérique ségrégationniste. La route est également pleine de dangers pour les migrants qui traversent les frontières à pied dans l’espoir d’une vie meilleure.

Malgré tout, dans ce long voyage où elle voyage d’est en ouest et du nord au sud, l’écrivaine part à la rencontre de cette Amérique parfois fantasmée, retrouvant la ville de Bay City de son enfance, l’état du Michigan où elle a étudié, visitant de nombreuses librairies indépendantes, en réflexion, devant l’ouvrage Sans titre par Wojnarowicz dans un musée de Washington sur la disparition des bisons, des indigènes et des homosexuels lors de l’épidémie de sida, rencontrer à Memphis des gens bouleversés par la tentative d’assassinat de Donald Trump (une autre preuve de la violence de la politique américaine), analyser le discours sur le social cours dans le livre Élégie montagnarde par JD Vance, colistier de Trump aux prochaines élections…

Ce sont deux regards très intéressants sur les États-Unis d’aujourd’hui que nous proposent Harper Steele et Catherine Mavrikakis, deux regards féminins aussi, qui changent les perspectives sur le chemin de l’avenir que nous suivons tous, un avenir qui n’est jamais écrit d’avance.

Sur les routes – Un étrange voyage de Chicago à Alamogordo

Sur les routes – Un étrange voyage de Chicago à Alamogordo

Catherine Mavrikakis

Héliotrope

123 pages

 
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