Après les départs de Dstny et Van Gils, Lotto prépare une saison de transition avant de revenir, certes, sur le World Tour en 2026. Mais 2025 sera allégée en courses WT et le trio De Lie-Van Eetvelt-Segaert aura de grosses responsabilités. Retour sur les grandes déclarations du manager de l’équipe belge, Stéphane Heulot.
Stéphane Heulot (Lotto) : « Briller avec Van Eetvelt et De Lie sur le Tour de France 2025 »
L’intersaison du Lotto a été difficile. Si le Belgian Pro Team a réalisé une excellente saison 2024, en terminant à la 9ème place UCI et en prolongeant ses têtes d’affiche avec Arnaud De Lie, Maxim Van Gils et Lennert Van Eetvelt, il a essuyé deux gros coups : le retrait de Dstny, co-sponsor titre, puis le départ de Van Gils chez RedBull Bora Hansgrohe. De quoi peser lourdement sur sa saison 2025 : avec seulement 25 coureurs, Lotto a refusé les invitations à Paris-Nice et au Dauphiné, où il avait des ambitions avec son puncheur. Pour la journée de rentrée réservée aux médias ce jeudi, à laquelle Vélofuté a pu participer, Stéphane Heulot, PDG de Lotto, est apparu fataliste devant la presse, tout en gardant une grande motivation pour 2025 et la préparation du World Tour qui se profile en 2026. Voici les principaux enseignements de l’intervention du manager français.
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Le départ de Maxim Van Gils
« J’apprécie beaucoup Maxim, comme tous les coureurs. Je peux comprendre le côté coureur et le fait qu’il faut avoir la meilleure carrière. Tout peut arriver, un accident, une chute, on peut aussi perdre du temps. Nous avions démissionné à sa demande, je n’ai pas négocié la proposition de Maxim à l’époque car c’est ce qu’il voulait, être apaisé pour les trois prochaines années, il se sentait bien dans l’équipe. Quand nous l’avons signé, nous nous sommes dit que nous avions été assez généreux, que nous n’avions pas conscience du développement que cela allait prendre si rapidement, ni de faire une bonne affaire. Après, les choses ont changé. Je ne peux pas lui en vouloir, ça me fait mal pour l’équipe, car les contrats sont respectés, car à l’inverse quand un pilote est bien payé mais n’est pas performant, il n’y a pas de remboursement et c’est tout. C’est comme ça. Mais aujourd’hui les agents ont des attitudes assez virulentes. Cela me touche, j’ai de l’affection pour lui. Je regrette de ne pas pouvoir l’accompagner davantage. […]
Nous avions la possibilité de le bloquer, mais à quoi bon ? Il ne court qu’en juillet, août et après ? Le but aurait été le même. Ce n’est pas dans nos valeurs. […]
J’ai compris que c’était fini lorsque Maxim lui-même m’a dit qu’il voulait partir. Précédemment J’avais été contacté par son nouvel agent après le Tour qui m’a dit qu’il voulait renégocier, ce qui ne faisait pas partie de nos plans. J’ai donc contacté son ancien agent pour comprendre un peu le contexte. On n’a pas pu renégocier en 2025, et quand Maxim m’a dit, voilà, j’ai ce que je veux et ce dont je rêve. Alors voilà, je lui souhaite le meilleur, c’est un garçon charmant avec beaucoup de qualités. »
« La moyenne budgétaire en WT est de 32 millions d’euros. […] Nous ne sommes pas à la moitié du chemin.
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La recherche de sponsors et l’évolution des budgets dans le cyclisme
« Le cyclisme progresse à une vitesse incroyable avec une inflation colossale. Nous nous concentrons aujourd’hui sur 4-5 équipes qui font exploser le marché, contre lesquelles nous ne pouvons pas nous aligner. Voulons-nous nous aligner ailleurs, je ne pense pas. Peut-être qu’un nouveau modèle verra le jour. Quand on termine 9ème mondial avec le budget dont on dispose, on atteint 150% de performance. La moyenne budgétaire en WT est de 32 millions d’euros, elle était de 20 millions d’euros en 2021 et de 28 millions d’euros l’année dernière. Nous n’en sommes même pas à la moitié du chemin. Il faut trouver des solutions, mais cela restera dans nos valeurs, nous avons réussi à créer quelque chose d’assez extraordinaire. Que pouvons-nous faire ? Déjà par rapport au droit belge, qui est assez permissif. Il faut être résilient. […]
Concernant la recherche d’un nouveau sponsor, le problème qu’on a aujourd’hui c’est qu’au niveau commercial, rien n’a été fait depuis 2 ans. Lorsque notre manager est arrivé au milieu de l’année, nous sommes partis d’une page vierge. On a des pistes, on est confiant de pouvoir annoncer quelque chose avant le départ du Tour, c’est un travail continu et colossal. La situation économique n’est pas idéale, mais notre équipe est attractive et le cyclisme est prometteur. Nous avons des candidats, nous faisons beaucoup de démarchage et nous constatons de l’intérêt.
Pour exister au niveau WT, il nous manque pas mal de choses, nous ne pouvons pas atteindre 32 M€, mais il faut s’en rapprocher. Après, si on enlève 4-5 équipes on n’est plus si loin, mais pour être à l’aise en WT, il faut aujourd’hui 30 M€. »
« Nous avons été obligés de revoir le calendrier courses en 2025 car Maxim était un coureur important avec des ambitions sur Paris-Nice et le Dauphiné. Son départ nous handicape pour ces deux courses. Nous n’avons pas refusé plus d’autres courses par rapport à l’année dernière, mais cela est logique compte tenu de la jeunesse de l’équipe et de l’objectif de revenir sur le World Tour. Nous ne voulons pas dénigrer nos valeurs et nos talents en les mettant à toutes les sauces. Lennert a un programme axé sur certaines courses par étapes d’une semaine comme la Catalogne ou le Tour de Suisse, qui seront des axes importants pour lui. De l’autre côté on aura Arnaud et sa garde rapprochée qui seront sur les Classiques, pour briller sur les semi-classiques ou encore un Monument, mais c’est très compliqué. Enfin nous avons Alec Segaert qui grandit et mûrit, d’autant qu’il va pouvoir se consacrer de plus en plus au cyclisme, car il étudie encore. J’ai hâte de voir si toutes les planètes s’alignent pour le Tour avec ces trois coureurs. Nous allons essayer d’avoir un impact sur tous ces objectifs que nous avons identifiés. »
« Arnaud a voulu essayer cette formule d’entraînement en altitude, ça n’a pas marché, car ça ne convient pas à un coureur comme Mads Pedersen »
« L’année dernière, le printemps compliqué d’Arnaud a été une opportunité pour lui. N’oublions pas qu’il est très jeune. C’était une sorte de rupture pour lui, dans le sens où il avait toujours réussi. Mais le soir de la 3ème étape de Paris-Nice, quand je lui ai dit qu’il pouvait faire sa valise et rentrer chez lui, il a craqué car il n’a pas compris. Je lui ai dit, c’est une période difficile, c’est la résilience mais il faut savoir toucher le fond pour rebondir. Et je pense qu’il l’a fait parfaitement.
C’était un changement d’approche pour la saison : il voulait essayer cette formule d’entraînement en altitude, ça n’a pas marché, car cela ne correspond pas à un coureur comme Mads Pedersen qui ressemble à son profil. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, il a gagné en recul et en expérience, il a bien appris.
Il n’aura ni Paris-Nice ni Tirreno pour préparer les classiques, mais beaucoup de coureurs ne le font pas forcément. Paris-Nice n’est pas la meilleure course de préparation. L’objectif est de faire une préparation classique bien spécifique, privilégiant la fraîcheur pour la fin de campagne. »
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Équipe de formation et de développement
« Le scoutisme, c’est pour les devo mais il ne se limite pas aux très jeunes, comme pour toutes les autres équipes. Mais pour devo, nous avons ce créneau tout à fait exceptionnel grâce au travail de Kurt et de toute son équipe et qui porte aujourd’hui ses fruits. Mais ça devient de plus en plus compliqué parce que les autres équipes s’en prennent à nos coureurs, on l’a vu avec Jarno Widar, Steffen De Schuyteneer, avec Mathys Grisel, on sait que ce sont des talents à qui il faut laisser du temps. Aujourd’hui nous savons que nous n’avons pas les moyens d’embaucher un top 5 voire top 10 mondial, par contre nous avons la capacité de détecter et former un futur top 5 mondial. Nous suivons cette philosophie qui, à mon avis, fonctionne plutôt bien puisque nous enchaînons une deuxième année consécutive dans le top 10. »